(Ottawa) Le Club des petits déjeuners s’impatiente. L’inflation du prix des denrées alimentaires rend encore plus pertinente la mise sur pied d’un programme national de repas nutritifs dans les écoles. Les libéraux l’avaient promis lors de la campagne électorale de 2021, mais le milliard n’a pas été budgété depuis. Le Bloc québécois presse le gouvernement de respecter son engagement.

« Les ficelles de la bourse se délient très, très difficilement, note la cofondatrice du Club des petits déjeuners, Judith Barry. On comprend le contexte, mais justement ce fameux contexte-là justifie le besoin d’investir dans une telle politique en ce moment. »

L’organisme avait participé à une consultation en 2022 lancée par le ministère de l’Emploi et Développement social sur l’élaboration d’une politique nationale en matière d’alimentation à l’école. Il s’attendait à ce que le dernier budget fédéral comprenne des sommes pour lancer un tel programme, mais a été déçu.

Le Club des petits déjeuners rappelle que le Canada demeure le seul pays du G7 à ne pas avoir de programme de nutrition scolaire.

La députée du Bloc québécois, Sylvie Bérubé, a fait parvenir une lettre à la ministre des Finances mardi, Chrystia Freeland, pour lui rappeler cet engagement. « À la suite de mes échanges avec ces organismes, ceux-ci sont catégoriques : le milliard sur cinq ans que vous avez promis doit être déboursé, écrit-elle. C’est une nécessité. »

Elle demande que les sommes soient remises au Québec et aux autres provinces pour qu’ils puissent les attribuer aux organismes qui luttent contre l’insécurité alimentaire.

« C’est sûr qu’il y a des engagements qui doivent être en priorité et je pense que celle-là, c’est une priorité pour l’avenir de nos enfants », affirme la députée d’Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou en entrevue.

Bien que la croissance du prix des aliments ait diminué en août, elle demeure élevée à 6,9 %. Ils avaient déjà augmenté de 9,8 % en 2022, selon les données de Statistique Canada.

Selon les plus récentes estimations, 1,8 million d’enfants au Canada vivaient dans des familles qui peinaient à se payer la nourriture dont elles avaient besoin en 2022. C’est un enfant sur quatre. Une augmentation par rapport à l’année précédente où 1,4 million ne mangeaient pas à leur faim. Ces données ont été calculées par les chercheurs de PROOF, un programme chapeauté par l’Université de Toronto dont l’objectif est de proposer des politiques publiques pour diminuer l’insécurité alimentaire.

Le budget fédéral de 2023 contenait tout un chapitre avec des mesures pour rendre la vie abordable, mais rien pour lutter contre l’insécurité alimentaire dans les écoles. « C’est un investissement à long terme qui se veut beaucoup plus efficace que certaines autres mesures mises en place en ce moment pour alléger le fardeau financier des familles en lien avec le coût des aliments », soutient Mme Barry en faisant allusion à la rencontre du ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, avec les cinq grandes chaînes d’épicerie. Il leur a demandé de lui fournir un plan pour stabiliser leurs prix d’ici à l’Action de grâce.

La ministre Chrystia Freeland n’a pas répondu aux questions de La Presse, son attachée de presse les a plutôt transférées au bureau de la ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, Jenna Sudds. « À la suite d’une série de consultations menées auprès de plusieurs parties prenantes, la mise en place d’une politique nationale en matière d’alimentation à l’école a reçu beaucoup de soutien », a indiqué son attachée de presse Soraya Lemur. Elle a ajouté que le rapport de consultation sera publié au cours des prochaines semaines sans préciser si le gouvernement avait l’intention de respecter sa promesse.

Dans le budget de 2019, le gouvernement fédéral s’était engagé à créer la première politique alimentaire du Canada. Il promettait d’allouer 134,4 millions sur cinq ans dès 2019-2020 et 5,2 millions annuellement par la suite. Les libéraux sont ensuite revenus à la charge lors de la campagne électorale de 2021 en promettant un milliard sur cinq ans pour un programme national de repas nutritifs et ont lancé une consultation en 2022 qui n’a mené à aucune politique concrète.

L’insécurité alimentaire dans les écoles a fait les manchettes au cours des dernières semaines. Au Québec, une coalition dont fait partie le Club des petits déjeuners milite pour la mise sur pied d’un programme d’alimentation universel. L’organisme fondé sur la Rive-Sud de Montréal en 1994 s’est étendu en 2005 à l’ensemble du pays soutien aujourd’hui plus de 3000 programmes d’un océan à l’autre.

Une étude de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) rendue publique en août évaluait à 1,7 milliard par année le coût d’un repas quotidien gratuit pour tous les élèves du réseau public. L’Assemblée nationale a adopté une motion à l’unanimité le 13 septembre pour viser l’élimination de l’insécurité alimentaire dans les écoles.

En savoir plus
  • 13,6 millions
    Montant alloué par le gouvernement du Québec en 2023-2024 pour l’aide alimentaire dans le réseau scolaire
    ministère de l’Éducation du Québec