(Ottawa) Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a rejeté la première ébauche du projet de loi du gouvernement libéral concernant la mise en place d’un régime national d’assurance-médicaments, mais le ministre de la Santé assure que les discussions entre les deux partis restent « extrêmement fluides ».

Les libéraux ont promis de déposer un projet de loi sur l’assurance-médicaments cet automne dans le cadre de l’entente de soutien et de confiance qu’ils ont conclue l’an dernier avec le NPD pour assurer la survie du gouvernement minoritaire jusqu’en 2025.

Cet accord appelle à « continuer de progresser vers la mise en œuvre d’un régime universel d’assurance-médicaments » en adoptant une première loi à ce sujet d’ici la fin de 2023.

Or, selon le porte-parole néo-démocrate en matière de Santé, Don Davies, la première ébauche du projet de loi n’a pas répondu aux attentes de son parti.

« Elle ne respectait pas les conditions strictes des néo-démocrates, a soutenu M. Davies en entrevue. Nous attendons maintenant de recevoir la prochaine version. »

M. Davies a précisé que le NPD n’accepterait rien de moins qu’un engagement ferme à ce que l’assurance-médicaments soit payée et administrée par l’intermédiaire du système public à payeur unique.

Le NPD serait prêt à commencer uniquement avec les médicaments essentiels, mais exige que les délais soient inscrits dans la loi pour prévoir l’élargissement du régime.

Va et viens

En réaction, le ministre de la Santé, Mark Holland, n’a pas voulu révéler quelle voie le gouvernement préconise actuellement, car la situation pourrait changer d’ici le dépôt du projet de loi.

Le ministre a plutôt assuré qu’il discute des différentes options avec le NPD, tant en ce qui concerne le projet de loi que d’autres mesures qui pourraient être mises en place pour améliorer l’accès à l’assurance-médicaments.

« Ce processus va et vient, il est extrêmement fluide et il change à chaque conversation que nous avons », a souligné M. Holland en entrevue.

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Mark Holland

Le ministre a toutefois lancé un avertissement : le projet de loi qui sera présenté cet automne servira à jeter les bases du régime national d’assurance-médicaments, mais il ne contiendra pas la version finale du programme.

« On ne vise pas à tout écrire d’un coup. Lorsque nous aurons posé les fondations correctement, tout le reste pourra progresser plus rapidement par la suite », a-t-il fait valoir.

Il existe un large éventail d’options que le gouvernement pourrait envisager lors de la rédaction de son projet de loi.

Il pourrait respecter la vision du NPD et mettre en place un système universel à payeur unique, ou encore présenter un texte législatif formulé plus vaguement qui ne ferait aucune mention de la manière dont l’assurance-médicaments serait déployée.

Les libéraux pourraient également envisager un programme qui n’offrirait une couverture qu’aux personnes à faible revenu qui ne sont pas déjà assurées au privé, comme ils l’ont fait avec leur régime de soins dentaires.

Un choix évident, selon un expert

Malgré toutes ces options, une seule s’impose : celle d’un système universel à payeur unique, de l’avis du Dr Eric Hoskins, qui a présidé le Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments en 2019.

« C’est également la conclusion de pratiquement toutes les commissions et de tous les comités ou groupes d’experts qui se sont penchés sur cette question au fil des ans pour le Canada », a ajouté le Dr Hoskins.

L’expert a également confirmé qu’il participe aux discussions avec le NPD, les libéraux et d’autres acteurs concernés pendant que le gouvernement rédige son projet de loi.

« J’ai senti qu’il était important pour moi de fournir tous les conseils et l’aide possibles. C’est un sujet très sérieux », a-t-il noté en entrevue.

C’est en partie en raison de la complexité de la question que le rapport final du Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments recommandait d’y aller, « en premier lieu », avec les médicaments essentiels.

En 2017, le directeur parlementaire du budget estimait qu’un régime d’assurance-médicaments universel aurait coûté 19,3 milliards par année s’il avait été mis en œuvre en 2015, et qu’il aurait augmenté avec le temps pour atteindre 22,6 milliards annuellement.

En dollars d’aujourd’hui, le coût annuel se situerait entre 23 et 27 milliards.

Selon le Dr Hoskins, commencer par les médicaments essentiels ne coûterait qu’environ 3,5 à 4,5 milliards par an.

« Ce serait déjà une énorme victoire pour les Canadiens », a-t-il tranché, parlant d’un impact ayant le potentiel de « changer des vies ».

Le ministre Holland n’a pas voulu confirmer le moment exact où le projet de loi sera déposé, mais il s’est engagé à respecter l’échéancier fixé dans l’entente de son parti avec le NPD, soit de présenter la pièce législative d’ici la fin de l’année.