Le gouvernement Legault table depuis plus d’un an sur des scénarios pour remplacer ses jets Challenger servant aux transports aériens médicaux qui ont récemment connu une série de ratés dramatiques. Tout indique que Québec se tournera une fois de plus vers une plateforme développée par Bombardier à la fin des années 1970.

Ce qu’il faut savoir

  • La flotte d’avions gouvernementaux servant au transport aérien de patients a connu une série de ratés début janvier lors de laquelle un patient est mort sur le tarmac, à Val-d’Or.
  • Les deux jets Challenger exploités par Québec sont en fin de vie utile, selon nos informations.
  • Une série de documents obtenus à la suite d’une demande d’accès à l’information montrent que Québec étudie différents scénarios pour remplacer ces appareils, dont l’achat d’un avion neuf.

C’est ce qui ressort d’échanges de courriels entre des fonctionnaires du ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD) obtenus en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et consultés par La Presse.

Plusieurs passages des courriels sont caviardés. Il n’a donc pas été possible de savoir, par exemple, si l’on penchait pour des jets neufs ou d’occasion. Chose certaine, c’est le Challenger 650 de Bombardier, une version améliorée des appareils de la flotte du Service aérien gouvernemental (SAG), qui est en position de tête.

« Il faudrait être en mesure de présenter une mise à jour de l’analyse financière concernant le scénario retenu », écrit Lyne-Renée Faucher, directrice des projets et de l’optimisation des affaires du SAG, dans un courriel daté du 22 novembre dernier. « Aussi, il serait intéressant de voir un scénario [avec] un [appareil] usagé et un neuf et un scénario d’un [appareil] usagé et deux neufs. »

Le prix catalogue d’une version civile du jet privé Challenger 650 est d’environ 32,5 millions US (43,9 millions CAN).

Présenté en 2014, il est la plus récente version de cette plateforme émanant de la fin des années 1970.

L’avionneur affirme que ce modèle a toujours la cote auprès de sa clientèle, mais plusieurs analystes se demandent si cet appareil pourra continuer à se démarquer par rapport à ses concurrents s’il ne fait pas l’objet d’une importante mise à jour.

Un jet d’occasion à 6,5 millions...

Une présentation comportant des estimations de coûts d’acquisition et qui se penche sur des éléments comme la durée de vie des appareils et les délais de livraison d’un avion « médicalisé » avait été préparée pour un « comité conseiller ».

Sur son site web, Bombardier affirme que le Challenger 650 est une « plateforme idéale pour les missions spécialisées », notamment le transport médical.

« On compte plus d’avions spécialisés de la série Challenger 600 en exploitation que tous ses concurrents directs combinés », fait valoir le constructeur de jets d’affaires.

Entre-temps, la vétusté des Challenger 601 de la flotte du SAG a incité Québec à mettre de côté jusqu’à 6,5 millions pour se procurer un autre exemplaire d’occasion de cet appareil. Sans tambour ni trompette, un avis d’intention d’achat avait été publié, en juin dernier, pour permettre au SAG de « sécuriser ses opérations ».

« Le Ministère ne peut recourir à un autre type d’avion, car cette solution ne garantit pas une mise en opération rapide immédiate, peut-on lire sur le site gouvernemental d’appels d’offres. Les délais dus à la formation de son personnel technique, médical ou pilote viendraient repousser la mise en opération rapide de l’appareil. »

... mais déjà vendu

Le hic : Québec semble s’être fait couper l’herbe sous le pied. Adjugé à la société International Aircraft Marketing & Sales, un courtier spécialisé dans l’achat et la vente d’avions d’occasion et établi à Saratoga, en Floride, ce contrat de gré à gré n’a toujours pas été conclu six mois plus tard.

« L’appareil qui avait été visé a été vendu. Le Ministère analyse actuellement d’autres options », a indiqué la porte-parole du MTMD, Émilie Lord, par courriel, mercredi.

« Le Ministère évalue les options visant le remplacement des deux Challengers 601. Des travaux sont en cours à cet effet. Entre-temps, le Ministère peut compter sur un contrat de relève pour des services de transport aéromédical de patients auprès de transporteurs qualifiés », s’est-elle limitée à confirmer au sujet du remplacement des Challenger du gouvernement.

Présente au caucus présessionnel de la Coalition avenir Québec, à Sherbrooke, la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, a refusé de répondre à des questions à ce sujet.

La Presse rapportait la semaine dernière que les jets Challenger du SAG avaient récemment connu une série de ratés lors de laquelle un patient était mort sur le tarmac, à Val-d’Or, alors que tous les appareils du gouvernement étaient cloués au sol, faute de pilotes.

Les deux Challenger 601, construits par Bombardier respectivement en 1989 et en 1994, ont dépassé la moitié de leur vie utile, soit plus de 15 000 heures de vol sur la limite de 30 000 heures. Cela raccourcit les échéanciers de maintenance. Ils se retrouvent donc plus souvent à l’atelier.

En 2017, Le Journal de Québec rapportait que le SAG avait déboursé environ 1,8 million pour acquérir un Challenger aux États-Unis pour le démanteler afin d’utiliser ses pièces dans le but de rajeunir certaines parties de ses propres avions.

Avec Fanny Lévesque, La Presse