Les consommateurs supposent que les gels de prix sont toujours à leur avantage. Pas certain. Chaque année, entre le 1er novembre et le 1er février, les épiciers demandent aux fournisseurs de ne pas augmenter les prix pour des raisons très nébuleuses.

Cet accord tacite entre les épiciers et les fournisseurs, qui a probablement commencé il y a des décennies, ne profite aucunement aux consommateurs. En octobre, alors que les fournisseurs renégocient leurs contrats avec les épiciers, les prix sont souvent ajustés à la hausse, juste avant la période de gel des prix de trois mois. Maintenant que la période de gel a pris fin, nous devrions voir le prix des aliments augmenter à nouveau, comme l’a dit le PDG de Metro, Eric La Flèche, lors de sa récente conférence sur ses résultats financiers. Les hausses de prix risquent d’affecter principalement les produits non périssables, en particulier ceux qui garnissent les allées au centre du magasin.

L’inflation alimentaire demeure sans conteste une préoccupation, mais le véritable ennemi se dissimule dans la volatilité des prix, et c’est précisément ce que ces périodes de gel des prix nous apportent. Les hausses soudaines du prix des aliments peuvent surprendre les consommateurs et les contraindre à abandonner temporairement certaines catégories alimentaires, notamment des aliments plus sains. Une fois que le consommateur perçoit une catégorie alimentaire comme financièrement hors de son budget, il faudra un certain temps pour qu’il y revienne.

Par exemple, la plus forte augmentation des prix alimentaires d’un mois à l’autre au cours des 15 dernières années a eu lieu en novembre 2008, à 2,5 %, suivi de février 2011, à 2,2 %. Statistique Canada a également enregistré des augmentations des prix alimentaires d’un mois à l’autre supérieures à la moyenne en novembre 2016 (1,6 %) et novembre 2022 (1,7 %). Malgré le facteur de saisonnalité, les périodes de gel de prix ne protègent pas les consommateurs au budget serré, comme en témoignent les hausses en janvier 2016, janvier 2022, janvier 2020 et décembre 2018. Par coïncidence, ces trois mois de janvier, février et novembre ont connu les plus fortes augmentations de prix alimentaires d’un mois à l’autre au cours des 30 dernières années, à l’exception du mois de mai. Mais nous y reviendrons.

Le ministre de l’Innovation et de la Technologie, François-Philippe Champagne, dans ses efforts pour stabiliser les prix alimentaires au Canada, devrait analyser ces périodes de gel de prix et les cibler en tant que mécanismes de distorsion du marché qui, au bout du compte, nuisent aux consommateurs.

L’excuse souvent avancée sous-tend le fait que les épiciers n’ont pas le temps de gérer les changements de prix pendant la période très occupée des Fêtes. Cet argument tenait peut-être la route il y a des années, lorsque les épiciers mettaient à jour manuellement les prix pour chaque article. Aujourd’hui, les prix numérisés et affichés électroniquement remettent en question la nécessité d’une telle période de gel de prix.

Maintenant, revenons au mois de mai. Récemment, Loblaw a informé ses fournisseurs que leurs frais augmenteraient à nouveau. Dans le secteur agroalimentaire, les fournisseurs doivent payer des frais aux épiciers pour faire affaire avec eux. Les frais des centres de distribution passeront de 1,17 % à 1,22 %, et les frais de livraison directe en magasin augmenteront de 0,36 % à 0,38 %. Bien que cela semble des hausses minimes pour la plupart d’entre nous, elles peuvent représenter des millions de dollars pour les fournisseurs.

Ces augmentations unilatérales annuelles, imposées par Loblaw, entreront en vigueur le 28 avril sans aucun dialogue ni négociation. Alors que les grandes multinationales comme PepsiCo, Mondelez, Lactalis, Kraft-Heinz et Kellogg peuvent ajuster leurs prix pour compenser les frais plus élevés des épiciers, de nombreux petits fabricants alimentaires canadiens pourraient connaître des difficultés financières, voire quitter l’industrie. Cela entraîne une augmentation des prix et une réduction de la concurrence, deux mauvaises nouvelles pour les consommateurs.

Pour résoudre ces problèmes, nous avons besoin de plus de discipline et de surveillance, notamment la mise en place d’un code de conduite obligatoire pour garantir des pratiques équitables dans l’industrie. Il faut agir rapidement pour mettre fin à cette folie.