L’excellent article de Francis Vailles sur les alumineries (La Presse, 12 décembre) m’a fait revenir en arrière, à l’époque où je dirigeais la SGF (1991-1997). Au moment de mon arrivée, le Québec était déjà une terre d’accueil privilégiée pour les alumineries. La Société générale de financement détenait 25 % de l’usine de Bécancour et nous avons lancé Alouette à Sept-Îles à cette époque.

Le Québec avait consenti des conditions avantageuses pour attirer des usines de production primaire dans le contexte suivant :

  1. L’abondance des surplus d’électricité. Il est arrivé que l’on déverse le surplus des réservoirs par-dessus les barrages. Cette eau non turbinée équivalait à de l’électricité non produite, dont le coût marginal était zéro.
  2. Le développement économique régional : salaires élevés, occupation du territoire, usines de classe mondiale.
  3. Espoir d’implanter des usines de transformation, qui créent beaucoup plus d’emplois que la production primaire.

À l’époque nous n’avons pas eu beaucoup de succès dans l’attraction d’usines de transformation malgré des efforts soutenus. La réalité économique favorisait souvent la localisation des usines près des marchés de consommation plutôt que près des sources d’aluminium primaire.

Maintenant le contexte est complètement changé, on ne peut regarder l’apport de l’industrie avec les yeux des années 1980 et 1990.

Si on ne fait rien, on se dirige vers une pénurie et non un surplus d’électricité, et le coût marginal de production est plus de deux fois plus élevé que le prix payé par les alumineries.

Subventions

On parle donc de subventions au développement économique, ce qui n’est pas mauvais en soi. En effet, le développement régional a beaucoup d’effets positifs. Lorsque nous avons implanté l’usine d’Alouette à Sept-Îles, il y a eu un regain immédiat dans la région alors en ralentissement économique.

Par contre, le coût de ces subventions est en forte hausse, si on considère le coût de la « nouvelle » électricité. De plus, ce coût n’est pas apparent ; ce n’est pas un chèque remis dans le cadre d’une conférence de presse.

Quant à l’implantation d’usines de transformation, comme on l’a vu dans les années 1980 et 1990, leur emplacement est souvent indépendant de l’origine de l’approvisionnement en aluminium. Il suffit de penser aux pièces automobiles en aluminium ou aux canettes. Aussi, il faut tenir compte qu’à l’époque, la création d’emplois était prioritaire, alors que nous sommes maintenant en situation de pénurie de main-d’œuvre.

Par ailleurs, M. Vailles soulève deux autres préoccupations qui se posaient avec moins d’acuité il y a 30 ans. Soit l’émission de GES et la très faible contribution fiscale de l’industrie (si on en croit l’exemple de Rio Tinto).

On voit que tout le contexte socio-économique est complètement changé depuis les années 1980 et 1990. Ne serait-il pas indiqué pour le gouvernement de revenir à la case départ et de revoir toute la situation ? Je crois qu’une évaluation rigoureuse et transparente est souhaitable.

Lisez la chronique « Le Québec, paradis fiscal des alumineries » de Francis Vailles