Les firmes de notation financière Moody’s et DBRS Morningstar allument des feux jaunes quant à l’ampleur du déficit budgétaire au gouvernement du Québec qui a été présenté dans le budget déposé mardi par le ministre des Finances, Eric Girard.

Dans ce budget, le gouvernement Legault anticipe un déficit record de 11 milliards pour l’exercice budgétaire 2024-2025, soit plus de trois fois plus que son estimation antérieure de 3 milliards, et près de deux fois plus que les déficits moyens de 6 milliards qui ont été comptabilisés pour les deux années précédentes.

Or, au lendemain du dépôt de ce budget lourdement déficitaire, les analystes de la firme Moody’s ont produit un rapport préliminaire qui accorde un premier avis « négatif » au sujet de la notation de crédit du gouvernement du Québec.

« La baisse des résultats budgétaires est un constat négatif de crédit [credit negative] qui met en évidence les pressions auxquelles le gouvernement du Québec fait face tant sur les revenus que sur les dépenses », écrivent les analystes de Moody’s dans leur rapport obtenu par La Presse.

« Ces pressions budgétaires sont telles que la province est limitée dans ses capacités d’utiliser la flexibilité fiscale [hausses de taxes et d’impôts, réductions de dépenses] que nous attribuons habituellement aux provinces canadiennes. »

Chez la firme DBRS Morningstar, on note que « les perspectives financières [du gouvernement du Québec] se sont clairement détériorées, reflétant une économie provinciale stagnante, des augmentations de salaire plus élevées que prévu dans le secteur public et une baisse des revenus d’Hydro-Québec. À moyen terme, ces perspectives moroses pourraient affecter l’évolution des notations de crédit » du gouvernement provincial.

De tels avis préliminaires de negative credit de la part de Moody’s et d’impact potentiel sur des « notations de crédit » chez DBRS envers la soudaine détérioration de la situation budgétaire au gouvernement du Québec ne représentent pas encore l’équivalent d’une révision ou, pire, d’une baisse de cote de crédit par ces firmes de notation.

Ils n’en constituent pas moins des avertissements à l’intention des nombreux clients investisseurs et financiers de Moody’s et de DBRS qui interviennent dans le marché multimilliardaire des titres de dette et des obligations émises par le gouvernement du Québec.

Leur perception de la situation des finances publiques à Québec et des cotes attribuées par les firmes de notation financière – « Aa2 stable » chez Moody’s et « AA bas stable » chez DBRS – est aussi déterminante pour l’évolution des coûts d’emprunt du gouvernement provincial.

À ce propos, dans leur analyse du budget de Québec, les économistes du Mouvement Desjardins signalent que « les écarts de taux des obligations à long terme du Québec se sont légèrement élargis [détériorés] immédiatement après la publication du budget. Les investisseurs semblent avoir été surpris par l’ampleur de la détérioration de la situation financière de la province et par la hausse de ses besoins d’emprunt, malgré les communications [antérieures] du gouvernement ».

Les économistes de Desjardins soulignent d’ailleurs la forte croissance des besoins d’emprunt du gouvernement du Québec pour cet exercice budgétaire 2024-2025 et les suivants.

Pour l’essentiel, afin de combler ses besoins budgétaires et de refinancer une partie de sa dette arrivée à échéance, Québec prévoit avoir besoin d’emprunter 36 milliards sur les marchés financiers durant son exercice budgétaire 2024-2025, soit presque 70 % de plus que le montant des emprunts effectués l’année précédente.

Par la suite, ces besoins d’emprunt sont anticipés à hauteur de 32 milliards pour l’exercice budgétaire 2025-2026, et de 27 milliards en moyenne pour les trois exercices subséquents jusqu’en 2029.

« Au cours des prochains mois, nous nous attendons à ce que les écarts de taux des obligations du Québec évoluent au gré de l’appétit pour le risque sur les marchés mondiaux. Mais à plus long terme, le programme d’emprunt élargi pourrait accentuer les écarts de taux des obligations », signalent les économistes de Desjardins.