Bien qu’elle ait été attendue et pleinement escomptée par les marchés financiers, la dernière hausse du taux directeur de la Réserve fédérale des États-Unis a laissé de glace les Bourses américaines qui ont poursuivi leur progression durant tout le mois de juillet, l’indice Dow Jones poussant même l’audace jusqu’à clôturer à la hausse mercredi pour la 13e séance consécutive, une première depuis 1987.

Ce qui est d’ailleurs de bien mauvais augure quand on sait que la dernière fois que la Bourse de New York a enchaîné pareille séquence, en 1987, c’était avant le déclenchement du retentissant krach boursier d’octobre qui avait été notamment précédé par une hausse rapide des taux d’intérêt aux États-Unis.

Un scénario qui ressemble étrangement à celui qui se déploie sous nos yeux aujourd’hui.

Depuis l’atteinte d’un creux, en octobre dernier, les marchés boursiers américains ont entrepris une remontée quasi constante, enregistrant des gains de plus de 20 % malgré les nuages qui s’épaississaient à mesure que la Réserve fédérale américaine décrétait de nouvelles hausses de son taux directeur.

Ce que la Banque centrale des États-Unis a fait de nouveau mercredi en haussant de 25 points de base son taux directeur qui est maintenant fixé dans une fourchette de 5,25 à 5,50 %, son plus haut niveau depuis 2001. La Réserve fédérale des États-Unis a laissé la porte ouverte à une éventuelle hausse de taux lors de la prochaine réunion de son comité de la politique monétaire, le 20 septembre prochain.

La Banque centrale américaine a jugé que la hausse des prix posait toujours une menace à l’économie américaine et qu’un nouveau coup de gouvernail était nécessaire pour ramener à 2 % le taux d’inflation cible qu’elle cherche à atteindre.

Avec un marché de l’emploi toujours robuste et une croissance modérée prévue de 1,8 % au deuxième trimestre, selon les économistes sondés par l’agence Reuters, la Réserve fédérale a donc jugé bon de poursuivre sa politique de resserrement du crédit.

Malgré l’éventualité de plus en plus évoquée par les économistes que le remède de cheval utilisé par les autorités monétaires américaines conduise la première économie mondiale en récession, les marchés boursiers continuent d’évoluer à la hausse comme si de rien n’était.

Pour justifier leur comportement, les marchés boursiers restent convaincus que l’économie américaine réalisera un atterrissage en douceur qui permettra par la suite un relâchement des taux d’intérêt et un retour à la normale.

Des indicateurs avancés en baisse

Selon le stratège boursier François Trahan, installé à New York, le marché boursier est généralement à la hausse quand la Fed hausse les taux, mais c’est le ralentissement économique provoqué par ces hausses répétées qui fait éventuellement baisser le marché boursier.

Et le ralentissement s’observe habituellement de 18 à 24 mois après la première hausse des taux d’intérêt, un échéancier qui approche à grands pas, m’a-t-il rappelé.

Les attentes du marché boursier américain sont irréalistes, soulignent pour leur part les économistes de la Banque Nationale dans leur dernier bulletin boursier. L’indice S&P 500 qui s’échange déjà à 24 fois la valeur des bénéfices n’a plus beaucoup de potentiel d’appréciation, surtout dans un probable scénario de récession.

Dans le bulletin économique, les économistes de la Banque Nationale (BN) anticipent une récession aux États-Unis qui se produira au quatrième trimestre ou sinon au premier trimestre de 2024 et qui devrait durer au moins trois trimestres.

À peu près tous les indicateurs avancés du Conference Board des États-Unis pointent vers un ralentissement important au cours des prochains mois alors que déjà les dépenses à la consommation sont au ralenti et que l’indice de l’activité manufacturière est en baisse.

« Il faut aussi se rappeler qu’à partir du mois d’octobre, il y a plus de 40 millions d’Américains qui vont devoir recommencer à rembourser les intérêts sur les prêts étudiants qu’ils ont contractés.

« Joe Biden n’a pas été mesure de faire prolonger la trêve accordée durant la pandémie et ce sont des paiements moyens de 390 $ par mois que ces 40 millions de consommateurs vont devoir rembourser, ce qui va réduire de 15 milliards par mois le revenu disponible aux États-Unis, c’est 1 % de l’ensemble du revenu disponible au pays », souligne Jocelyn Paquet, économiste de la BN, spécialiste des États-Unis.

Si les Bourses américaines vivent encore de l’espoir d’un atterrissage en douceur de l’économie, l’histoire depuis la Seconde Guerre mondiale démontre que les marchés boursiers baissent plus ou moins fortement lorsqu’on augmente rapidement les taux d’intérêt comme la Réserve fédérale vient de le faire.

Si l’économie réelle tombe en panne, les marchés boursiers n’auront plus d’assise pour justifier une hausse des cours parce que les bénéfices des entreprises vont en pâtir, ce qui devrait bien naturellement entraîner une baisse des valeurs. Cela dit, on souhaite tous un atterrissage en douceur.