(Québec) La ministre Sonia Bélanger l’admet : les 2,7 milliards supplémentaires investis par le gouvernement dans les soins à domicile ne donnent pas les « résultats attendus ».

Il faut redresser la barre, reconnaît-elle. Elle lance un nouveau « chantier », loin des « grands processus technocratiques ».

Les sommes allouées ont apporté des améliorations – le nombre d’heures en soutien à domicile a augmenté de 64 % en cinq ans –, mais avec le vieillissement de la population et la pénurie de main-d’œuvre, le réseau de la santé n’arrive pas à répondre à la demande, constate la ministre.

« Il y a eu des services, c’est clair. Mais pas à la hauteur des sommes qu’on a investies », déplore Mme Bélanger dans le cadre d’une entrevue réalisée à la demande de La Presse.

« On ne peut pas dire [que cet argent] a été mal dépensé parce qu’il a été dépensé selon les règles de l’art. Des règles de l’art qui sont de faire des processus ou des évaluations de 50 pages… », illustre-t-elle, faisant référence aux « processus » administratifs qu’elle veut dépoussiérer.

Des technologies de l’information « désuètes », des outils d’évaluation « trop lourds et complexes » et des champs de pratique professionnelle « rigides » : l’ancienne PDG du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal pose un regard critique sur le système.

« Il faut radicalement changer ça », croit-elle.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Sonia Bélanger, ministre déléguée à la Santé et aux Aînés

La ministre Sonia Bélanger a sollicité au début de l’été une rencontre avec les PDG des 34 établissements de santé pour leur faire part de ses visées. Ses objectifs ? Servir plus d’usagers, augmenter les « heures directes » et réduire les listes d’attente.

Six établissements volontaires ont été sélectionnés. Ils disposent de six semaines pour poser un « diagnostic terrain » et présenter à la ministre leurs solutions pour « valoriser les activités clinico-administratives » en CLSC. Le premier rapport est attendu d’un jour à l’autre.

Établissements sélectionnés pour le projet pilote

  • CIUSSS de la Capitale-Nationale
  • CIUSSS de l’Estrie
  • CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal
  • CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal
  • CISSS de la Montérégie-Ouest
  • CISSS de l’Outaouais

Ces propositions seront mises à l’essai dans ces établissements pendant 12 semaines, puis étendues à l’ensemble du réseau. Les spécialités (services psychosociaux, soins infirmiers, physiothérapie…) sont réparties en quatre vagues, qui seront déployées « en cascade ».

Je ne voulais pas avoir de grands processus technocratiques. Je ne voulais pas lancer un chantier d’un an, faire de grandes analyses, puis me donner un grand plan d’action et arriver finalement avec la mise en œuvre. […] J’ai dit : on va fonctionner autrement.

Sonia Bélanger, ministre déléguée à la Santé et aux Aînés

Le déploiement doit être terminé d’ici l’automne 2024. Les cibles actuelles du Ministère seront révisées sous peu. Sonia Bélanger veut qu’elles soient plus ambitieuses « d’au minimum 20 à 30 % » pour le nombre d’usagers servis, en attente et les heures de soins offertes.

Un « virage » attendu

François Legault a promis, au sortir de la pandémie, d’opérer « un grand virage » vers les soins à domicile. Un engagement réitéré en début de deuxième mandat. Après les élections, le premier ministre a affirmé vouloir mener « une vraie révolution » dans ce secteur.

« On n’a jamais vraiment réorganisé les services de soutien à domicile en profondeur au Québec », admet Mme Bélanger.

En mars 2022, François Legault a donné le mandat à la commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay, d’évaluer « la performance des programmes gouvernementaux de soutien à domicile ».

La proportion des heures travaillées en « contact direct » avec l’usager pour les services professionnels et les soins infirmiers en soins à domicile « est faible », soit de 25 % à 32 % respectivement, notait-elle dans le deuxième tome de son enquête. Son rapport final est attendu en décembre.

Le plus récent budget Girard prévoit des investissements additionnels de 860,8 millions pour les quatre prochaines années.

Sonia Bélanger au sujet…

Des heures indirectes

« C’est clair que les outils d’évaluation qui ont été développés il y a plusieurs années sont trop lourds, trop complexes », estime Mme Bélanger. Elle promet de revoir ces outils et d’ajouter du personnel administratif. Les technologies de l’information seront mises à niveau.

De l’attente hors délai

« Un usager peut recevoir, dans certains cas, jusqu’à sept ou huit personnes différentes dans une journée. Je ne peux pas croire que nos règles sur le plan professionnel soient à ce point rigides qu’on est tous en silos. » Elle veut que les professionnels se rendent « au bout de leur champ de pratiques ».

En savoir plus
  • 64 %
    Le nombre d’heures de soutien à domicile a augmenté de plus de 64 % depuis cinq ans, passant de 19 545 371 heures en 2018-2019 à 32 031 461 heures en 2022-2023.
    Source : ministère de la Santé et des Services sociaux
    383 155
    Il s’agit du nombre d’usagers ayant reçu un service de soutien à domicile au cours de l’année 2022-2023.
    Source : ministère de la Santé et des Services sociaux