(Québec) Le déficit de maintien d’actifs (DMA), sorte de « dette cachée » de l’État, continue de grimper au Québec malgré des investissements record dans l’entretien des infrastructures. Optimiste, le gouvernement pense pouvoir redresser la barre.

Ce qu’il faut savoir

Quoi ?

Le déficit de maintien d’actifs continue de se creuser au Québec.

Pourquoi ?

Les infrastructures québécoises sont vieillissantes, et l’inflation fait grimper le coût des travaux.

Réaction

Des acteurs des transports collectifs dénoncent un budget qui manque d’ambition.

L’État estime que 44 % des routes, des écoles ou encore des hôpitaux sont en mauvais état, peut-on lire dans le Plan québécois des infrastructures (PQI) dévoilé mardi. Il s’agit de la même proportion que l’année dernière, mais beaucoup plus qu’en 2018 (31 %).

Pour établir son déficit de maintien d’actifs, l’État québécois répertorie l’ensemble de ses infrastructures et leur décerne une cote de A à E. Celles qui récoltent des notes de D et E reçoivent habituellement un DMA, soit « une estimation de la valeur des investissements requis pour rétablir l’infrastructure dans un état satisfaisant ou mieux, ou bien pour la remplacer », dans les mots de Québec.

Le DMA des organismes publics a bondi de 2,2 milliards dans la dernière année, pour s’établir à 37,1 milliards en mars 2024. Ce DMA était de 34,9 milliards au PQI de l’année dernière et de 30,6 milliards en 2022-2023.

Québec explique la hausse continue de ce passif par l’âge vénérable de bon nombre de nos infrastructures, construites dans les années 1960 et 1970. « Elles ont atteint, ou atteindront dans les prochaines années, leur fin de vie utile qui varie généralement entre 25 et 75 ans selon leur nature », peut-on lire dans le PQI. Les routes et les écoles sont particulièrement touchées par ce vieillissement.

Le gouvernement pointe aussi l’inflation. « La fenêtre qu’on avait à changer il y a cinq ans aujourd’hui coûte plus cher », a imagé le ministre responsable des Infrastructures, Jonatan Julien.

Des investissements record

Québec se fait toutefois rassurant : l’État pense pouvoir inverser la tendance et réduire dès l’année prochaine la proportion des infrastructures en mauvais état. Ses projections – ambitieuses – prévoient donc passer de 44 % des infrastructures en mauvais état cette année à 31 % dans 10 ans. Même son scénario le plus pessimiste prévoit une amélioration d’ici 2034 (41 % en mauvais état).

Mais il faudra que l’État pige dans ses poches pour y arriver. Le PQI prévoit d’ailleurs des investissements jamais vus de 153 milliards en une décennie, soit 3 milliards de plus que l’an passé.

De ce total, 87,6 milliards sur 10 ans sont prévus pour le « maintien du parc », un record. Cette dépense n’est pas banale. Au PQI de l’année dernière, Québec prévoyait que 60 % des dépenses en infrastructure sur une décennie iraient au maintien. Cette proportion monte maintenant à 62 % cette année. C’est donc dire que nos vieilles infrastructures pèsent de plus en plus dans le PQI.

Les routes avant le transport collectif

Entre le PQI de l’an dernier et celui de cette année, l’argent prévu pour les routes sur 10 ans grimpe de 3 milliards (de 31,5 milliards à 34,5 milliards). Les sommes prévues pour les transports en commun n’ont, quant à elles, pas bougé d’un iota (13,8 milliards).

« On remarque que la hausse de 3 milliards au total du PQI est engloutie dans le réseau routier », souligne Colin Pratte, chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS). « C’est révélateur de la vision du gouvernement en matière de transport collectif », ajoute-t-il.

Trajectoire Québec dénonce l’absence « de mesures structurantes pour le transport collectif ». Pour l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), « l’impasse demeure » quant au financement des transports collectifs. « Dans ce contexte préoccupant, nous avons convoqué la tenue d’une séance spéciale du conseil d’administration afin d’évaluer les différentes options », fait savoir l’ARTM.