Le ralentissement des mises en chantier résidentielles s’accentue en début d’année 2024, ce qui est plutôt de mauvais augure pour une éventuelle détente de la crise des logements abordables qui sévit un peu partout au pays.

Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), le nombre annualisé des mises en chantier mesuré en janvier s’avère en repli de 10 % par rapport au nombre annualisé mesuré un mois plus tôt, en décembre 2023.

Selon le constat de la société d’État fédéral, ce ralentissement marqué de la cadence des mises en chantier en début d’année 2024, après une fin d’année 2023 plus forte que prévu malgré la hausse des taux d’intérêt, est surtout attribuable au recul des mises en chantier d’immeubles de logements multiples comme les appartements, les copropriétés et les maisons en rangée.

Les données compilées par la SCHL montrent que le nombre annualisé des mises en chantier de logements collectifs en régions urbanisées a diminué de 14 % en janvier 2024 par rapport au nombre comparable mesuré un mois plus tôt.

En contrepartie, le nombre annualisé de mises en chantier de maisons individuelles en régions urbanisées mesuré en janvier 2024 était relativement stable par rapport au nombre mesuré en décembre.

« Le nombre désaisonnalisé et annualisé de mises en chantier d’habitations a diminué en janvier, ce qui a fait baisser la tendance pour le deuxième mois d’affilée », observe Bob Dugan, économiste en chef à la SCHL, dans une note d’analyse accompagnant les données publiées jeudi.

En contrepartie, Bob Dugan note que « même si la tendance a diminué, le nombre réel de mises en chantier d’habitations pour l’ensemble du Canada demeure relativement élevé d’une année à l’autre ».

Le hic, c’est que cette apparence de maintien d’un nombre national de mises en chantier résidentielles masque des écarts considérables entre les régions urbaines au Canada.

Ainsi, alors que le nombre annualisé de mises en chantier résidentielles à Toronto est encore en hausse grâce à la construction de nombreux logements collectifs, à Montréal et à Vancouver, ce nombre annualisé de mises en chantier résidentielles a rechuté respectivement de 28 % et de 55 % en janvier 2024 par rapport au nombre mesuré un mois plus tôt.

De l’avis de l’économiste Marc Ercolao, de la Banque TD, « le niveau de construction de logements est encore élevé par rapport aux normes historiques ».

Toutefois, écrit-il dans une note d’analyse consultée par La Presse, « les chiffres [publiés jeudi par la SCHL] confortent mon opinion selon laquelle les mises en chantier à court terme resteront modérées malgré la récente vigueur des reventes de propriétés résidentielles existantes ».

Par ailleurs, cette observation de l’économiste de la Banque TD fait écho à la récente mise à jour des « Perspectives immobilières » par les économistes du Mouvement Desjardins.

« Nous continuons de prévoir une décélération importante de la construction résidentielle au pays cette année. Les taux d’intérêt et les coûts de construction toujours élevés, la très faible confiance des constructeurs et la pénurie de main-d’œuvre sont autant de facteurs laissant entrevoir une baisse marquée des activités de la construction résidentielle », écrit Marc Desormeaux, économiste chez Desjardins et principal auteur de cette mise à jour des « Perspectives immobilières ».

Quant à l’impact socio-économique d’un repli accentué des mises en chantier résidentielles, les économistes chez Desjardins appréhendent que ce repli puisse neutraliser l’effet des mesures gouvernementales visant à accroître l’offre de logements abordables.

« Nous saluons la volonté des décideurs de réduire les barrières à la construction de logements neufs, mais il faudra du temps pour que ceux‑ci arrivent sur le marché. Le secteur de la construction résidentielle fait face à d’autres défis que ceux liés au cycle économique », constatent les économistes de Desjardins.

« Cela ne veut pas dire que nous devons abandonner nos efforts pour améliorer l’abordabilité du logement. L’atteinte des cibles à cet égard a toujours été un objectif à plus long terme, et nous avons affirmé à plusieurs reprises que le discours public devrait reconnaître ce fait », ajoutent-ils.

Entre-temps, rappellent-ils, « bien des options existent pour augmenter l’offre de logements au Canada, que ce soit par la construction de plus d’unités ou par la réutilisation efficace de bâtiments existants ».