(Québec) Au poste de garde des urgences de l’Hôtel-Dieu de Québec, l’assistante infirmière-chef Danys Leclerc s’active. Deux patients viennent d’obtenir leur congé. Mais une dame vient d’arriver par ambulance et doit être emmenée en salle de réanimation. Dans une chorégraphie maintes fois répétée, Mme Leclerc et ses collègues se préparent à intervenir sur la nouvelle patiente.

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Mélia Hébert s’occupe d’une patiente. L’infirmière auxiliaire doit composer avec une clientèle de plus en plus âgée.

Au cours de la dernière année, les urgences de l’Hôtel-Dieu de Québec, plus vieil hôpital francophone d’Amérique du Nord, ont subi une hausse de 12 % de leurs visites. Les patients qui viennent sont de plus en plus âgés. Malgré tout, l’établissement a enregistré une durée moyenne de séjour de 12 h 17 min, ce qui lui vaut le score de B+à notre palmarès, le plus élevé pour les hôpitaux universitaires de la province.

Les séjours de 48 heures et plus aux urgences ont aussi été pratiquement éliminés à l’Hôtel-Dieu, affirme le directeur des soins critiques au CHU de Québec, Stéphane Tremblay. Seulement 26 personnes ont séjourné plus de 48 heures aux urgences de l’Hôtel-Dieu de Québec en 2023-2024, contre 3294 à l’hôpital du Sacré-Cœur ou à 3907 à l’hôpital Royal Victoria durant la même période.

Selon M. Tremblay, plusieurs facteurs expliquent le succès de l’Hôtel-Dieu de Québec.

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Stéphane Tremblay, directeur des soins critiques au CHU de Québec

Pour que les urgences aillent bien, il faut qu’en amont, en aval et intra-urgences, ça aille bien.

Stéphane Tremblay, directeur des soins critiques au CHU de Québec

Des règles claires, et suivies

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Le DAlexis Durand

En juin 2022, le CHU de Québec s’est doté de « Règles d’utilisation des ressources médicales » pour ses cinq urgences, dont l’Hôtel-Dieu fait partie (voir encadré). Des cibles de délais ont été établies pour chaque moment passé aux urgences par un patient. Les règles établissent par exemple quel délai doit être toléré entre la prise en charge médicale d’un patient par un médecin et la décision de l’hospitaliser ou non. Ou entre la décision d’hospitaliser un patient et le moment où celui-ci est monté aux étages. « Et on fait appliquer le tout. On s’est dotés d’un système de performance […] Ça permet d’avoir un roulement de lits plus rapide », affirme M. Tremblay. Selon lui, grâce à ces règles, les intervenants de tout l’hôpital « font plus pour améliorer la fluidité ».

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Marie-Claude Coulombe, infirmière aux urgences

Une direction adjointe de la fluidité a été créée. Avec la direction des urgences, elle suit les délais en temps réel.

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Charles Grenier, infirmier

Dès qu’on a un patient admis qui dépasse les 12 ou 13 heures aux urgences, l’assistante infirmière-chef intervient.

Stéphane Tremblay

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La célérité avec laquelle agissent les médecins est saluée.

Chef d’unité aux urgences, Marie-Andrée Martin ajoute que les urgences de l’Hôtel-Dieu sont « petites ». Et que l’exiguïté des locaux fait que les équipes doivent être efficaces. « On n’a pas le choix : on ne peut pas déborder dans les corridors […] Les assistants sont très proactifs, dit-elle. Tout le monde est au diapason. » Mme Martin affirme que les médecins spécialistes qui doivent venir évaluer des patients aux urgences sont prompts à s’activer. « Ils sont très à l’écoute de notre situation, dit-elle. Quand on déborde, ils ne vont pas prendre leur temps pour venir faire leur consultation. »

Choisir son « temps supplémentaire »

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L’infirmier Alexandre Dancause. L’autogestion des horaires mis en place aux urgences de l’Hôtel-Dieu a permis de diminuer de 50 % le TSO.

 M. Tremblay reconnaît que les urgences de l’Hôtel-Dieu ont connu, comme tout le réseau, un défi de pénurie de main-d’œuvre dans les dernières années. L’établissement s’est doté d’une « nouvelle approche de soins » qui fait notamment que les proches aidants sont maintenant acceptés en tout temps aux urgences plutôt que seulement durant les heures de visite. Une nouvelle « philosophie de gestion de la main-d’œuvre » a été adoptée et a permis de diminuer de 50 % le « temps supplémentaire obligatoire » (TSO). Comment ? En utilisant l’autogestion des horaires. Chaque mois, un calendrier affichant les quarts de travail à découvert est affiché.

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Marie-Andrée Martin, chef d’unité aux urgences à l’Hôtel-Dieu

Le personnel peut aller s’ajouter des quarts de travail supplémentaires. Personne n’est obligé. Mais ça permet aux travailleurs de savoir pour les quatre prochaines semaines quand ils feront du temps supplémentaire. Ils peuvent prévoir.

Marie-Andrée Martin, chef d’unité aux urgences à l’Hôtel-Dieu

« On a plus d’effectifs, plus de satisfaction au travail et plus de rétention », dit le M. Tremblay.

Souvent, les patients restent aux urgences trop longtemps, car il manque de lits aux étages pour les hospitaliser. Ces derniers sont souvent occupés par des patients en « niveau de soins alternatifs » (NSA) qui n’ont plus besoin de soins hospitaliers, mais qui attendent une place d’hébergement, de réadaptation ou en soins à domicile.

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Marie-Pier Charte, préposée aux bénéficiaires

Au CHU de Québec, on travaille avec le CIUSSS de la Capitale-Nationale pour libérer plus rapidement ces lits. M. Tremblay explique qu’il n’y a « pas de magie » pour expliquer leur performance. « Mais il y a toujours des actions en temps réel. On n’est pas parfaits. Mais on intervient beaucoup pour s’assurer que ça roule », dit-il.

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Danys Leclerc souligne l’entraide qui règne à l’hôpital. Les travailleurs des urgences peuvent compter sur leurs collègues des autres départements.

Selon M. Tremblay, cette performance est appréciée par la clientèle. Un sondage mené en juin et en novembre auprès de 5000 patients étant passés par les urgences de l’Hôtel-Dieu montre que 84 % sont satisfaits de leur expérience. « Ce qui fait que ça fonctionne aux urgences, c’est que c’est l’affaire de tous », souligne M. Tremblay. Pour Danys Leclerc, l’ensemble des travailleurs de l’Hôtel-Dieu met la main à la pâte pour aider les urgences. « On est comme une famille. On travaille dans le même sens pour s’aider », dit-elle.

L’Hôtel-Dieu de Québec en bref

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L’Hôtel-Dieu de Québec a été fondé en août 1637.

  • Plus vieil hôpital francophone en Amérique du Nord.
  • L’Hôtel-Dieu de Québec fait partie du CHU de Québec, tout comme le CHUL, l’hôpital de l’Enfant-Jésus, l’hôpital Saint-François-d’Assise et l’hôpital Saint-Sacrement.
  • L’Hôtel-Dieu et l’hôpital de l’Enfant-Jésus déménageront dans un établissement tout neuf en 2028-2029.
  • Chaque établissement du CHU de Québec héberge certaines spécialités. L’Hôtel-Dieu de Québec se spécialise notamment en néphrologie, en hémato-oncologie et en cancérologie.

Précision :
Une version précédente de ce texte identifiait à tort Stéphane Tremblay comme médecin. Il ne l’est pas. Nos excuses.

En savoir plus
  • 18
    Nombre de civières aux urgences de l’Hôtel-Dieu de Québec
    CHU de Québec-Université Laval
    3
    Nombre de salles de réanimation aux urgences de l’Hôtel-Dieu de Québec
    CHU de Québec-Université Laval