Je le sais, vous recherchez avidement une bonne nouvelle sur l’environnement. Une nouvelle qui confirmera que nos efforts de réduction de GES ne sont pas vains, une nouvelle qui suscitera l’espoir et nous motivera à continuer.

Eh bien, chers lecteurs, j’ai enfin une bonne nouvelle à vous communiquer. Selon des données préliminaires, les GES produits par le Canada sont en nette baisse pour la première fois depuis longtemps, si l’on exclut l’anormale période pandémique.

En 2022, le Canada aurait émis 685 mégatonnes de GES, soit 5 % de moins que durant l’année pré-pandémique 2019. Une baisse, enfin !!

Une mégatonne, c’est un million de tonnes. Et une tonne de GES, c’est l’équivalent de la consommation d’un voyageur qui fait l’aller-retour Montréal-Paris en avion, environ.

Le Canada n’est pas passé sous la barre des 700 mégatonnes de GES depuis 2009, hors période pandémique. Cette année-là, rappelez-vous, c’est la récession post-crise financière de 2008 qui avait réduit l’activité économique et ramené les GES à 690 mégatonnes.

Sinon, il faut remonter à 1998 pour avoir si peu de GES au Canada (682 mégatonnes), il y a un quart de siècle. Quand même !

Avec cette diminution de 2022 par rapport à 2019, le Canada rejoindrait la tendance au dégonflement des GES qu’on a constatée dans la plupart des grands pays industrialisés entre 2005 et 2019, comme au Royaume-Uni (- 36 %), en France (- 24 %), en Allemagne (- 18 %) ou même aux États-Unis (- 14 %)1. La baisse du Canada entre 2005 et 2022 serait de 6,4 %. Alléluia !

J’écris au conditionnel, parce qu’il ne s’agit encore que d’estimations, faites par l’Institut climatique du Canada. Ce groupe de recherche indépendant, formé d’universitaires crédibles, fait des recherches sur les politiques climatiques.

Pourquoi prendre des estimations plutôt que les vraies données, celles tirées du Rapport d’inventaire national, réalisé par le ministère fédéral Environnement et Changement climatique Canada ? Parce que les données officielles de 2022 ne seront publiées qu’en avril 2024, soit 16 mois après la fin de 2022.

Ce long délai est justifié par les exigences de rigueur extrêmes du ministère de l’Environnement, dont le rapport est déposé à l’ONU, comme celui des autres pays. Il nous prive toutefois d’avoir un aperçu de nos actions, d’où les estimations de l’Institut, publiées huit mois plus tôt2.

Je vous entends, prophètes de malheur. Certains diront que les 685 mégatonnes de 2022 de l’Institut, si elles s’avèrent, constitueraient une nouvelle défaite de nos politiques climatiques, puisqu’elles seraient 2 % plus élevées que 2021 ou près de 4 % plus grandes que 2020.

Mais non, changez vos lunettes, de grâce. Ces deux années ne se comparent pas vraiment, puisque la planète était encore embourbée dans la foutue COVID-19 et le gel de plusieurs activités. Rappelez-vous l’annulation du party du 31 décembre 2021 au Québec !

Bref, cette fois, tout indique qu’on a une vraie de vraie réduction de GES et que nos gestes commencent à porter leurs fruits, si l’on se fie aux données de l’Institut. La diminution de 5 % par rapport à 2019 est d’autant plus méritoire, si l’on peut dire, que pendant ce temps, l’activité économique grimpait de quelque 3 % (une fois l’inflation retranchée).

Il reste un très grand chemin à parcourir, ne nous leurrons pas. Et les progrès récents pourraient être perdus si le télétravail disparaît ou si le transport aérien continue d’exploser.

D’ici 2030, il faut ramener ces 685 mégatonnes à 440 mégatonnes, selon l’objectif du fédéral, ce qui représente une baisse d’encore 36 %.

Le bilan provisoire de l’Institut se décline essentiellement en deux groupes, soit les industries qui polluent davantage et celles qui polluent moins. Pour la comparaison, l’année choisie par l’Institut est 2005, celle qui est la référence pour la cible 2030 du Canada.

Le grand responsable de nos GES canadiens et de leur croissance, c’est encore la production de pétrole. Je ne parle pas de la consommation d’essence des automobilistes, mais de l’énergie fossile utilisée pour extraire le pétrole, notamment des sols bitumineux.

En 2022, donc, l’extraction de pétrole et de gaz aurait produit 107 mégatonnes, soit 70 % de plus qu’en 2005, selon l’Institut. En revanche, l’Institut estime que le raffinage pollue bien moins qu’avant et que les pertes des sociétés pétrolières (sources fugitives) sont en forte baisse.

L’autre grand responsable est le secteur des bâtiments commerciaux et institutionnels, dont le chauffage, entre autres, aurait produit 38 mégatonnes de GES en 2022, soit 17 % de plus qu’en 2005. Ouch !

L’hiver 2022 a été particulièrement froid, faut-il dire, et les autres provinces ne carburent pas à l’hydro-électricité (56 % du chauffage est au gaz naturel en Ontario).

Le transport routier est celui qui engendre le plus de GES (118 mégatonnes en 2022). Et la baisse estimée depuis 2019 est encourageante (-10 %), probablement en raison du télétravail et des voitures électriques, notamment.

Depuis 2005, le recul des GES dans le transport routier est insatisfaisant (4 % seulement). Il faut dire que la croissance de la population et de la taille des véhicules vient annuler la plus grande efficacité des moteurs.

Certains trouveront que mes lunettes sont trop roses aujourd’hui. Probablement.

D’autres diront que le grand défi du secteur pétrolier est à venir, en particulier avec la réglementation fédérale sur le méthane des pétrolières – dont l’objectif est une réduction de 75 % d’ici 2030 – et celle sur le plafonnement des émissions de GES de ce secteur. Ils ont raison, surtout avec l’entêtement des Canadiens de l’Ouest.

Il reste que, pour la première fois, nos efforts n’apparaissent pas vains. Et vu la grisaille climatique, il est indispensable de le souligner.

1. Ces baisses sont estimées à partir d’un fichier du site Our World in Data.

Consultez le site Our World in Data

2. Les données de l’Institut sont-elles crédibles ? En février 2023, l’Institut avait estimé que les GES de 2021 seraient de 691 mégatonnes, mais trois mois plus tard, en avril, le vrai chiffre était de 670 mégatonnes, soit 3 % plus bas. Pas si mal, non ?