(Montréal) À mi-chemin entre un groupe de médecine de famille (GMF) et un hôpital, le gouvernement du Québec a clarifié mercredi son modèle de mini-hôpitaux privés qui se concentrera sur les besoins des aînés.

Deux mini-hôpitaux, qui ressembleront à des cliniques spécialisées en gériatrie, verront le jour dans les régions de Montréal et de Québec.

Le cabinet du ministre de la Santé, Christian Dubé, a confirmé mercredi qu’un budget de 35 millions issu de fonds publics sera alloué annuellement pour chaque mini-hôpital. Tous les soins et services seront gratuits pour les patients, ceux-ci seront couverts par la Régie de l’assurance maladie du Québec.

Ces établissements que la Coalition avenir Québec (CAQ) espère livrer en 2025 posséderont une salle d’urgence, mais pas de bloc opératoire. Ils seront équipés pour répondre aux besoins qui touchent le plus souvent les aînés, mais des personnes de tout âge pourraient y être dirigées advenant que le mini-hôpital soit le meilleur endroit pour les besoins de la personne.

Dans un courriel transmis à La Presse Canadienne, le président de l’Association des médecins gériatres du Québec (AMGQ), Jacques Morin, s’est montré sceptique face au concept de mini-hôpitaux de la CAQ.

Le modèle de clinique ambulatoire gériatrique tel que présenté est vague et il est difficile d’évaluer sa plus-value en termes de clientèle ciblée et de réels bénéfices. Plusieurs alternatives moins coûteuses et prouvées scientifiquement existent pour atteindre leurs objectifs de réduction des consultations à l’urgence dont l’optimisation des cliniques externes de gériatrie déjà existantes, mais sous-financées et sans le personnel suffisant.

Jacques Morin, président de l’Association des médecins gériatres du Québec (AMGQ)

Il a indiqué que l’AMGQ allait commenter plus en détail le projet au cours des prochains jours. « Pour le moment, ce dont on est certain, c’est que les gériatres ne font pas partie du projet dans sa version actuelle même si on les nomme’’clinique ambulatoire de gériatrie’’ », soulève M. Morin.

Les mini-hôpitaux seront ouverts 24h/7, mais les nouveaux patients seront admis de 7 h à 22 h.

Les équipes disposeront des tests diagnostiques sur place et elles auront la possibilité de garder des patients en observation pour de courts séjours.

L’infirmier Philippe Voyer, également professeur, chercheur et vice-doyen de la Faculté des sciences infirmières à l’Université Laval, salue le concept du gouvernement, le qualifiant de premier pas dans l’adaptation des soins aux aînés.

C’est certain que j’aimerais qu’il y ait — comme l’hôpital Sainte-Justine pour les enfants — des hôpitaux gériatriques avec toutes les spécialités. Selon moi, c’est la manière dont on va répondre le mieux aux besoins de la clientèle gériatrique, mais on n’est pas là. Ce qui vient d’être pris comme décision est pour moi un pas dans la bonne direction.

Philippe Voyer, professeur, chercheur et vice-doyen de la Faculté des sciences infirmières à l’Université Laval

Comme les mini-hôpitaux seront spécialisés en gériatrie, M. Voyer a espoir qu’on ne perdra jamais de vue les besoins de l’aîné, peu importe son problème de santé.

Les patients admis dans les mini-hôpitaux auront préalablement été recommandés par un professionnel de la santé d’un autre établissement de santé. Cela pourrait être un référencement via le Guichet d’accès à la première ligne, le 811, le 911 ou des ambulanciers. L’objectif du gouvernement est de désengorger les hôpitaux des cas moins urgents, plus spécifiquement les P4 et P5 comme on les appelle dans le jargon médical.

Le président de l’AMGQ a souligné que parmi les patients classés P3, P4, P5, les patients âgés sont les plus susceptibles de présenter une condition requérant une hospitalisation. « Les diriger d’emblée vers une clinique ambulatoire est une offre de soins qui risque fort de ne pas répondre aux besoins de la clientèle », estime M. Morin.

Les mini-hôpitaux seront par ailleurs dotés d’accès pour les ambulances et le transport adapté.

Le gouvernement pourrait répéter le projet de mini-hôpitaux ailleurs au Québec.

« Nous avons toujours dit que le réseau privé devait être complémentaire au réseau public, et c’est en unissant nos forces comme nous le faisons aujourd’hui que les Québécoises et les Québécois auront un meilleur accès à leur réseau de santé », a déclaré dans un communiqué le ministre Dubé.

Le cabinet du ministre de la Santé a dit être au fait de situations où des personnes âgées qui se présentent aux urgences peuvent y passer plusieurs heures lorsqu’elles sont triées au bas de l’échelle des priorités, alors qu’on sait que ce n’est souvent pas un milieu approprié pour les aînés, voire même un milieu hostile. Le concept des mini-hôpitaux a pour but de pallier ce genre de situations.

« Le fait de patienter à l’urgence, de ne pas s’hydrater comme habituellement, de ne pas bien dormir, de ne pas manger comme habituellement, de ne pas circuler […] ça a des effets négatifs pour cette clientèle. On veut les aider, mais les urgences sont un milieu qui n’est pas aidant pour les personnes âgées, ça nuit à leur santé », explique M. Voyer.

Il souhaite que le Québec développe un réseau des soins et des services qui tiennent comptent de la vulnérabilité des personnes aînées, notamment des hôpitaux gériatriques.

Tous les acteurs du milieu de la santé n’accueillent pas à bras ouverts le concept de mini-hôpitaux présenté mercredi. La Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN) s’est montrée mécontente sur le réseau social X. « Voici que la CAQ veut réserver ses futurs hôpitaux privés aux aîné-es. Décidément, le ministre Dubé ne comprend pas. Il faut investir dans le public. Les études démontrent que le privé n’est pas bon pour la santé », écrit la fédération.

L’Institut économique de Montréal (IEDM) a souligné sur X que même si 73 % des Québécois appuient le concept de mini-hôpitaux, « la CAQ recule sur son projet et le dénature en créant plutôt de gros GMFs et urgences mineures pour aînés. En visitant les urgences du Québec, la CAQ se rendrait compte que l’attente aux urgences affecte toutes les tranches d’âge. »

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