Après une rencontre d’urgence avec le gouvernement sur le site vendredi, Magil Construction doit reprendre les travaux du Complexe sportif d’Olembé au Cameroun dès lundi, selon l’entrepreneur montréalais et le ministère des Sports de ce pays.

La société avait pourtant annoncé en décembre qu’elle abandonnerait le chantier, dans une lettre aux autorités. La Presse a rapporté lundi comment la situation a dégénéré entre la firme et le gouvernement du pays depuis l’attribution du contrat de stade de soccer sans appel d’offres, en 2020.

Magil et le Cameroun ont « mis une plateforme en place pour aplanir tous les différends », explique à La Presse Cyrille Tollo, conseiller du ministre des Sports Narcisse Mouelle Kombi.

Dans une lettre aux services du premier ministre rendue publique, le ministre avait reproché à Magil de vouloir « spolier » le Cameroun. Selon lui, l’entrepreneur a touché 42 milliards de francs CFA (plus de 90 millions de dollars), soit les trois quarts des sommes prévues, mais n’a réalisé que 1,3 % des travaux à abattre pour terminer le complexe d’Olembé.

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Yaoundé affirme aussi que la firme québécoise conserve dans ses comptes l’équivalent de près de 9 millions de dollars que l’État lui a prêtés pour avancer les travaux. « Magil détient des fonds publics, et ces fonds publics seront récupérés par tous les moyens légaux. Nous n’excluons pas des poursuites contre Magil », avait déclaré le conseiller Cyrille Tollo dans le reportage de La Presse.

L’entrepreneur s’est ensuite défendu dans sa propre lettre au premier ministre en condamnant un « sabotage médiatique » qu’aurait orchestré le ministre des Sports en rendant publics des propos « calomnieux et indignes d’un haut représentant de l’État ».

Magil réitérait qu’elle ne pouvait faire autrement que de se retirer du projet, puisque le gouvernement ne la paie plus depuis juillet 2021.

Feuilleton autour d’un stade de soccer

Le Cameroun avait d’abord confié la construction du projet d’Olembé au groupe Piccini. En 2019, cet entrepreneur italien avait déjà érigé le gros du stade au cœur du complexe sportif. Il a toutefois cessé les travaux, réclamant 28 milliards de francs CFA en factures impayées après des dépassements de coûts.

Le gouvernement a refusé, puis lui a retiré le contrat, avant de le confier sans appel d’offres à Magil en janvier 2020.

L’entrepreneur montréalais a terminé le stade de soccer d’Olembé en catastrophe pour la Coupe d’Afrique des Nations, qui a eu lieu au Cameroun début 2022. Le reste des équipements sportifs prévus au contrat – un gymnase, une piscine olympique, des stades de basketball, de volleyball et de handball, ainsi que quatre courts de tennis – n’est toutefois jamais sorti de terre.

Depuis 2021, le ministère des Sports exige des explications détaillées sur les factures de Magil avant de reprendre les paiements.

De son côté, Magil affirme dans sa lettre que des fonctionnaires censés approuver ses comptes fournisseurs à Olembé lui ont fait des demandes de paiement d’« indemnités » et « d’acquisition de véhicules ». La société assure avoir toujours refusé.

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Après la crise qu’a causée l’échange de missives peu cordiales de part et d’autre, le vice-président principal de Magil chargé des projets internationaux, Franck Mathière, a visité le chantier d’Olembé avec le ministre des Sports, vendredi.

L’entreprise montréalaise s’est engagée à reprendre les travaux au terme de cette visite.

Contactés pour obtenir des commentaires, Franck Mathière et ses patrons au Québec n’ont pas répondu à nos questions.