(Ottawa et Québec) Au moment où la crise du logement s’accentue, le gouvernement Legault égalera la mise du fédéral et ajoutera 900 millions de dollars pour la construction de logements sociaux et abordables au cours des cinq prochaines années.

Résultat : ce n’est pas 900 millions de dollars, mais bien 1,8 milliard qu’investiront conjointement Québec et Ottawa afin de s’attaquer à la crise du logement dans la province, selon des informations obtenues de sources des gouvernements Legault et Trudeau qui n’avaient pas l’autorisation de parler publiquement.

Québec deviendrait du coup la seule province au pays à doubler la mise d’Ottawa afin d’accélérer la construction de logements.

En principe, Québec doit recevoir du fédéral 900 millions de dollars grâce au nouveau Fonds pour accélérer la construction de logements (FACL), dont la création a été annoncée en 2022, mais qui a vu le jour officiellement le printemps dernier. Ottawa veut financer 100 000 nouveaux logements à travers le pays dans le cadre de ce programme, selon les calculs des mandarins fédéraux.

Le gouvernement Legault a proposé de doubler la mise durant les pourparlers avec le fédéral. Le ministre des Finances, Eric Girard, doit confirmer le tout dans sa mise à jour économique attendue en novembre. L’exercice sera précédé – ce mois-ci, en principe – de l’annonce d’une entente avec Ottawa sur le logement.

« Les négociations vont bon train. Québec est prêt à doubler la mise. Pour le moment, c’est la seule province qui se montre prête à faire cela au pays », a confié à La Presse une source gouvernementale bien au fait du dossier.

Deux autres sources fédérales ont confirmé ces informations à La Presse au cours des derniers jours. « L’intention du Québec d’investir un montant équivalent est une belle surprise. Nous discutons des modalités de l’entente », a confirmé une autre source gouvernementale.

Selon nos informations, le gouvernement fédéral a accepté de renoncer à certaines conditions. Il voulait par exemple forcer Québec à s’engager à construire un nombre précis de logements, un enjeu qui avait compliqué les pourparlers.

Il n’y aura pas une telle contrainte dans l’entente, mais la cible de Québec est, dans les faits, assez semblable à celle d’Ottawa. C’est surtout le principe même de se faire imposer une condition ferme qui indisposait le gouvernement Legault.

Un point important reste à régler : le rythme de décaissement des fonds fédéraux. Québec préférerait un versement unique et immédiat des 900 millions de dollars, alors qu’Ottawa propose de diviser la cagnotte en tranches versées chaque année d’ici 2026-2027.

La Presse a appris que Québec se donnerait pour cible de créer 26 000 logements dans un horizon de cinq ans. Ce serait confirmé dans la mise à jour économique. Mais on reconnaîtrait que les 1,8 milliard – 900 millions pour chacun de deux ordres de gouvernement – ne suffiront pas pour construire tous ces nouveaux logements. Des investissements supplémentaires seraient annoncés dans un deuxième temps par le gouvernement, à l’occasion du budget de mars.

Les cabinets d’Eric Girard et de sa collègue responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, ont refusé d’émettre des commentaires au sujet de ces informations. Ils ne les ont ni infirmées ni confirmées.

Eric Girard a télégraphié dans une entrevue à La Presse, le mois dernier, que sa mise à jour répondrait à trois enjeux de l’heure, dont le manque de logement social et abordable. « C’est un des gestes où l’on pourrait intervenir à la mise à jour étant donné qu’il y a des besoins très importants », avait-il indiqué. Le premier ministre François Legault a envoyé le même signal par la suite.

Le gouvernement a investi 3,8 milliards de dollars depuis 2018, mais il doit faire plus, disait M. Girard. « On a financé avec ça 22 500 logements : il y en a 6500 qui sont réalisés, il y en a 7000 en réalisation et 9000 en élaboration. »

Il notait d’ailleurs que « pour équilibrer le marché d’ici 2030, lorsqu’on fait une prévision de ce que le privé va construire et des besoins, ça en prend 26 000 de plus [de logements sociaux et abordables]. Donc on va continuer de faire des gestes ». Il laissait entendre qu’une entente était imminente avec Ottawa sur le FACL.

Dans le reste du pays, le gouvernement Trudeau signe des ententes directement avec les municipalités pour un transfert d’argent sonnant dans le but d’accélérer la construction de logements. Les autres gouvernements provinciaux n’ont aucun rôle à jouer dans les négociations, contrairement à la pratique au Québec, où une loi de l’Assemblée nationale empêche Ottawa de négocier directement avec les municipalités sur son territoire.

Le mois dernier, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé que son gouvernement avait conclu une entente avec une première municipalité, la ville de London, en Ontario, depuis le lancement du programme fédéral. En vertu de cette entente, London obtiendra un coup de pouce financier de 74 millions de dollars du fédéral qui permettra de construire 2000 logements de plus au cours des trois prochaines années.

Depuis, de nombreuses villes ont signifié leur intérêt de conclure rapidement une entente similaire, a indiqué récemment le ministre fédéral du Logement, Sean Fraser. Les villes doivent s’engager à alléger les formalités administratives, à mettre à jour les règlements de zonage pour encourager la construction de logements près de zones de services de transports en commun, entre autres choses.