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L’expiration des contrats de Churchill Falls en 2041 est l’occasion pour le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador de changer fondamentalement leur relation et de conclure un pacte qui sera réellement bénéfique aux deux parties.

Pour y parvenir, cependant, le Québec devra clairement renoncer à obtenir un autre tarif dérisoire, d’une part, et les Terre-Neuviens devront mettre de côté leur animosité revancharde, d’autre part.

Tous les contrats d’électricité de Churchill Falls expirent le 31 août 2041. Cela inclut le tristement célèbre contrat d’électricité de 1969 avec Hydro-Québec, dont une partie permet à NALCOR d’acheter de l’électricité, ainsi que des contrats pour fournir de l’électricité au Labrador.

Comme l’a noté Francis Vailles, le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador et le gouvernement du Québec se préparent à discuter de ce qui se passera à partir de septembre 2041. Ils sont les seuls actionnaires des deux sociétés d’État – NALCOR et Hydro-Québec – qui possèdent respectivement 65 % et 35 % de l’entreprise qui exploite la centrale et les lignes de transport de Churchill Falls.

Au Québec comme à St. John’s, l’inertie est le plan pour l’avenir. Le nouveau gouvernement majoritaire de François Legault veut utiliser l’électricité bon marché pour subventionner le développement industriel. La seule différence est que les subventions qui allaient aux alumineries iront désormais aux usines de batteries.

À Terre-Neuve-et-Labrador, Andrew Furey a nommé non pas un, mais deux comités pour l’aider à développer le potentiel énergétique de la rivière Churchill. Ne vous laissez pas berner. Furey utilise les comités comme des accessoires. Ce qu’il fait est invariablement moins impressionnant que le battage médiatique. Il a nommé un comité pour le développement économique, un autre pour la réforme des soins de santé, et a ignoré les deux. De même, l’un des comités de Churchill est manifestement pour le spectacle. L’autre n’est qu’une équipe de gestionnaires. Par conséquent, le gouvernement ne sait toujours pas quoi faire.

L’équipe de gestionnaires de NALCOR est importante uniquement parce qu’elle était présidée par l’ami le plus proche de Furey, Brendan Paddick. Paddick reste l’un des rares, à part le père de Furey, à pouvoir murmurer à l’oreille de Furey. Paddick a été le bras droit de Furey sur deux projets énergétiques douteux jusqu’à présent. Le financement de Muskrat Falls s’effondrera, car il s’agit fondamentalement du vieux plan inapplicable de Danny Williams. Le mégaprojet d’hydrogène de Stephenville aura besoin de l’argent du gouvernement provincial pour démarrer, et d’encore plus pour survivre. C’est de l’argent que la province n’a pas.

Vu du Québec, Furey pourrait ressembler à la cible facile qu’Emera (société d’énergie de la Nouvelle-Écosse) a vue en Danny Williams. Il l’est peut-être. Mais essayer de conclure une autre entente pour obtenir de l’électricité à bas prix de Churchill Falls, même en y ajoutant le cours inférieur du fleuve Churchill, ne sert les intérêts de personne.

Le Québec a peut-être obtenu de l’électricité à un prix absurde en 1969, mais le coût en a été 50 ans – jusqu’à présent – de relations empoisonnées entre les deux provinces, des décennies de poursuites judiciaires inutiles et une entreprise dysfonctionnelle aux chutes Churchill qui, de nos jours, gaspille des dizaines de millions de dollars d’eau plutôt que d’en faire de l’électricité.

Les seuls vrais gagnants ont été les avocats de Montréal.

L’expiration du contrat de 1969 est l’occasion d’un changement significatif. Traitez la Churchill Falls (Labrador) Corporation (CF(L)Co) comme un projet commun des deux sociétés d’État du secteur de l’énergie, distinct de tout autre projet. Les deux actionnaires pourraient demander à NALCOR et à Hydro-Québec de faire le plus d’argent possible par l’entremise de la CF(L)Co.

La CF(L)Co prendrait en charge la centrale de Muskrat Falls et développerait tout autre projet le long de la rivière sur une base commerciale saine. Cela résoudrait le problème financier de Muskrat Falls, mais sans le risque qu’Hydro-Québec reste la méchante dans les fantasmes revanchards de Terre-Neuve.

Hydro-Québec paierait les taux du marché pour un approvisionnement important et garanti d’électricité qui serait moins cher que les nouvelles options. Terre-Neuve-et-Labrador bénéficierait du même accord que le Québec sur les tarifs et l’approvisionnement. L’entreprise pourrait vendre tout excédent aux États-Unis, aux Maritimes ou à l’Ontario. En tant qu’actionnaires, Terre-Neuve-et-Labrador et le Québec profiteraient équitablement des profits, mais n’oubliez pas qu’ils bénéficieraient également d’un rabais de facto sur leurs propres achats.

L’approche suggérée ici résoudrait des problèmes politiques de longue date et garantirait que les deux provinces répondent aux besoins nationaux connus et probables en électricité à un coût raisonnable. Ce seul fait constitue une base solide pour le développement économique de chaque province séparément.

Plus important encore, il existe un grand potentiel de coopération future entre le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador pour le développement social et économique de la péninsule du Labrador. Les deux provinces ont gaspillé 50 ans à se battre au lieu de travailler ensemble de manière productive. Le Québec et St. John’s pourraient concentrer leurs prochaines discussions sur la CF(L)Co et laisser les possibilités industrielles spéculatives des usines de batteries et des mines pour d’autres négociations. Un accord fructueux sur une nouvelle CF(L)Co pourrait marquer le début d’un véritable changement, mais rien n’est possible si les vieilles animosités sont renouvelées par un autre contrat fondé sur de vieilles hypothèses erronées.