La décision de Loblaw, qui gère les enseignes Maxi et Provigo, de geler les prix de ses 1500 produits de marque Sans nom a soulevé de nombreuses questions sur la façon dont les chaînes fixent leurs prix

Est-ce que ces prix varient tout au long de l’année ?

Une fois par année, les grandes enseignes envoient une lettre à leurs fournisseurs les informant de la période pendant laquelle aucun changement du prix de gros ne sera accepté. Le prix de gros correspond au prix que les enseignes paient aux fournisseurs qui leur vendent des produits : fromages, yogourts…

Généralement, cette période gel (blackout) commence au début de novembre et se termine à la fin de janvier. Sous le couvert de l’anonymat, plusieurs fournisseurs ont confié à La Presse qu’il ne s’agissait pas d’une entente entre les deux parties. Ils n’avaient d’autre choix que de consentir à la demande des chaînes.

Le montant affiché sur le produit sur les tablettes, le prix de détail, peut varier tout au long de l’année, même pendant la période où le prix de gros demeure fixe. « Selon mon expérience de 25 ans dans l’industrie alimentaire, les détaillants peuvent gérer leur prix [de détail] comme ils le veulent de façon continue, peu importe ce qui a été décidé du côté du prix du gros, explique Pascal Leduc, président de Leduc Stratégie et conseil en gestion commerciale. L’un a une influence sur l’autre, mais ce n’est pas toujours une ligne directe. Il y a d’autres impératifs, propres à chaque détaillant, qui entrent en ligne de compte concernant la décision que celui-ci prendra quant à son prix affiché. »

Dans le cas de Loblaw, s’agit-il d’un réel gel des prix des produits vendus sur les rayons ?

Loblaw a annoncé lundi un gel de prix sur ses 1500 produits de marque Sans nom vendus dans ses magasins Maxi, Provigo et Pharmaprix jusqu’au 31 janvier 2023. Cette mesure touche directement le prix affiché sur les rayons. Le client, en allant faire ses emplettes, ne devrait pas payer davantage pour les articles vendus dans l’emballage jaune.

Certains médias ont laissé entendre à tort que Metro procédait aussi à un gel de prix sur ses tablettes. Or, en réaction à l’annonce de Loblaw, l’enseigne québécoise a plutôt rappelé qu’entre le 1er novembre et le 1er février, les fournisseurs et les supermarchés convenaient généralement qu’il n’y aurait pas de hausse de prix de gros sur l’ensemble des produits et des marques. « Et pendant cette période, on va continuer avec nos promotions », avait alors ajouté Marie-Claude Bacon, vice-présidente affaires publiques et communications de Metro, au cours d’un entretien téléphonique avec La Presse. L’entreprise n’a toutefois pas annoncé qu’elle gelait le coût de ses articles vendus en magasin. Mme Bacon a par ailleurs reconnu qu’il y avait eu une « erreur de compréhension ».

Peut-on parler de collusion lorsque toutes les grandes enseignes déterminent en même temps la période pendant laquelle les fournisseurs ne peuvent augmenter leurs prix ?

La réplique de Metro, à propos des ententes entre fournisseurs et supermarchés pour ne pas augmenter les prix à certaines périodes de l’année, a fait sursauter Sylvain Charlebois, directeur principal du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie. « Ceci s’apparente à de la collusion », a-t-il écrit en anglais sur son compte Twitter après avoir publié la citation de Metro en début de semaine.

Les spécialistes consultés à ce sujet ne sont toutefois pas prêts à parler de collusion dans ce cas-ci.

« C’est difficile d’aller devant les tribunaux avec ça, affirme Pierre Larouche, professeur de droit de la concurrence à l’Université de Montréal. Le signal est envoyé sur la place publique. »

Pour parler de collusion, il faudrait que les différentes enseignes communiquent entre elles par écrit ou de vive voix pour s’entendre formellement sur une période où leurs fournisseurs ne peuvent pas hausser leurs prix, explique-t-il.

« Même en cour, c’est extrêmement difficile à prouver, la collusion, souligne également Jacques Nantel, professeur et spécialiste du commerce de détail à HEC Montréal. Alors c’est sûr que je n’irai pas dire que c’est de la collusion. Mais je peux comprendre que les manufacturiers puissent dénoncer cette situation. »

Est-ce que geler les prix sur les rayons signifie qu’ils ne peuvent pas diminuer ?

« Je ne pense pas que personne ne va accuser les supermarchés de fausse publicité s’ils les baissent, mais ce que je comprends, c’est que plusieurs [enseignes] bien connues promettent de ne pas les augmenter », répond Pascal Leduc.

« Ils peuvent faire l’objet de spéciaux en circulaire. Il y en a même quelques-uns [en promotion] cette semaine, précise pour sa part Johanne Héroux, directrice principale affaires corporatives et communication de Loblaw. Ils peuvent baisser le temps d’une promotion et revenir à leur prix [ordinaire] par la suite, mais pas plus haut que le prix [ordinaire] tel qu’il était le 17 octobre. »