L’inflation mesurée par l’Indice des prix à la consommation (IPC) a ralenti en janvier, pour passer sous le seuil des 6 % d’une année à l’autre. À 5,9 %, le taux officiel d’inflation est maintenant à son plus bas niveau depuis février 2022, ce qui est une première vraie bonne nouvelle depuis que la Banque du Canada a entrepris de ramener la hausse des prix à la cible de 2 %.

Comment s’explique le ralentissement de l’inflation de janvier ?

En fait, le taux d’inflation a augmenté de 0,5 % de décembre à janvier, surtout en raison de la hausse du prix de l’essence. Mesuré d’une année sur l’autre, l’IPC est toutefois en baisse de 6,3 % en décembre à 5,9 % en janvier. Il y a deux explications à cette baisse annuelle. D’abord, ce que Statistique Canada appelle l’effet de glissement annuel : les prix de janvier 2023 sont comparés à ceux d’il y a un an, alors qu’ils avaient beaucoup augmenté. Ensuite, les prix de certaines composantes de l’IPC sont en baisse, comme les services de téléphonie cellulaire, et d’autres augmentent moins rapidement, comme les voitures.

Pourquoi le prix des aliments continue-t-il d’augmenter autant ?

Le prix des aliments continue d’augmenter plus rapidement que celui des autres composantes de l’IPC. La hausse annuelle des prix des aliments achetés en épicerie et au restaurant atteint 10,4 % en janvier, comparativement à 10,1 % en décembre. C’est dû entre autres à l’augmentation du prix de la viande, des produits de boulangerie et des légumes frais. Le prix des aliments n’est pas influencé par l’augmentation des taux d’intérêt, mais il réagit à une foule de facteurs, comme le prix des engrais, le coût de la main-d’œuvre et la météo. Le prix du poulet, par exemple, est en hausse de 9 % de janvier à décembre, ce qui est la croissance mensuelle la plus prononcée depuis septembre 1986, selon Statistique Canada. Ça s’explique entre autres par l’épidémie de grippe aviaire qui réduit l’offre de poulet. L’alimentation est une des huit composantes de l’Indice des prix à la consommation, et son poids est de 15,94 % dans l’indice.

Le ralentissement de l’inflation se poursuivra-t-il ?

Oui, selon la plupart des économistes, qui suivent les mesures de l’inflation de base, c’est-à-dire dépouillée des éléments les plus volatils comme l’énergie et l’alimentation. Les mesures de l’inflation de base sont encore au-dessus de la cible de la Banque du Canada, mais « elles pointent dans la bonne direction », affirment les économistes de la Banque Nationale Matthieu Arseneau et Alexandra Ducharme, dans leur commentaire qui a suivi la publication des plus récentes données de l’IPC. La variation annualisée sur trois mois de ces deux mesures (IPC-tronq et IPC-med) est maintenant de 3,5 % et 3,4 %, ce qui se rapproche de la cible de 2 % de la Banque du Canada, soulignent-ils.

Est-ce que la Banque du Canada peut crier victoire ?

Certainement pas. À 5,9 %, l’IPC reste presque deux fois plus élevé que la cible de la banque centrale. « Le ralentissement de l’inflation en janvier est exactement ce que la Banque du Canada veut voir, reconnaît Arlene Kish, de S&P Global Market Intelligence, mais est-ce que ça reflète vraiment la faiblesse de la demande ? », s’interroge-t-elle.

La Banque du Canada a reçu deux messages contradictoires depuis qu’elle a décidé de faire une pause dans la hausse des taux d’intérêt, souligne Marc Desormeaux, économiste de Desjardins. Les données sur l’inflation « laissent supposer que les taux d’intérêt nettement plus élevés ont l’effet souhaité », précise-t-il. Par contre, le dernier rapport sur l’emploi, qui a fait état d’une solide création d’emplois et d’une hausse des salaires, « laisse entendre qu’il faudra travailler davantage pour freiner les pressions inflationnistes », selon lui.

L’inflation devrait continuer de ralentir en février et en mars, prévoit Sébastien Lavoie, économiste en chef de la Banque Laurentienne, qui voit l’IPC à 3 % au milieu de l’année 2023. La Banque du Canada gardera sûrement son taux directeur inchangé à sa prochaine décision, en mars, selon les économistes.

Les salaires rattraperont-ils la hausse du coût de la vie ?

Au Québec, c’est déjà fait, selon l’Institut du Québec (IDQ). Les salaires au Québec augmentent plus rapidement qu’ailleurs au Canada depuis plusieurs mois, signe d’un marché de l’emploi plus tendu. Entre janvier 2022 et janvier 2023, les salaires sont en hausse de 6,9 %, selon l’IDQ.

Ailleurs au Canada, la hausse du salaire horaire moyen est autour de 4 % à 5 %, ce qui reste inférieur à l’inflation. La Banque du Canada estime que de telles hausses sont incompatibles avec le retour de l’inflation à la cible et qu’elles pourraient contribuer à soutenir l’inflation plus longtemps.

Certains signes pointent toutefois vers une baisse des gains salariaux en 2023. Le nombre d’entreprises actives, en baisse en novembre pour la quatrième fois en cinq mois, « laisse présager un ralentissement très tangible de l’emploi à temps plein dans les mois à venir », selon Stéphane Marion, de la Banque Nationale.

Ses collègues Matthieu Arseneau et Alexandra Ducharme soulignent que les hausses successives du taux directeur continueront de freiner l’économie au cours des prochaines semaines et qu’une part importante des entreprises canadiennes s’attendent à une baisse de leurs ventes.