La décision de la Nouvelle-Zélande d’interdire progressivement et totalement la vente de tabac ne fera pas trop mal à une industrie qui se porte encore assez bien, merci.

La proportion du nombre de fumeurs par rapport à la population est en baisse partout dans le monde. Même les pays à bas et faibles revenus, qui comptent aujourd’hui le plus grand nombre de fumeurs, constatent une baisse de la consommation de tabac.

Ça n’empêche pas les géants de l’industrie d’encaisser des profits juteux au détriment de la santé de leurs clients. British American Tobacco (BAT), qui détient des marques comme Rothman’s et Lucky Strike, a rapporté en 2021 des revenus en hausse de 6,9 % et des profits plus de 11 milliards de livres sterling (13 milliards US), une augmentation de 5,2 % sur un an. Comme tous les autres fabricants de cigarettes, BAT a entrepris un virage vers des produits considérés (pour le moment) comme moins nocifs, et aussi vers le cannabis, ce qui lui permet de dire qu’elle lutte pour un monde sans fumée. Il reste que la plus grande part de ses revenus et de ses profits proviennent toujours du bon vieux tabac.

Le tabac n’est plus la mine d’or qu’il a déjà été pour les entreprises qui en vivent, mais ça reste une « bonne business », c’est le moins qu’on puisse dire.

Si la consommation de tabac est en baisse, il reste qu’un adulte sur quatre dans le monde fume des cigarettes. Ces fumeurs se retrouvent majoritairement en Asie, où une proportion de 40 % et plus de la population consomme du tabac. L’Europe compte aussi encore une forte proportion de fumeurs. En France, par exemple, 33 % de la population de 15 ans et plus fume1.

En comparaison, le problème de tabac de la Nouvelle-Zélande est moins aigu. La consommation est en baisse constante et la proportion des fumeurs s’établit à 8 %, soit à peu près la même qu’au Canada.

Le pays s’est donné pour objectif de réduire l’usage du tabac en 2025 à moins de 5 %. À compter de 2023, lorsque la loi qui vient d’être promulguée sera en vigueur, il sera interdit de vendre des cigarettes aux jeunes de 15 ans et moins et pour le reste de leur vie, l’accès au tabac leur sera légalement interdit. L’âge légal pour fumer, actuellement fixé à 18 ans, sera relevé chaque année. Le nombre de points de vente de produits du tabac passera de 6000 à 600 d’ici la fin de l’année prochaine, une réduction de 90 %.

Il s’agit vraiment d’une révolution dans les moyens que prennent les gouvernements partout dans le monde pour réduire le tabagisme.

Marché noir ou marché de la mort

La crainte de laisser le tabac au marché noir et au crime organisé est toujours l’épouvantail qu’on agite quand il est question de réduire le tabagisme. De même, des voix s’élèvent immanquablement pour défendre les emplois qui en dépendent, dans les usines et dans les commerces.

Ce n’est pas différent en Nouvelle-Zélande. Le gouvernement a choisi de prendre le risque de ces inconvénients et de privilégier les avantages pour la santé de sa population de 5 millions d’habitants. « Il n’y a aucune bonne raison de permettre la vente d’un produit qui tue la moitié de ceux qui l’utilisent », a rétorqué la ministre responsable de la santé du gouvernement néo-zélandais, Ayesha Verrall, dont les propos ont été rapportés dans les médias.

Ce genre d’arguments éculés ne peuvent plus justifier l’inaction face aux millions de victimes du tabac.

Le pays économisera des milliards de dollars en soins de santé en éliminant l’usage du tabac, estime le gouvernement néo-zélandais.

Alors que les coûts des soins de santé explosent, l’exemple de la Nouvelle-Zélande devrait pousser d’autres pays à en faire plus pour éradiquer le tabac.

On pourrait au moins commencer par augmenter le prix des cigarettes, une mesure qui a fait ses preuves. En Nouvelle-Zélande, les cigarettes coûtent deux fois plus cher qu’au Canada, soit environ 20 $ le paquet. Il semble que de ce côté-ci de la planète, l’augmentation des taxes sur le tabac n’est plus tellement considérée comme un moyen efficace de réduire la consommation de tabac.

Malgré les progrès constants, l’élimination du tabagisme n’est pas pour demain. Ni en Nouvelle-Zélande ni ailleurs. Et comme les fabricants de tabac mettent au point toutes sortes de nouveaux produits à base de nicotine dont les effets sur la santé restent inconnus et qui font beaucoup de nouveaux adeptes chez les jeunes, le combat n’est pas près de finir.

1. Consultez le portrait de la consommation de tabac dans le monde (en anglais)