Contribuables, il vous faut modérer vos attentes en vue du budget que le ministre des Finances Eric Girard présentera le 12 mars. Les demandes acheminées au bureau du ministre ont afflué cette année encore lors des consultations prébudgétaires, mais les coffres sont vides et la récession guette le Québec.

À moins d’ajouter à la dette, « on ne voit aucune marge de manœuvre pour de nouvelles initiatives du gouvernement dans les années qui viennent », dit Louis Lévesque, responsable du comité des finances publiques de l’Association des économistes québécois, qui a généralement l’oreille du ministre des Finances.

Le premier ministre François Legault a déjà prévenu les Québécois que le déficit sera plus élevé que prévu en raison des hausses de salaire consenties aux employés du secteur public. Le retour au déficit zéro sera reporté dans le temps. Il a aussi clairement indiqué qu’il n’est pas question d’augmenter les impôts.

Dans le mémoire qu’ils ont soumis au ministre des Finances, les économistes québécois estiment que le Québec n’a pas les moyens de financer de nouveaux services ni de réduire le fardeau fiscal. Ils soulignent que la croissance des revenus ralentit et que les pressions en santé et en éducation vont en augmentant.

Ils suggèrent plutôt au gouvernement de se pencher sur la colonne des dépenses. De l’austérité, alors que la récession est à nos portes, est-ce vraiment une bonne idée ?

« Il ne s’agit pas de sabrer, mais de contraindre les dépenses, tempère Louis Lévesque. Le Québec n’est pas en récession, mais plutôt en pause de croissance. »

Rythme insoutenable

Le Québec dépense plus que les autres provinces et l’écart est actuellement le plus élevé des 30 dernières années, souligne le mémoire de l’Association des économistes. En dollars, ces dépenses supplémentaires totalisaient 12 milliards en 2022-2023. Ce rythme d’augmentation des dépenses est insoutenable, selon les économistes.

Selon Louis Lévesque, le temps est venu de passer en revue des activités « que l’État n’a plus besoin de faire ». Au fil du temps, « on a juste rajouté des couches, on n’en enlève jamais et on a maintenant un niveau de dépenses historique ».

Un exemple : les crédits d’impôt à l’industrie des jeux vidéo et les autres programmes liés à un manque chronique d’emplois. « C’était une bonne idée dans un contexte donné, mais on est maintenant dans un autre univers », dit-il.

Beaucoup de fonds publics pourraient être réalloués ou utilisés plus efficacement : les subventions à l’achat de véhicules électriques en sont un autre exemple. Selon l’Association des économistes, il s’agit d’une dépense fiscale qui a non seulement un coût élevé, mais qui fait aussi fuir la richesse hors du Québec.

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Selon l’Association des économistes, les subventions à l’achat de véhicules électriques sont un bon exemple d’une dépense fiscale qui a non seulement un coût élevé, mais qui fait aussi fuir la richesse hors du Québec.

Il n’y a pas de véhicules électriques faits au Québec, alors c’est une fuite d’argent vers l’extérieur. Ça ne ralentit pas non plus la croissance du parc automobile. Et parce que les véhicules électriques sont plus lourds, ça accroît le rythme de dégradation du réseau routier.

Louis Lévesque, responsable du comité des finances publiques de l’Association des économistes québécois, à propos des subventions à l’achat de véhicules électriques

Un directeur parlementaire du budget

Le contexte inflationniste actuel n’est pas favorable à une augmentation des taxes à la consommation, reconnaît l’Association des économistes, mais à moyen terme, il faudra que le Québec augmente les taxes à la consommation pour pouvoir réduire le poids de l’impôt des particuliers dans les revenus de l’État.

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Les économistes sont favorables à une augmentation de la TVQ et à une hausse de la taxe sur l’essence, qui n’a pas été indexée depuis 11 ans.

Comme la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, les économistes sont favorables à une augmentation de la TVQ et à une hausse de la taxe sur l’essence, qui n’a pas été indexée depuis 11 ans.

Maintenant que la cible d’inflation de 2 % de la Banque du Canada est en vue, le contexte est plus propice à ce rééquilibrage de la fiscalité, souligne Louis Lévesque.

Les économistes proposent aussi au ministre Eric Girard de créer un poste de directeur parlementaire du budget, pour pouvoir voir plus loin que le cadre budgétaire actuel.

Cinq ans, soit l’horizon de planification actuel du ministre des Finances, c’est trop court, souligne Louis Lévesque. « Il faut voir plus loin », dit-il.

Il donne l’exemple des projets d’investissements publics dans les infrastructures et du plan d’expansion annoncé par Hydro-Québec, qui auront un impact cumulatif important sur l’endettement de la province, des municipalités et d’Hydro-Québec.

Un directeur parlementaire pourrait réaliser des analyses à long terme utiles à la prise de décision et à la priorisation des projets.

Il s’agit d’une nouvelle dépense, mais son coût – estimé à 5 millions annuellement si on se fie à l’expérience de l’Ontario – se justifie amplement par l’importance des enjeux, selon l’Association des économistes.

Lisez « Des demandes nombreuses, mais des coffres vides »
En savoir plus
  • 360 millions
    Coût estimé pour 2023 du crédit d’impôt de 37,45 % sur les salaires pour l’industrie du jeu vidéo
    Source : ministère des Finances du Québec
    1,2 milliard
    Coût prévu des subventions à l’achat de véhicules électriques entre 2021 et 2026
    Source : ministère des Finances du Québec