Les batteries seront, sans l’ombre d’un doute, l’une des plus grandes industries au monde au cours de la prochaine décennie, selon le grand patron de la BMO pour le Québec, Grégoire Baillargeon.

« Il y a une opportunité extraordinaire à saisir. Nous avons un bassin unique de ressources au Québec aligné avec les besoins du monde entier », a-t-il dit dans une entrevue en marge d’un discours prononcé lundi devant un parterre de gens d’affaires au centre-ville de Montréal.

Dans un plaidoyer ayant assurément le contenu pour plaire au ministre canadien de l’Industrie, François-Philippe Champagne, au superministre québécois Pierre Fitzgibbon et au PDG d’Hydro-Québec, Michael Sabia, le dirigeant de la BMO ne manque pas d’enthousiasme devant l’alignement des astres.

Jamais, selon lui, les ressources et les compétences du Québec n’ont été aussi parfaitement alignées avec la transition énergétique. Il faut à son avis démontrer de l’ambition maintenant pour éviter d’avoir des regrets plus tard.

La transition du moteur à combustion vers le moteur électrique offre au Québec, croit-il, la chance d’effectuer un repositionnement économique.

« L’arrivée de Northvolt et le développement de la filière batterie démontrent ce que nous pouvons accomplir quand nos gouvernements et le secteur privé travaillent de concert. Ces ententes nous demandent des compromis, mais sont un investissement dans notre avenir collectif nous permettant de rapidement prendre place dans l’échiquier mondial des prochaines décennies », a dit Grégoire Baillargeon durant l’évènement organisé lundi par le Cercle canadien de Montréal.

Appuyer aussi les acteurs internationaux

Pour bâtir un écosystème fort, Grégoire Baillargeon est d’avis que les gouvernements doivent appuyer les acteurs locaux, mais aussi les acteurs internationaux. Son opinion se distingue de celle de son vis-à-vis de la Banque Nationale, Laurent Ferreira.

En septembre dernier, le grand patron de la Banque Nationale avait affirmé qu’Ottawa et Québec devraient soutenir les entreprises canadiennes avant d’accorder des subventions aux entreprises étrangères pour développer la filière batterie, car il croit que ces subventions profitent aux actionnaires étrangers et doute que ce modèle soit réellement créateur de richesse ici.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Grégoire Baillargeon, grand patron de la BMO pour le Québec

Grégoire Baillargeon a utilisé la tribune qui lui était offerte lundi pour lancer un appel à l’action.

« Hydro-Québec nous a faits maîtres chez nous, mais imaginez devenir maîtres du jeu, au-delà de nos frontières », dit-il.

Le Québec est à la croisée des chemins et peut se positionner pour que les décennies à venir soient les plus prospères de son histoire.

Grégoire Baillargeon, grand patron de la BMO pour le Québec

Au cours des dernières décennies, notre hydroélectricité a su attirer des industries grâce à son faible coût, souligne M. Baillargeon. « Ce temps est révolu. Nos électrons sont maintenant attirants parce qu’ils sont renouvelables. Une ressource précieuse. Un avantage marqué », dit-il.

« À l’échelle mondiale, plus de la moitié des efforts de décarbonation pour atteindre la carboneutralité se feront grâce à l’électrification. En deux étapes. La première, décarboner la production électrique en remplaçant les centrales au charbon et au gaz encore très présentes dans la plupart des économies du monde. La deuxième, en électrifiant transports, immobilier et industries avec cette électricité verte. »

Ce qu’il appelle la « grille verte » est, dit-il, un avantage marqué pour les entrepreneurs du Québec en matière d’innovation en électrification. « C’est eux qui exporteront notre savoir. Les FLO, les Polara, les Brainbox, les dcbel, les vadiMAP, les Girardin, les Lion, et bien d’autres. »

Prise de conscience mondiale

Grégoire Baillargeon souligne que notre énergie attire de nouvelles industries.

« Le monde entier prend conscience du fait que l’électricité du Québec est 100 % verte. Une juridiction stable, éduquée et connectée aux deux océans, desservie par le Saint-Laurent, par les routes et les chemins de fer, et contiguë au plus grand marché du monde occidental. Où d’autre pouvez-vous trouver une telle combinaison ? »

L’orientation de la politique industrielle ne devrait donc, selon lui, surprendre personne.

Le monde aura besoin de batteries. Les énergies éolienne et solaire sont vertes, mais requièrent du stockage. Beaucoup de stockage. En parallèle, la réglementation à l’échelle mondiale pousse la flotte de 1,4 milliard de voitures dans le monde vers l’électrique. Toutes ces batteries doivent être produites avec de l’électricité verte. Sinon, à quoi bon ?

Grégoire Baillargeon, grand patron de la BMO pour le Québec

M. Baillargeon souligne par ailleurs que notre territoire contient de grandes quantités d’uranium.

« Nous n’avons peut-être pas besoin du nucléaire au Québec, mais selon l’Agence internationale de l’énergie, il n’y a pas de voie vers une électricité sans émission à l’échelle mondiale sans un déploiement important de l’énergie nucléaire. Le nucléaire est requis pour enrayer les émissions dans plusieurs pays. Notre géant local AtkinsRéalis (SNC-Lavalin) aide d’ailleurs activement dans plusieurs pays avec des solutions nucléaires à la fois efficaces et sécuritaires. La transition énergétique requiert toutes les solutions disponibles. N’hésitons pas à jouer nos cartes de manière responsable », dit-il.

« Si nous gardons les portes ouvertes, c’est au Québec que de nombreuses industries voudront s’établir. Nous avons cinq, peut-être dix ans d’avance. Mais avec le temps, toutes les grilles électriques deviendront vertes. Notre avantage n’est que temporaire. Le temps d’agir, c’est maintenant. »