Les fonctionnaires fédéraux et de nombreux autres employés négocient actuellement le renouvellement de leurs conditions de travail afin de conserver leur pouvoir d’achat. Attention, dit le gouverneur de la Banque du Canada, ne prévoyez pas que l’inflation restera à un niveau aussi élevé.

L’inflation ralentit et continuera de ralentir, a soutenu Tiff Macklem en conférence de presse, après avoir fait connaître la décision de la banque de maintenir son taux directeur à 4,5 %.

« Ce n’est pas à nous de dire aux employeurs comment payer leurs employés, mais c’est notre rôle de diminuer l’inflation », a fait valoir le gouverneur.

Deux des principaux syndicats de la fonction publique fédérale ont obtenu récemment des mandats de grève pour négocier une amélioration de leurs conditions salariales, dans un contexte d’inflation encore élevée.

L’augmentation des salaires, qui se maintient actuellement au rythme de 4 % à 5 %, est une préoccupation majeure pour la banque centrale, qui juge que de telles hausses sont incompatibles avec le retour de l’inflation à la cible de 2 %.

L’inflation, à 5,2 % en février, est encore trop élevée, mais la hausse des prix ralentit et continuera de ralentir, a assuré Tiff Macklem.

La Banque du Canada prévoit que l’inflation globale sera redescendue à 3 % à l’été et que la hausse du prix des aliments, toujours de plus de 10 %, ralentira aussi au cours des prochains mois.

Le retour à la cible de 2 % « prendra un certain temps », a-t-il toutefois souligné, en indiquant clairement que la banque centrale n’hésiterait pas à augmenter de nouveau son taux directeur « si nécessaire ».

Le conseil de direction de la banque se demande actuellement s’il en a fait assez et s’il doit maintenir les taux au niveau actuel plus longtemps pour mater l’inflation.

« Plusieurs choses doivent encore se produire si on veut réussir à ramener l’inflation à la cible », a prévenu le gouverneur.

La modération des salaires, la baisse de la tension sur le marché du travail et un ralentissement dans les hausses de prix transférées aux consommateurs par les entreprises font partie des changements attendus par la banque centrale.

« Si le marché du travail reste tendu et que les entreprises croient qu’elles peuvent continuer à répercuter les hausses de coûts sur leur clientèle sans retenue parce que les consommateurs s’attendent à des augmentations de prix, alors il sera plus difficile de ramener l’inflation à la cible », a insisté Tiff Macklem.

Une économie plus solide

Dans son Rapport sur la politique monétaire publié en même temps que l’annonce du taux directeur, la Banque du Canada a dû constater que l’économie canadienne se portait beaucoup mieux qu’elle ne l’avait prévu en ce début d’année. Elle rectifie le tir pour le premier trimestre, alors que la croissance devrait être de 2,3 % plutôt que de 0,5 %, comme elle le prévoyait en début d’année. Elle s’attend à ce que la croissance faiblisse et reste faible pour le reste de l’année, ce qui est souhaitable, selon les autorités monétaires.

Nous avons besoin d’une période de croissance faible pour retrouver un équilibre.

Tiff Macklem, gouverneur de la Banque du Canada

La Banque du Canada n’écarte pas la possibilité d’une récession, mais si récession il y a, selon son gouverneur, elle n’aura pas l’ampleur que les gens y associent généralement.

Plus de travailleurs, plus de consommateurs

Si l’économie canadienne résiste bien à l’inflation et aux hausses de taux d’intérêt, c’est beaucoup à cause de l’augmentation de la population, constate la Banque du Canada. L’augmentation du nombre de travailleurs contribue à réduire la tension sur le marché du travail, mais elle accroît aussi la demande de biens et services.

« Les nouveaux venus sont aussi des consommateurs qui font augmenter la demande », a expliqué le gouverneur.

Entre octobre et décembre 2022, la population canadienne a augmenté de près de 300 000 personnes, la plus forte augmentation depuis 1956.

Des gouvernements généreux

L’aide financière des gouvernements d’Ottawa et des provinces contribue aussi à soutenir les dépenses des ménages et la croissance économique, constate la Banque du Canada, sans porter de jugement sur la nécessité de ce soutien.

Au total, les récents budgets fédéral et provinciaux totalisent 25 milliards de dépenses publiques supplémentaires pour appuyer les ménages, note le Rapport sur la politique monétaire. Ce sont les provinces qui se montrent le plus généreuses. « Les dépenses publiques, surtout celles des provinces, contribueront de façon soutenue à la croissance du PIB », estime la banque.

« Les baisses d’impôt dans certaines provinces feront augmenter le revenu disponible durant la période de projection [de trois ans], prévoit-elle. Au Québec, par exemple, la réduction du taux d’imposition des deux tranches inférieures de revenu imposable redonnera à peu près 1,7 milliard de dollars par année aux ménages à compter de 2023 », illustre-t-elle.

La baisse de taux attendra

Les taux d’intérêt ne baisseront pas de sitôt, estiment l’économiste de Desjardins Randall Bartlett, qui estime que le Conseil de direction de la banque du Canada est devenu « plus intransigeant » dans son combat contre l’inflation.

La banque centrale attend un ralentissement des hausses salariales et une baisse des attentes en matière d’inflation, ce qui est loin d’être acquis, note de son côté Sébastien Lavoie, économiste en chef de la Banque Laurentienne. Les marchés financiers, qui s’attendent à une baisse des taux d’ici la fin de l’année, risquent d’être déçus.

Selon Josh Nye, économiste sénior de la Banque Royale, la Banque du Canada maintiendra son taux directeur à 4,5 % cette année. « Nous pensons que son prochain geste sera probablement une baisse de taux, au début de l’an prochain, a-t-il commenté. Mais si l’activité économique ne ralentit pas dans les prochains trimestres, il y a une possibilité pour que les taux remontent ».