Alors que partout dans le monde, y compris ailleurs au Canada, l’énergie solaire connaît une croissance exponentielle, cette forme d’énergie reste la grande oubliée de la transition énergétique au Québec. Le résultat des plus récents appels d’offres d’Hydro-Québec pour l’achat d’énergie renouvelable n’y changera rien.

La société d’État, qui veut acheter sur le marché 480 mégawatts d’énergie renouvelable de toute nature, a reçu des propositions totalisant quatre fois cette quantité, soit 2101 mégawatts. Sur 13 soumissions reçues, une seule propose de l’énergie solaire. Sa production prévue est de 32 mégawatts.

Le prochain appel d’offres de 4000 mégawatts qui sera annoncé bientôt ne fera pas bouger l’aiguille. Il est en principe entièrement réservé à l’éolien, même si les termes de ce nouvel appel au marché ne sont pas encore définitifs.

L’appel d’offres « pourrait être ouvert à d’autres formes d’énergie, mais l’éolien est privilégié », précise le porte-parole d’Hydro-Québec, Maxence Huard-Lefebvre.

« C’est une production qu’on connaît bien, qui s’intègre facilement à notre réseau et qui peut être mise en service rapidement », résume-t-il.

S’il est retenu par Hydro-Québec, le projet de parc solaire de 32 mégawatts soumis par le Groupe Stace multiplierait par deux l’apport du solaire dans le bilan énergétique du Québec, qui ne compte aujourd’hui essentiellement que deux centrales solaires construites par Hydro-Québec dans le cadre d’un projet pilote d’une puissance totale de moins de 10 mégawatts.

Le Québec est une des provinces où le secteur solaire est le moins développé au Canada. Le prix relativement bas de l’électricité produite par les centrales hydrauliques, qui répondent à 95 % des besoins québécois, est certainement une explication, estime Karim Belmokhtar, spécialiste du secteur de l’énergie renouvelable et coauteur d’un portrait de l’industrie solaire au Canada réalisé par le centre québécois de recherche Nergica. Toutefois, avec la fin des surplus d’Hydro-Québec et la demande croissante d’électricité, le temps est venu de s’intéresser davantage à cette source d’énergie, estime-t-il.

« L’écart de compétitivité se réduit constamment et le coût de l’énergie solaire est maintenant presque équivalent à celui de l’éolien », souligne-t-il.

Il prévoit que d’ici 2030, le coût de production des installations solaires de plus de 1 mégawatt raccordées au réseau électrique québécois sera autour de 5 cents le kilowattheure, ce qui est inférieur aux tarifs d’Hydro-Québec, qui, de leur côté, continueront d’augmenter.

Le temps d’agir

La sous-représentation du solaire dans l’offre énergétique du Québec est déplorable, mais pas surprenante, vu l’absence d’incitations pour accélérer son développement, estiment les entreprises qui travaillent dans l’industrie.

Le Québec a un potentiel solaire intéressant, comparable à celui de plusieurs pays où le secteur solaire se développe à la vitesse grand V, comme l’Allemagne.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Le toit du siège social de la firme Lemay

Ce potentiel est suffisant pour combler une grande partie des 25 térawattheures de nouveaux besoins établis dans le plan stratégique d’Hydro-Québec, selon Marco Deblois et Mike Perrault, associés de Rematek Énergie, firme spécialisée dans les installations solaires. Rematek a notamment réalisé le toit solaire de la Maison Simons, à Québec, et celui de la firme d’architectes Lemay à Montréal.

Dans l’industrie, plusieurs souhaitent qu’Hydro-Québec lance un appel d’offres réservé à l’énergie solaire, ce qui permettrait de déceler les meilleurs projets et de donner l’élan nécessaire pour lancer la filière, comme on l’a fait avec l’éolien.

Mais selon Marco Deblois et Mike Perrault, le développement du solaire au Québec ne passe pas par un appel d’offres d’Hydro-Québec. Dans ce genre d’appel au marché, les formes d’énergie sont mises sur le même pied, ce qui désavantage l’énergie solaire, explique Mike Perreault lors d’un entretien avec La Presse.

« L’énergie solaire peut être produite sur les lieux de consommation et n’a pas besoin d’être transportée sur de longues distances comme l’éolien, illustre-t-il. Ça évite d’ajouter de la capacité de transmission, qui coûte cher. » Une installation solaire s’installe plus rapidement que des éoliennes, ajoute-t-il.

La clé du développement solaire est plus simple et surtout elle est là, sous nos yeux, selon lui. Ce sont les toits de nos maisons, de nos commerces et de nos entreprises qui peuvent devenir autant de petites centrales solaires et produire de l’électricité de façon décentralisée.

« Avec seulement 3 % des toitures disponibles à l’installation de panneaux solaires, on peut produire 10 % des nouveaux besoins identifiés par Hydro-Québec », assure-t-il.

Un crédit d’impôt qui permettrait d’obtenir plus rapidement un rendement de l’investissement nécessaire à l’installation de panneaux photovoltaïques serait plus efficace qu’un appel d’offres consacré qui, lui, vise la construction de grands parcs solaires qu’il faut raccorder au réseau d’Hydro-Québec.

Avec une incitation financière sous forme de crédit d’impôt, la production solaire se développerait grâce aux investissements privés des particuliers et des entreprises, plutôt qu’avec de l’investissement public, souligne Mike Perreault.

Faute d’aide financière, seuls les plus convaincus décident actuellement d’installer des panneaux solaires et la production solaire décentralisée est très marginale au Québec. Seulement 800 des 4 millions de clients d’Hydro-Québec ont des installations solaires connectées à son réseau.