Plus d’un an après le début de son offensive armée en Ukraine, la Russie reste visible dans le portefeuille de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ). Après le coup de balai promis l’année dernière, elle a vu le président russe, Vladimir Poutine, lui mettre des bâtons dans les roues.

Le bas de laine des Québécois a été capable de liquider certains de ses placements au pays de Vladimir Poutine. Par exemple, il n’est plus actionnaire du géant de l’énergie Gazprom, de Sberbank of Russia et de VTB Bank – des entreprises visées par les sanctions canadiennes.

Cependant, en date du 31 décembre 2022, la Caisse possédait toujours des actions d’au moins six entreprises mises à l’index par le Canada, a pu constater La Presse en parcourant le rapport annuel de l’institution, qui vient d’être rendu public. Ces titres valent environ 93 millions, selon nos calculs.

À la grandeur de la Russie, le gestionnaire québécois de régimes de retraite et d’assurance publics et parapublics détenait des actions dans pas moins de 24 entreprises cotées en Bourse et deux autres sociétés à capital fermé. La valeur de ces investissements frôlait les 305 millions. Il ne s’agit toutefois que d’une faible proportion par rapport à l’actif net de la CDPQ, qui est de 402 milliards.

« Nous avons été très proactifs dès le début du conflit pour nous départir de nos positions », explique la porte-parole de la Caisse, Kate Monfette, dans un courriel. « Il nous reste cependant quelques titres aux livres, qui sont évalués à zéro, mais nous ne pouvons pas les vendre, entre autres à cause d’interdiction pour les étrangers de transiger des titres russes. »

Mme Monfette ajoute que ces actions ne sont pas détenues directement par le plus important investisseur institutionnel de la province, mais par l’entremise de « stratégies de nature indicielle et en gestion externe ».

Blocage russe

C’est une décision du président russe annoncée en août qui a visiblement contrecarré les plans de la CDPQ. Dans une tentative visant à freiner l’exode des investisseurs occidentaux, Vladimir Poutine avait ratifié un décret leur interdisant de vendre leurs participations dans tout ce qui gravite autour des secteurs énergétique et bancaire.

« Nous n’avons aucun intérêt à investir en Russie », a précisé la porte-parole de la CDPQ.

Les entreprises russes ainsi que d’autres personnes près du régime Poutine ont commencé à être visées par des sanctions en 2014, dans la foulée de l’annexion de la Crimée par la Russie. Ces mesures ont été imposées par la plupart des pays occidentaux, dont le Canada. Elles consistent à geler les avoirs et à proscrire les transactions financières.

Il n’y a toutefois pas d’obligation de désinvestissement. La CDPQ n’était donc pas tenue de se départir de ses participations. Le bas de laine des Québécois était ainsi demeuré actionnaire d’entreprises comme Gazprom, Sberbank of Russia et VTB Bank malgré les sanctions. C’est le conflit armé en Ukraine qui a fait changer les choses.

Bonne intention

Lisa Baillargeon, professeure titulaire de comptabilité et de gouvernance à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG-UQAM), ne remet pas en doute l’engagement de la Caisse. Elle estime que l’institution était déterminée à respecter sa promesse.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

« Je comprends qu’ils ont de la pression, dit-elle. Parfois, on ne va pas aussi rapidement que l’on veut. Mais la stratégie était en marche. La Russie a réagi de manière à bloquer ces stratégies. La posture de la Caisse en Russie n’est pas inquiétante. »

D’autres gestionnaires de régimes de retraite avaient tourné le dos plus rapidement au marché russe. C’est notamment le cas de l’Office d’investissement du Régime de pensions du Canada, plus important investisseur institutionnel du pays avec un actif net de 536 milliards au 31 décembre dernier. Dans une entrevue accordée en 2014 au Globe and Mail, la haute direction de l’Office avait affirmé être « allergique » à ce marché en raison du climat d’instabilité et d’interrogations à propos du système judiciaire du pays.

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  • 1698
    Nombre d’entreprises et de personnes visées par les sanctions canadiennes contre la Russie
    source : gouvernement du canada