(New York) La Russie va diminuer en mars sa production de pétrole en réponse aux sanctions décidées contre son brut, a annoncé vendredi son vice-premier ministre, provoquant un bond des cours de l’or noir.

« La Russie va réduire volontairement sa production de 500 000 barils par jour en mars », soit environ 5 % de sa production quotidienne, a déclaré Alexandre Novak, cité par les agences de presse russes.

Le responsable avait déjà évoqué, fin décembre, la possibilité d’une baisse de 500 000 à 700 000 barils par jour, du fait de l’entrée en vigueur de l’embargo de l’Union européenne sur le pétrole russe, associée à la mise en place d’un prix plafond sur les livraisons vers d’autres destinations.

Après le brut, début décembre, l’embargo a été élargi, dimanche, aux produits raffinés.

Pour Andrew Lebow, de Commodity Research Group, la décision est liée à un manque de débouchés pour le pétrole russe du fait de l’embargo et du prix plafond, mais Moscou veut, malgré tout, donner l’impression de garder la main.

« Nous estimons que la décision n’est pas complètement volontaire et que des facteurs de marché forcent la main à la Russie », qui peine à trouver des acheteurs, estime aussi Giovanni Staunovo, analyste chez UBS.

Avec les États-Unis et l’Arabie saoudite, la Russie est l’un des trois plus grands producteurs de brut et donc un acteur crucial du marché.

Jusqu’à l’entrée en vigueur des nouvelles sanctions, « la Russie arrivait à compenser la perte de ses ventes à l’Occident par des achats venus d’Asie, particulièrement de Chine et d’Inde », note Carsten Fritsch, analyste chez Commerzbank.

Mais l’embargo entré en vigueur dimanche concerne les produits raffinés russes, qui étaient principalement achetés en Europe.

L’OPEP+ ne compensera pas

En promettant vendredi de priver le marché de 0,5 % de la production quotidienne mondiale, la Russie a fait jaillir les cours.

Le prix du baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en avril a gagné 2,23 %, pour clôturer à 86,39 dollars, tandis que le West Texas Intermediate (WTI) américain, avec échéance en mars, s’est apprécié de 2,12 %, à 79,72 dollars.

Selon le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, « il y a eu des conversations avec un certain nombre de membres de l’OPEP », l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et ses alliés de l’accord OPEP+, avant l’annonce faite par Moscou vendredi.

Et des délégués d’autres pays membres de l’OPEP+ ont affirmé à l’agence Bloomberg qu’ils ne compenseraient pas la baisse de la production russe.

« Pourquoi le feraient-ils ? », a interrogé Andrew Lebow. « Les prix vont remonter sans qu’ils aient eu à faire quoi que ce soit. C’est une opération sans risque pour eux. »

Le cartel est, en effet, sous pression depuis sa décision, annoncée début octobre, de diminuer ses volumes de 2 millions de barils par jour à partir de novembre.

Les cours se situent actuellement à un niveau inférieur à l’an dernier à la même époque, quelques jours avant l’invasion de l’Ukraine, rappelle l’analyste.

« A mon avis », poursuit-il, « l’OPEP préférerait voir les prix entre 90 et 100 dollars » pour le Brent, « donc il n’y a aucune raison pour qu’ils augmentent leur production » pour neutraliser la baisse de production russe.

« L’élan donné par la Chine, la fin de l’utilisation des réserves stratégiques par les États-Unis et la contraction de la production russe plaident pour une ascension du Brent vers 90 dollars », a estimé, dans une note, Edward Moya, d’Oanda.

Pour autant, Andrew Lebow ne voit pas « le marché s’emballer », car la demande, qu’il s’agisse du brut ou des produits pétroliers, reste anémique aux États-Unis et molle en Europe.

En outre, selon Daniel Ghali, de TD Securities, « la plupart des opérateurs avaient déjà intégré la perspective d’une baisse de production russe dans la foulée des nouvelles sanctions ».