Le contexte économique commence à rattraper sérieusement le gouvernement caquiste. Non seulement il doit puiser dans ses provisions pour boucler son budget, mais sa dette a dû être redressée, vraisemblablement en raison des dépassements de coûts de ses projets immobiliers.

Le rapport financier trimestriel du ministère des Finances, rendu public vendredi, est éloquent. Le ralentissement économique est tel que le gouvernement doit utiliser 1 milliard de dollars de sa provision pour maintenir sa cible de déficit de 4 milliards de dollars en 2023-2024.

En décortiquant le document, je constate qu’en plus, la dette a été redressée de 1,6 milliard, dont les trois quarts, soit 1,2 milliard, pourraient être attribuables à la surchauffe qui a frappé ses projets immobiliers.

Le gouvernement du Québec, comme les autres donneurs d’ouvrage, a fait face à la surchauffe de 2022 dans la construction et la rénovation de ses écoles, de ses hôpitaux, de ses routes et autres projets. Le taux d’inflation a été en moyenne de 6,7 % en 2022 au Québec et celui des coûts de construction, de 12,9 % ⁠1.

Selon le rapport, sur le redressement de la dette de 1,6 milliard, une tranche de 269 millions s’explique par des rendements moins intéressants du Fonds des générations en 2022 et une autre tranche de 101 millions, par un déficit de 2022-2023 plus élevé que prévu.

Le gros de la facture de 1,6 milliard est toutefois attribuable à « des investissements en immobilisations plus élevés que prévu en 2022-2023 (1,2 milliard de dollars) », est-il écrit.

L’écart entre la prévision et la réalité est très important. En 2022-2023, le gouvernement a investi 10,2 milliards dans ses immobilisations, somme qui doit maintenant être redressée de 1,2 milliard, donc de près de 12 %.

Le rapport ne donne pas de détails sur les raisons de ce redressement, et au ministère des Finances, l’information n’était pas disponible.

Il pourrait y avoir des erreurs dans le calcul de la part que le gouvernement doit acquitter dans certains projets. Il est aussi possible que certains investissements aient été réalisés plus rapidement que prévu – ne serait-ce que de quelques semaines –, ce qui a pour effet de devancer le rehaussement de la dette.

Le plus probable, du moins pour une bonne part, serait que certains projets aient été frappés par la forte inflation et donc par des dépassements de coûts. Les médias en ont fait état à plusieurs reprises au cours des deux dernières années.

De tels dépassements ne sont pas comptabilisés dans le budget annuel et passent directement dans la dette, pour l’essentiel.

Avec le redressement, la nouvelle dette prévue au 31 mars 2024, au terme de l’exercice en cours, devrait atteindre 216,1 milliards, soit 38,1 % du PIB (plutôt que 37,7 %). Ce niveau d’endettement est plus élevé que la moyenne des provinces canadiennes (29 % du PIB).

Le rapport trimestriel rappelle que le gouvernement s’est engagé à réduire la dette nette dans une fourchette de 27,5 % et 32,2 % du PIB d’ici 15 ans.

Au cours du premier trimestre (d’avril à juin 2023), le gouvernement a enregistré un déficit de 686 millions, après versement au Fonds des générations. Ce résultat représente un recul de 1,5 milliard par rapport aux surplus de 819 millions du même trimestre de l’an dernier.

En mars dernier, le ministre Eric Girard prévoyait que l’année 2023-2024 se solderait par un déficit de 4 milliards, après versement au Fonds des générations. Il avait toutefois inscrit une provision de 1,5 milliard pour tenir compte du contexte incertain.

Le rapport met à jour les prévisions de déficit annuel à la lumière des résultats du premier trimestre et des évènements récents. Le déficit restera de 4 milliards en 2023-2024, selon le rapport, mais pour ce faire le gouvernement doit puiser 1 milliard dans cette provision, compte tenu de « l’évolution récente de l’activité économique et [des] conditions météorologiques qui ont affecté le Québec au cours de l’été 2023 ».

Le climat fait fondre les surplus d’Hydro-Québec

Cet écart de 1 milliard vient principalement des revenus moindres attendus d’Hydro-Québec de l’ordre de 650 millions. La société d’État doit réduire ses exportations d’électricité à court terme parce que ses réservoirs se sont moins remplis.

« Une faible couverture de neige à la fin de l’hiver, une crue printanière moins importante que d’ordinaire et de modestes précipitations l’été dernier dans le nord du Québec ont diminué les apports en eau dans les réservoirs », explique la société d’État dans un communiqué.

Autre facteur justifiant l’écart de 1 milliard du gouvernement : la baisse des revenus fiscaux de 317 millions, notamment ceux provenant de l’impôt des sociétés.

Fait à noter, la ponction de 1 milliard dans la provision ne vient pas augmenter la dette d’autant, puisque la provision était déjà inscrite comme une dépense budgétaire.

Pour l’instant, le ministère des Finances ne prévoit pas avoir recours au reste de la provision (500 millions) pour boucler son budget, selon le rapport. La mise à jour budgétaire, prévue en novembre, nous permettra d’en savoir plus à ce sujet.

En entrevue avec La Presse le 6 septembre, Eric Girard avait indiqué vouloir injecter de nouveaux fonds ciblés pour l’itinérance, le logement et l’adaptation aux changements climatiques.

Espérons que la dégradation de l’économie sera limitée, sans quoi le plan d’action ne tiendra plus la route.

1. Il s’agit de la hausse moyenne de l’indice des prix de la construction de bâtiments non résidentiels de Statistique Canada pour la région de Montréal.