Si le Québec maintient son modèle actuel de soins aux aînés, il « fera face à une impasse », conclut une équipe de la Chaire de recherche Jacques-Parizeau en politiques économiques dans un rapport publié ce mercredi.

« Il verra ses coûts exploser, fera face à un carnet de construction de places en hébergement qui est difficilement réalisable et aura des besoins d’embauche historiques », peut-on lire dans l’étude, commandée par la commissaire à la santé et au bien-être (CSBE), Joanne Castonguay.

Celle-ci avait mandaté l’équipe de Pierre-Carl Michaud, professeur à HEC Montréal, pour faire « des projections de la demande, de l’offre et du financement des services de soutien à domicile » au Québec d’ici 2040. Pour y parvenir, la CSBE a donné un plein accès à plusieurs bases de données aux chercheurs.

Ceux-ci ont bâti « un outil qui permet de bâtir des scénarios », explique M. Michaud. Son équipe a utilisé cet outil pour déterminer l’impact du statu quo dans le domaine des soins aux aînés, et la conclusion est claire : ce ne sera pas tenable. Si rien ne change, 42 500 places devront par exemple être construites dans les maisons des aînés ou en CHSLD d’ici 2040, soit plus du double qu’actuellement.

Dans une enquête publiée en octobre, La Presse a démontré que le manque de places d’hébergement se fait déjà sentir sur le terrain.

Avec le vieillissement de la population, le nombre de personnes avec des besoins de soutien à l’autonomie bondira de 70 % d’ici 2040, peut-on lire dans l’étude.

Nombre de personnes de 75 ans et plus au Québec

2023 : 829 000

2040 : 1,48 million

Nombre de personnes avec des besoins de soutien à l’autonomie au Québec

2023 : 324 400

2040 : 547 800

Nombre de travailleurs qui devront être recrutés pour répondre à ces besoins

Infirmières : 13 700

Autres travailleurs : 45 600

Croissance des coûts du soutien à l’autonomie

2023 : 7,6 milliards

2040 : 16,5 milliards

Actuellement, plus de la moitié des personnes ayant besoin de soutien à l’autonomie reçoivent des soins à domicile. Les autres sont dans des ressources d’hébergement. Le taux de réponse aux besoins en soins à domicile est de seulement 11 % au Québec, note M. Michaud.

« Nous pensons que le statu quo […] mènerait à une détérioration de la prise en charge des besoins d’une population vieillissante. Nous croyons que des pistes [de rechange] doivent être sérieusement étudiées afin de tracer une voie vers un véritable virage vers le domicile à court, moyen et long terme », écrivent les chercheurs.

Les préférences des citoyens

Dans son étude, la Chaire Jacques-Parizeau a également sondé 3000 citoyens pour connaître leurs préférences en matière de soutien à l’autonomie. Lorsque leurs besoins sont faibles ou modérés, les répondants souhaitent majoritairement rester à domicile. Mais pour les besoins plus lourds, « aucune préférence claire n’émerge », peut-on lire dans le rapport.

Professeur titulaire à l’école de travail social de l’Université de Sherbrooke, Sébastien Carrier affirme que la « sonnette d’alarme a été sonnée depuis au moins les années 1990 » par rapport au vieillissement de la population au Québec.

Or, les nombreuses réformes qui se sont succédé « ont misé sur la centralisation vers l’hôpital plutôt que vers les soins à domicile », dit-il. M. Carrier reconnaît que certains investissements ont été faits ces dernières années en soins à domicile. « Mais ils ne sont pas à la hauteur des besoins », dit-il.

Dans un rapport publié l’été dernier, la CSBE indiquait que le Québec est à la traîne dans ses dépenses en soins à domicile. Début septembre, la ministre responsable des Aînés, Sonia Bélanger, a affirmé que les 2,7 milliards de dollars investis par le gouvernement en soins à domicile n’ont pas donné « les résultats attendus ». Elle s’est notamment engagée à revoir certains processus administratifs.

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