(Québec) Les deux mini-hôpitaux privés promis par le gouvernement Legault en campagne électorale prendront finalement la forme « plus nichée » de cliniques gériatriques.

C’est ce qu’a indiqué le ministre de la Santé, Christian Dubé, lors de l’étude des crédits budgétaires de son ministère en commission parlementaire mardi.

Il répondait alors aux questions du député de Québec solidaire (QS) Vincent Marissal au sujet de l’engagement caquiste des mini-hôpitaux privés.

Le porte-parole de QS en matière de santé a signalé que les documents transmis par le gouvernement à l’opposition révèlent que « le modèle clinique adopté dans ce dossier correspond à un centre ambulatoire gériatrique avec des services cliniques de jour adaptés » aux personnes âgées.

« Pourquoi ce choix ? », a-t-il demandé.

Le gouvernement a fait quelques constats « entre l’annonce faite initialement et tout le travail fait » dans ce dossier par le député caquiste Youri Chassin. « L’enjeu, c’est l’augmentation du volume de la population aux urgences », une population vieillissante, a expliqué le ministre.

On s’est fait dire par nos experts qu’il y a une dégradation importante des personnes âgées lorsqu’elles vont aux urgences. Si elles sont huit, dix, douze heures sur une civière, il n’y a rien de pire. Des fois, elles peuvent repartir plus amochées que lorsqu’elles sont arrivées.

Christian Dubé, ministre de la Santé

Résultat : le concept de mini-hôpitaux privés est revu. « On a décidé de partir avec un modèle plus niché. Est-ce qu’on pourrait faire des urgences gériatriques, donc principalement destinées à la clientèle vieillissante, pour lui donner un environnement qui est différent de ce qu’on voit dans des urgences ordinaires ? » Ces « mini-urgences » seraient « beaucoup plus orientées vers les besoins d’une clientèle vieillissante ».

Il a donné l’exemple d’urgences pédiatriques situées au Quartier DIX30 à Brossard et d’autres du même type à Saint-Eustache, où les services sont adaptés aux enfants. « Les parents sont fascinés » parce qu’on se croirait presque dans « un CPE ou une garderie », a-t-il dit.

Dans l’est de Montréal et dans la « grande région de Québec »

L’une des cliniques gériatriques verra le jour comme prévu dans l’est de Montréal ; l’autre, dans la « grande région de Québec ». Cette précision laisse entendre que le centre ouvrirait ses portes sur la Rive-Sud – la promesse caquiste était plutôt de construire un établissement « à Québec ».

Les appels d’offres pour construire les deux cliniques seront lancés « dans les prochaines semaines ». « Beaucoup de gens sont intéressés » à déposer une soumission, selon Christian Dubé.

L’échéancier est serré. « Je vous parle d’ouvrir une urgence l’année prochaine. Est-ce qu’on est capables de répondre aux besoins des Québécois plus rapidement » grâce au recours au privé ? a répondu le ministre à Vincent Marissal, qui a condamné le recours au privé.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Vincent Marissal, député de Québec solidaire

Christian Dubé a fait valoir que les partenaires privés seront propriétaires des immeubles et auront une entente avec l’État d’une durée de cinq ou dix ans afin d’offrir des services aux patients qui seront couverts par l’assurance maladie. C’est comme pour un groupe de médecin de famille ou encore une pharmacie, a-t-il plaidé.

Youri Chassin a précisé plus tard à La Presse que les deux cliniques ne disposeront pas de lits d’hospitalisation, mais plutôt de « lits d’observation », car il faut respecter les « contraintes de la loi ». Elles n’auront pas de bloc opératoire non plus.

« Promesse rompue »

L’Institut économique de Montréal – où M. Chassin était économiste avant de faire le saut en politique – est déçu de la décision du gouvernement. « Lors de la dernière élection, la CAQ ne s’est pas engagée à créer deux cliniques pour personnes âgées, mais bien deux mini-hôpitaux, accessibles à tous et à toutes, avec salles d’urgence et blocs opératoires », a réagi l’économiste Emmanuelle B. Faubert. « En visitant les salles d’urgence du Québec, on voit bien que l’attente touche toutes les tranches d’âge et pas seulement les aînés. »

Cette « promesse rompue » est selon elle « une bien mauvaise nouvelle pour les Québécois et Québécoises qui continueront de languir des heures durant dans les urgences de la province ».

Lors de la campagne électorale de 2022, la Coalition avenir Québec a estimé à 35 millions le coût de construction d’un mini-hôpital, « entièrement financé par le privé ». L’État paierait une partie des frais fixes des deux établissements, comme dans le cas des GMF, disait-elle.