Le ministre des Finances, Eric Girard, a reconnu mardi que Québec devra « faire mieux » pour encadrer les cryptomonnaies, dans la foulée des révélations de La Presse sur le flou qui entoure cette industrie.

« C’est certain que [dans] l’encadrement et la surveillance de la cryptomonnaie, on doit faire mieux, a-t-il dit en point de presse. On a un groupe de travail qui inclut l’Agence du revenu du Canada, Revenu Québec, l’AMF, le ministère des Finances. On va continuer. Et c’est certain qu’on doit resserrer l’encadrement des cryptomonnaies. »

La Presse révélait lundi que Revenu Québec, pourtant responsable de délivrer les permis aux entreprises de ce secteur, ignore la quantité de guichets automatiques de cryptomonnaies dans la province. On retrouve plus de 270 de ces machines sur le territoire québécois, selon le site Coin ATM Radar.

Les utilisateurs peuvent y acheter jusqu’à 1000 $ en bitcoins et autres devises virtuelles avec de l’argent liquide sans présenter de pièces d’identité, une situation qui facilite le blanchiment d’argent, selon plusieurs corps policiers.

Notre enquête a aussi permis de démontrer que le propriétaire d’une des entreprises de guichets les plus populaires – la montréalaise Instacoin – entretient des liens d’affaires avec le chef d’un clan mafieux. Revenu Québec n’a pas voulu « confirmer ou infirmer si un processus d’enquête est en cours » au sujet de cette société.

Au ministère fédéral des Finances, on a indiqué mardi qu’il est « interdit aux criminels et à leurs associés de gérer une entreprise de monnaie virtuelle réglementée en vertu de la Loi ». En conséquence, « ils ne peuvent s’inscrire auprès du CANAFE (Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada) ».

« Extrêmement préoccupant »

Le député libéral et ancien ministre des Finances Carlos Leitão a jugé « extrêmement préoccupantes » les informations contenues dans l’enquête de La Presse. Selon lui, les guichets de cryptos qui se multiplient constituent « un moyen idéal pour blanchir de l’argent ».

M. Leitão était à la tête des Finances en 2016 quand Le Journal de Montréal avait révélé l’existence de nombreux guichets traditionnels illégaux. C’est dans la foulée de ce scandale qu’il a décidé de transférer la responsabilité des guichets de l’Autorité des marchés financiers (AMF) vers Revenu Québec.

PHOTO YAN DOUBLET, ARCHIVES LE SOLEIL

Le député libéral et ancien ministre des Finances Carlos Leitão

Revenu Québec est finalement devenu responsable de l’application de la Loi sur les entreprises de services monétaires en septembre 2021. Cette loi régit entre autres les guichets de cryptomonnaies. « Allez, Revenu Québec, dépêchez-vous un peu pour aller vérifier ces machines-là ! », a lancé l’ancien ministre en entrevue.

Chez Québec solidaire, la députée Ruba Ghazal a qualifié de « très inquiétant » le brouillard dans lequel navigue Revenu Québec quant au nombre réel de ces guichets. « Il est temps que le gouvernement légifère sur ce Far West qu’est l’industrie des cryptomonnaies. »

Le porte-parole du Parti québécois en matière de finances, Martin Ouellet, estime de son côté que le gouvernement « se ferme les yeux » dans ce dossier. « On cautionne des guichets qui facilitent la vie au blanchiment d’argent et aux transactions du crime organisé. Le gouvernement doit terminer son laxisme et obtenir l’information et se pencher sur la gestion de ces guichets, voire leur interdiction. »

Québec a créé en avril 2021 un comité qui vise notamment à s’attaquer à la fraude et au blanchiment d’argent dans les cryptomonnaies. Ses membres se sont rencontrés à sept reprises.

Avec la collaboration de Tommy Chouinard, La Presse