La prometteuse Effenco semble avoir cessé toute activité

Le vert a tourné au rouge pour Effenco, perçue comme l’une des étoiles montantes de l’électrification des transports et qui s’est fait remarquer à l’étranger, a appris La Presse. Financée à coups de millions par Québec et Ottawa, l’entreprise québécoise a récemment licencié ses employés et semble avoir mis la clé sous la porte.

Sur une apparente lancée avec ses percées à l’étranger, le spécialiste de l’électrification de véhicules lourds industriels était plutôt aux prises avec une situation financière qui se détériorait et a coupé les ponts avec ses salariés à la fin de mars.

« Ils nous ont dit que l’entreprise fermait », a raconté un ancien employé d’Effenco, qui n’a pas voulu s’identifier pour ne pas nuire à ses chances de dénicher un autre poste. « De ce qu’on nous a dit, nous étions au point zéro. On nous a tous licenciés. »

Fondée en 2006, la jeune pousse offre une solution hybride électrique pour camions lourds vocationnels – collecte des ordures et de matières recyclables, notamment. Cette technologie permet de couper le moteur lors de l’arrêt du véhicule tout en continuant d’alimenter des systèmes auxiliaires, comme une benne hydraulique. Ce procédé avait convaincu la multinationale Derichebourg, en plus de charmer la Ville de New York.

Pas plus tard qu’en octobre dernier, l’entreprise avait resserré ses liens avec le géant français de la collecte de matières résiduelles afin de convertir 60 de ses camions lourds. Elle comptait alors 80 personnes dans ses installations montréalaises.

Lisez l’article « Effenco renforce ses liens avec Derichebourg »

Silence radio du grand patron

À plusieurs reprises au cours des dernières semaines, La Presse a tenté de s’entretenir avec le fondateur et président d’Effenco, David Arsenault, pour tenter de faire le point. Celui-ci n’a pas répondu aux courriels qui lui ont été adressés.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

David Arsenault a fondé Effenco. Il en est aussi le président.

Lundi, lorsque La Presse s’est présentée devant la porte des bureaux d’Effenco, situés rue Saint-Patrick, dans l’arrondissement du Sud-Ouest, la porte était verrouillée, et personne n’est venu répondre. Du côté de l’atelier, situé dans le même édifice, les lumières étaient éteintes à l’intérieur, et il n’y avait aucune activité apparente.

En après-midi, deux personnes qui s’apprêtaient à entrer dans l’atelier se sont présentées comme d’ex-employés d’Effenco, mais n’ont pas voulu se nommer. Elles ont affirmé que les activités avaient cessé.

« Le best, ça serait de parler au président », a lancé l’un des deux hommes, avant d’entrer à l’intérieur de l’atelier.

Derichebourg avait déjà demandé à Effenco d’électrifier près de 160 de ses camions – 120 dans l’Hexagone et 40 à Montréal. Le groupe français n’a pas voulu commenter la situation de son fournisseur.

On ne retrouvait pas, lundi, le nom d’Effenco dans le registre en ligne du Bureau du surintendant des faillites. En février dernier, la société avait transmis un avis de licenciement au ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale concernant 10 salariés.

Des millions en jeu

La tournure des évènements pourrait faire perdre des millions à Québec et à Ottawa. Les deux principaux actionnaires d’Effenco sont BDC Capital, qui fait partie de la Banque de développement du Canada – une société d’État fédérale – et Investissement Québec (IQ), le bras financier de l’État québécois, d’après le Registraire des entreprises.

Ces deux organisations étaient à la tête d’une ronde de financement de 10 millions conclue en septembre 2020. IQ a aussi participé à une levée de fonds de 2,5 millions en 2019. Québec avait également offert 2,5 millions à Effenco en 2018.

Des démarches étaient en cours pour tenter de boucler une ronde de financement, mais selon les informations obtenues par La Presse, il n’y aurait pas eu de partenaire privé aux reins solides qui semblait prêt à sauter dans l’aventure.

« C’est vraiment malheureux, je pense que c’était une technologie qui répondait aux besoins opérationnels du milieu », a expliqué un ancien employé.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Effenco développait des solutions pour électrifier et connecter les véhicules lourds à arrêts fréquents.

Dans un courriel, la BDC a seulement confirmé avoir soutenu Effenco. Lundi après-midi, IQ n’avait pas répondu aux questions de La Presse concernant l’entreprise.

Selon nos informations, un autre élément a fragilisé la situation financière de l’entreprise au cours des derniers mois : le temps qui s’est écoulé avant le renouvellement du programme Écocamionnage, qui procure des incitatifs financiers pour les entreprises qui adoptent des technologies pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES).

Cette mesure était venue à échéance le 31 mars 2021 avant d’être renouvelée en décembre dernier. L’incertitude aurait incité plusieurs clients potentiels à demeurer sur les lignes de côté, ce qui aurait nui à Effenco.

Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse

En savoir plus
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    Effenco dit avoir installé sa solution hybride électrique sur plus de 400 camions en circulation dans 11 pays.
    Source : Effenco
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    En plus de son siège social à Montréal, Effenco avait des antennes à Los Angeles, à Paris et en Norvège.
    Source : Effenco