(Ottawa) Connue pour ses retentissantes envolées, la députée conservatrice Rachael Thomas s’est réfugiée dans le mutisme, mardi, lorsqu’on lui a demandé si Radio-Canada devrait mettre la clé sous la porte. Son chef Pierre Poilievre a ensuite affirmé que « c’est nous qui allons protéger Radio-Canada » – ce qui a été tourné en dérision par Justin Trudeau.

« Ce silence en dit long sur la position des conservateurs sur la conservation de Radio-Canada. Ils ne la défendront pas », a prévenu mercredi sur X la ministre du Patrimoine canadien Pascale St-Onge.

Son message coiffait la vidéo d’un échange entre une journaliste et la députée albertaine remontant à mardi.

L’interaction en question a été captée par une caméra de Radio-Canada à l’issue de la comparution de la PDG du diffuseur public, Catherine Tait, devant un comité de la Chambre des communes, en début de soirée.

« Pensez-vous que Radio-Canada devrait rester ouverte ? », demande une reporter à Rachael Thomas.

La députée, qui est porte-parole de son parti en matière de Patrimoine canadien, répond avec un silence, le regard fixe.

« Vous ne voulez pas répondre ? »

Re-silence. Re-regard fixe.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La porte-parole conservatrice en matière de Patrimoine canadien, Rachael Thomas

« Désolée… pourquoi ne voulez-vous pas répondre à la question ? Est-ce parce que vous pensez que [Radio-Canada] devrait fermer aussi ? Votre chef a dit qu’il souhaitait qu’elle reste ouverte », persiste la journaliste.

C’est à ce moment que la députée choisit de rompre le silence d’environ 18 secondes.

« Je suis derrière mon chef », lâche-t-elle.

Le dirigeant conservateur Pierre Poilievre a promis de « définancer » CBC, mais de garder Radio-Canada en vie – un engagement dont la faisabilité a été remise en question.

Le Parti conservateur a transmis mercredi une déclaration attribuable à Mme Thomas, qui se lit comme suit :

« Les conservateurs soutiennent les importants services en français fournis par Radio-Canada et un futur gouvernement conservateur protégera et améliorera ces services lorsque nous supprimerons le financement de la CBC », y est-il notamment souligné.

« C’est nous qui allons protéger Radio-Canada », dit Poilievre

Lors de la période des questions en Chambre, mercredi, le dirigeant de l’opposition officielle a affirmé que Radio-Canada pouvait compter sur l’appui du Parti conservateur du Canada.

« C’est nous qui allons protéger Radio-Canada ! », a-t-il lancé en demandant « pourquoi [le gouvernement de Justin Trudeau] ne protég[eait] pas les services de Radio-Canada ».

Le premier ministre l’a raillé.

« Il n’y a personne qui parle français dans ce pays qui va penser que le Parti conservateur va défendre Radio-Canada », a-t-il répondu en mettant son adversaire au défi de dire la même chose en anglais.

« Ils ont vu ce film trop souvent. Ils savent très bien que l’opposition idéologique du Parti conservateur à des diffuseurs publics est trop bien ancrée », s’est exclamé Justin Trudeau.

Catherine Tait sur le gril

L’avenir de CBC/Radio-Canada est revenu dans l’actualité après que La Presse eut rapporté qu’une fusion des ressources des services anglophone et francophone était à l’étude.

Si Catherine Tait a été questionnée à ce sujet en comité, mardi, elle a aussi été talonnée sur le possible octroi de primes aux dirigeants de la société d’État.

Durant son témoignage, la grande patronne de CBC/Radio-Canada a fait face à une avalanche de questions de députés conservateurs anglophones quant aux primes versées aux cadres et aux dirigeants.

PHOTO PATRICK DOYLE, LA PRESSE CANADIENNE

Catherine Tait

Le radiodiffuseur avait mis la table aux échanges en rendant publique une lettre qu’il avait envoyée en mars à la présidente du comité.

Il y accuse des députés conservateurs du comité de diffuser délibérément des faussetés à l’égard de la société d’État et de Mme Tait.

Cette lettre a été remise aux médias par un de ses accompagnateurs avant la réunion.

Les députés Kevin Waugh et Rachael Thomas y sont dénoncés pour leurs « accusations mensongères ».

Tous deux avaient accusé Catherine Tait d’avoir menti et induit le comité en erreur au sujet des primes lors d’une réunion précédente.

La PDG a rejeté ces allégations aujourd’hui lors d’un échange avec Rachael Thomas à propos du moment où une décision a été ou sera prise quant aux primes que recevront ou non les dirigeants cette année.

La patronne du diffuseur public avait précédemment déclaré au comité qu’une décision sur les primes serait prise à partir de mars, soit à la fin de l’exercice financier.

Mais lors de la réunion de mardi, la députée Thomas s’est offusquée de n’avoir reçu aucune mise à jour.

« Je m’oppose vraiment à ce qu’on me traite de menteuse, ce qui s’est produit à plusieurs reprises », a déclaré la PDG en s’adressant à l’élue conservatrice.

« C’est la première fois en 40 ans de carrière que quelqu’un s’adresse à moi de cette façon », a-t-elle déploré.

Avec Michel Saba, La Presse Canadienne