Dans le corridor des urgences de l’hôpital Anna-Laberge, un homme nu et agité discute avec des intervenants qui tentent de lui faire réintégrer sa chambre en ce mardi matin de mars. Un code blanc est lancé. Des agents de sécurité accourent. Une petite crise comme il s’en vit régulièrement dans les urgences de l’établissement, qui ont connu une année difficile. En octobre, l’hôpital de Châteauguay a fait les manchettes après la mort de deux patients aux urgences. Ouvertures de civières de débordement et d’une unité supplémentaire de 18 lits. Construction d’une annexe. Plusieurs mesures ont été prises dans les derniers mois pour soulager les urgences. Mais la situation est loin d’être rose : « On est fortement sous pression », dit Lyne Daoust, directrice des programmes de soins critiques au CISSS de la Montérégie-Ouest.
Pas assez de lits
Au cours de la dernière année, l’hôpital Anna-Laberge est celui qui a présenté la plus forte proportion de séjours de 48 heures et plus aux urgences de la province. La durée moyenne de séjour y a été de 31 heures. Seul l’hôpital Royal Victoria à Montréal fait pire (31 h 40 min). Directeur des activités hospitalières à Anna-Laberge, Éric St-Onge souligne que la situation s’explique principalement par un problème de « volumétrie ». « Il manque de lits d’hôpital et de lits d’hébergement dans l’ouest de la Montérégie », dit-il. Président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec, le Dr Gilbert Boucher dit que les hôpitaux des couronnes de Montréal, qui ont enregistré une augmentation de leur démographie, sont fortement sous pression depuis des mois.
C’est le cas à Anna-Laberge, mais aussi à Saint-Jérôme et dans Lanaudière. Il n’y a pas assez de lits pour ces régions.
Le Dr Gilbert Boucher, président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec
Encore trop de visites
Le nombre de visites a diminué aux urgences d’Anna-Laberge en 2023-2024 par rapport à 2019-2020. Mais ce sont surtout les patients « ambulatoires » qui sont moins nombreux à se présenter. « La création du GAP [Guichet d’accès à la première ligne] a aidé », affirme Tania Pellizzari, coordonnatrice clinique administrative aux urgences. Mais la clientèle se présentant par ambulance sur civière, plus complexe, est en hausse depuis trois ans. Les patients sont aussi de plus en plus âgés. Une annexe comprenant 5 lits d’hospitalisation brève en santé mentale, 25 lits de courte durée et 10 lits d’hospitalisation brève de 72 heures et moins est en construction sur le terrain de l’hôpital Anna-Laberge et sera ouverte à l’automne 2024. « Ça va ajouter beaucoup de capacité et avoir un impact rapide sur nos données », avance M. St-Onge.
Beaucoup d’ambulances
Quand il ouvrira en 2026, le nouvel hôpital de 404 lits de Vaudreuil apportera de l’oxygène à Anna-Laberge. L’ouverture d’une maison des aînés de 120 lits à Châteauguay et d’une autre à Salaberry-de-Valleyfield est aussi fortement attendue. Mais déjà, des initiatives sont mises en place pour soulager les urgences, affirme la Dre Céline Marchand, médecin d’urgence et conseillère médicale à la fluidité organisationnelle à l’hôpital Anna-Laberge. Certaines ambulances sont déroutées vers d’autres hôpitaux. Malgré tout, le nombre d’ambulances se présentant chaque jour à Anna-Laberge est en croissance. Dernier établissement au Québec à ne pas utiliser un système informatique avancé aux urgences, Anna-Laberge fera le saut ce printemps.
Manque de médecins spécialistes
L’hôpital Anna-Laberge fait également face à un « manque assez important d’effectifs médicaux spécialisés », selon la Dre Caroline Bourassa-Fulop, médecin d’urgence et directrice adjointe des services professionnels. L’établissement compte par exemple 3 cardiologues, alors que des hôpitaux de taille similaire en ont jusqu’à 17, affirme-t-elle. « On n’est pas moins travaillants que les autres […] On arrive à se sortir la tête de l’eau parce qu’on pédale », dit la Dre Bourassa-Fulop. « Malgré tout, on est vraiment sous tension. Mais ce serait pire si on n’avait pas adopté toutes les mesures qu’on a prises », dit Lyne Daoust, directrice des programmes de soins critiques au CISSS de la Montérégie-Ouest.