Effenco n’arrivait pas à renflouer ses coffres malgré des percées à l’international et ses contrats obtenus auprès de clients de renom. Incapable d’attirer un nouvel investisseur, la jeune pousse québécoise, qui semblait en pleine ascension, n’avait plus le choix : la faillite était inévitable.

C’est de cette façon que David Arsenault, fondateur et ex-président du spécialiste de l’électrification des véhicules lourds, a résumé la débâcle de l’entreprise fondée en 2006, vendredi, à l’occasion d’une assemblée des créanciers. Près de 16 millions de dollars de fonds publics sont en jeu.

Nos ventes ne généraient pas suffisamment de liquidités pour soutenir nos activités. Nous devions trouver un autre investisseur externe.

David Arsenault, fondateur d’Effenco

C’était la première fois qu’il était possible d’entendre la version des faits de M. Arsenault depuis que l’entreprise a mis la clé sous la porte, le mois dernier. Avant d’éventer la fin des activités de la société, La Presse avait tenté à maintes reprises de s’entretenir avec M. Arsenault, sans succès.

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Effenco proposait une solution hybride électrique destinée aux camions lourds vocationnels, comme ceux destinés à la collecte des ordures ou des matières recyclables. La technologie permet de couper le moteur lors de l’arrêt du véhicule tout en continuant d’alimenter des systèmes auxiliaires, comme une benne hydraulique. Ce procédé avait convaincu la multinationale Derichebourg, en plus de charmer la Ville de New York. L’entreprise tablait aussi sur une solution 100 % électrique, ce qui nécessitait des investissements.

L’automne dernier, Effenco avait resserré ses liens avec le géant français de l’enlèvement de matières résiduelles afin de convertir 60 de ses camions lourds. Elle comptait 37 employés au moment de se tourner vers la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.

Endettée

Au moment de déposer le bilan, les créances d’Effenco s’élevaient à 17,5 millions. Les deux principaux créanciers sont Investissement Québec (IQ), le bras financier de l’État québécois, et BDC Capital, qui fait partie de la Banque de développement du Canada – une société d’État fédérale. Les deux organisations étaient aussi les deux actionnaires les plus importants.

Selon M. Arsenault, IQ et BDC Capital ont aussi refusé d’accorder un financement provisoire à son entreprise alors que sa situation se détériorait. Il n’a toutefois pas donné plus de détails. Impossible, donc, de savoir pourquoi aucun autre investisseur n’était intéressé.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

David Arsenault était le fondateur et président d’Effenco.

« Nous avions besoin d’une injection supplémentaire de liquidités, a-t-il dit. Elle ne pouvait être fournie que par les actionnaires existants et ils ont décidé de ne pas le faire. Le conseil d’administration a donc opté pour la faillite. »

D’après nos informations, les délais entourant le renouvellement du programme Écocamionnage, qui subventionne les entreprises adoptant des technologies vertes, ont aussi contribué à fragiliser Effenco. Arrivée à échéance le 31 mars 2021, la mesure a été renouvelée en décembre dernier. L’incertitude aurait incité plusieurs clients potentiels à demeurer sur les lignes de côté, ce qui aurait nui à Effenco.

Des millions à risque

Au fil du temps, Québec a versé environ 10,5 millions à Effenco par l’entremise de tours de financement et de prêts. L’entreprise doit aussi 5,5 millions à BDC Capital.

Les créanciers garantis ne seront vraisemblablement pas en mesure de récupérer la totalité des sommes investies. Selon le rapport présenté vendredi par MNP, le syndic au dossier, la valeur des actifs de la société était chiffrée à 6,6 millions. Un processus de liquidation est en cours dans l’espoir de trouver des repreneurs pour les brevets, les stocks et les équipements. Les offres doivent être déposées d’ici le 27 mai.

« Il y a de l’intérêt, mais il n’y a pas encore d’offres », a indiqué à La Presse le syndic Pierre Marchand.

IQ n’a pas voulu s’avancer sur la somme qui pourrait être radiée. Dans un courriel, sa porte-parole, Isabelle Fontaine, a affirmé qu’il « faudra attendre la vente des actifs […] pour savoir combien Investissement Québec pourra récupérer ».

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    Effenco comptait des bureaux dans quatre pays : en France, aux États-Unis, en Norvège et au Canada.
    SOURCE : Effenco