(Ottawa) Amputer le budget de la Défense nationale alors que la guerre en Ukraine fait toujours rage et que le Canada s’est engagé à respecter la cible de dépenses de 2 % de l’OTAN ? C’est ce qui est dans les cartons, selon le chef d’état-major Wayne Eyre. Une situation qui fait hurler les partis de l’opposition à Ottawa. Et que nie le ministre Bill Blair.

Ce qu’il faut savoir

  • Le ministère de la Défense a reçu l’ordre de réduire ses dépenses de près de 1 milliard, dans un effort visant l’ensemble des ministères.
  • Tout en disant qu’il se penche sur « des économies » à réaliser, le ministre Bill Blair refuse de parler de réduction de dépenses.
  • Le Parti conservateur et le Bloc québécois sont en désaccord avec les compressions ordonnées, craignant leur impact sur la réputation internationale du Canada.

Le gouvernement fédéral a demandé au Ministère de trouver des économies de près d’un milliard de dollars (900 millions environ) sur quatre ans, a affirmé le grand patron des Forces armées canadiennes (FAC), Wayne Eyre, devant le Comité permanent de la défense nationale.

La perspective de devoir procéder à ces compressions a donné lieu à des conversations « difficiles » avec les commandants des diverses branches du ministère de la Défense nationale, a noté le chef d’état-major, jeudi après-midi.

PHOTO SPENCER COLBY, LA PRESSE CANADIENNE

Le chef d’état-major Wayne Eyre

Les coupes auront forcément un impact sur les Forces armées, a renchéri le sous-ministre Bill Matthews à la même table. « Minimiser les conséquences sur la capacité opérationnelle militaire devra être la force motrice qui guide ces décisions », a-t-il fait valoir.

Devant le même comité, jeudi, le ministre Bill Blair, qui est titulaire du portefeuille de la Défense nationale depuis la fin de juillet, a plaidé que « l’environnement fiscal actuel » exigeait encore plus de prudence dans la gestion des deniers publics.

Le lendemain, il était sur la défensive. « Nous examinons nos dépenses pour trouver des économies dans les domaines de la consultation et des voyages. Les dépenses globales de défense continueront d’augmenter », a écrit M. Blair dans une enfilade de publications sur le réseau X, vendredi.

« Toute affirmation selon laquelle le Canada “réduit” ses dépenses militaires n’est pas exacte », a-t-il tranché.

Le budget principal des dépenses du ministère de la Défense s’élève à 26,5 milliards pour 2023-2024, ce qui représente environ 6,1 % du total des dépenses du gouvernement fédéral.

Ce ministère n’est pas le seul à devoir réduire ses dépenses.

La présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand, par ailleurs ancienne ministre de la Défense, a demandé à l’ensemble des ministres de trouver 15,4 milliards de dollars d’économies sur quatre ans, et de lui soumettre leurs idées d’ici lundi prochain.

Les conservateurs et les bloquistes choqués

Au Parti conservateur, où le retour à l’équilibre budgétaire est une priorité, on juge que le gouvernement de Justin Trudeau a choisi la mauvaise cible. « Il faut, au contraire, optimiser les Forces armées canadiennes », dénonce le député Pierre Paul-Hus en entrevue.

PHOTO PASCAL RATTHÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Le député conservateur Pierre Paul-Hus

« C’est une des dernières places où il faut couper, surtout compte tenu de la conjoncture mondiale », insiste-t-il. Et c’est sans compter qu’il y a une grave pénurie de personnel, et que des logements sont « en état de décrépitude » sur les bases militaires, dit-il.

Les cordons de la bourse sont déjà si serrés que des soldats qui participent à la mission de l’OTAN en Lettonie ont dû sortir leur portefeuille afin de se procurer gilets, casques ou vêtements imperméables, déplore le lieutenant politique de Pierre Poilievre au Québec, en faisant référence à un reportage de CBC.

PHOTO PATRICK DOYLE, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La députée du Bloc québécois Christine Normandin

Sa collègue bloquiste Christine Normandin est du même avis. « Cela ne viendra qu’exacerber les problèmes déjà criants liés à la sécurité nationale », et voir le gouvernement Trudeau « renier son engagement » auprès de l’OTAN ne fera que « miner davantage notre réputation », a affirmé l’élue.

Dans une déclaration écrite, l’ambassadeur des États-Unis à Ottawa, David Cohen, a soutenu vendredi qu’il ne souhaitait pas faire de commentaires « sur ce qui n’est que des possibilités hypothétiques ». Il a ajouté que « les États-Unis et le Canada comprennent tous deux que la sécurité collective n’est pas gratuite ».

La cible de 2 % de l’OTAN

Lors du sommet de l’OTAN à Vilnius, en juillet dernier, le Canada s’est engagé à consacrer au moins 2 % de son produit intérieur brut (PIB) à la défense. Aucune feuille de route détaillée n’a cependant été proposée depuis.

La révision de la politique de défense entamée sous la houlette de Mme Anand n’a pas encore été dévoilée. Et bien qu’il n’ait pas encore reçu sa lettre de mandat depuis sa nomination, le 26 juillet dernier, son successeur considère cet exercice comme « une priorité ».

Accusé dans un éditorial du Wall Street Journal d’être un « passager clandestin » de l’OTAN en raison de ses « pitoyables » investissements en défense, le gouvernement a tout de même haussé ses dépenses en matière de défense, y ayant consacré 1,38 % du PIB l’an dernier, d’après les récentes données de l’OTAN.