Dans trois ans, au rythme où vont les choses, le Québec n’aura plus de déficit. Les recettes de l’État moins les dépenses donneront zéro. Alléluia !

Avouez que ce constat est renversant après l’énorme impact de la pandémie sur nos finances publiques. On pensait qu’il faudrait une génération pour s’en sortir (oublions le fédéral pour l’instant).

Je sais, ce n’est pas ce qui ressort du minibudget d’Eric Girard. Ce qui ressort, c’est que le déficit a fondu à 6,8 milliards cette année (2021-2022), et qu’il passera à 5,5 milliards l’an prochain, puis à 4 milliards au cours des trois années suivantes.

Ce déficit annuel de 4 milliards est qualifié de structurel, c’est-à-dire permanent, en quelque sorte, qui demeure peu importe la conjoncture économique. Des déficits auxquels il est important de s’attaquer, en comprimant les dépenses, par exemple.

Pourquoi alors je parle de déficit zéro ? Parce que dans trois ans, la totalité de ce déficit de 4 milliards sera attribuable aux versements que nous faisons collectivement au Fonds des générations pour réduire notre dette publique. Sans ces versements, pas de déficit.

Oui, mais n’est-ce pas un objectif essentiel de réduire notre lourde dette ? Tout à fait, mais une question se pose : jusqu’à quand faut-il réduire cette fameuse dette ?

Il y a 15 ans, le Québec s’était donné comme objectif à long terme de baisser sa dette brute à 45 % du PIB ou moins. Or, vous savez quoi ? Malgré la crise sanitaire, cet objectif sera atteint dès mars prochain, prévoit le ministère des Finances du Québec.

Plus précisément, notre dette brute de 220 milliards équivaudra à 44,3 % du PIB le 31 mars 2022, chiffre qui reculera à 42,9 % dans trois ans, en 2025. Le recul est majeur, sachant que nous étions à environ 54 % du PIB entre 2013 et 2015.

D’où ma question : maintenant que cet objectif de 45 % est atteint, que le Québec est moins endetté que l’Ontario, que les prêteurs accordent au Québec le plus bas taux d’intérêt des provinces au Canada sauf une, vu sa situation enviable, est-ce bien nécessaire de continuer à comprimer nos dépenses pour réduire notre dette davantage ?

Ne devrait-on pas laisser la croissance naturelle du PIB (le dénominateur de l’équation) réduire graduellement notre endettement relatif ?

Dans son minibudget, le ministre des Finances, Eric Girard, juge que « la réduction du poids de la dette demeure une priorité ».

Selon lui, cet objectif « instaure un climat de confiance propre à l’investissement privé et à la hausse de la productivité ». Il est nécessaire pour faire face aux coûts du vieillissement, pour financer nos infrastructures publiques et pour lutter contre les changements climatiques. Ou encore pour contrer un prochain ralentissement.

L’été dernier, Eric Girard a notamment fait appel aux économistes du privé pour le conseiller sur ces cibles, entre autres. Leurs suggestions seront prises en compte dans le budget de mars prochain.

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La situation budgétaire du Québec demeure tout de même problématique. La croissance projetée des dépenses d’ici quatre ans (3,5 %) est plus élevée que celle des revenus (2,8 %), ce qui finira par nous causer de sérieux problèmes.

Eric Girard nous a néanmoins habitués à de belles surprises, grâce à des prévisions prudentes. Au budget de mars dernier, il projetait un déficit structurel de 6,5 milliards, mais ce déficit s’avérera finalement inférieur de 2,5 milliards, à 4,0 milliards, selon le minibudget. Environ 80 % de ce dégonflement vient du boom des recettes, grâce à la force de l’économie du Québec, et 20 %, du transfert d’Ottawa pour les garderies.

Et vérification faite, le minibudget a des prévisions de croissance réelle du PIB un peu plus modestes que la moyenne du secteur privé sur 5 ans (2,9 % par année au lieu de 3 %), ce qui peut lui donner un petit coussin.

Le ministre des Finances espère que ce boom de l’économie se poursuivra, ce qui permettrait de réduire encore significativement les 4,0 milliards dits structurels, avenue plus joyeuse qu’une compression des dépenses.

Cela dit, il faudra bien qu’elle y soit, cette croissance, si le Québec veut combler d’ici 15 ans l’écart de niveau de vie de 12,9 % avec l’Ontario. Un écart favorisant l’Ontario existe depuis 1926, dit le ministre (il était de 16,4 % en 2017).

Pour y arriver, le gouvernement doit trouver des solutions au problème de l’heure, soit la pénurie de main-d’œuvre. L’énoncé économique propose bien des mesures pertinentes, mais trois des cinq secteurs visés sont dans le secteur public (santé, éducation, garderies), ainsi que deux tiers des fonds. Or, dans le contexte actuel, le personnel qu’on attire dans le secteur public, même si c’est essentiel, vient réduire la main-d’œuvre disponible dans le secteur privé, qui est créateur de richesse.

Oui, le ministre aidera les secteurs de la construction, du génie et de l’informatique à combler leur rareté de main-d’œuvre, mais pas vraiment les autres. Et il n’aborde pas notre gestion chaotique de l’immigration, qui est essentielle dans cet enjeu de pénurie.