(Mcmasterville) Des dirigeants de la future usine de batteries Northvolt, qui recevra 7,3 milliards d’aide du provincial et du fédéral, ont tenu une séance d’information pour les citoyens de McMasterville en Montérégie, mercredi soir.

Des centaines de citoyens se sont déplacés dans une école secondaire pour la première d’une série de rencontres avec les représentants de Northvolt.

« On veut fabriquer la batterie la plus verte au monde » mais « il faut comprendre que le mot usine, il est possiblement mal choisi […], on pourrait bien plus penser à une installation de haute technologie, donc c’est robotisé pour la plupart des opérations », a tenu expliqué le directeur des communications pour l’Amérique du Nord chez Northvolt, Laurent Therrien.

Différents kiosques étaient installés dans la cafétéria de l’école et les citoyens étaient invités à poser des questions à des employés de Northvolt, des Européens pour la plupart, sur les valeurs de l’entreprise, les besoins en main-d’œuvre ou encore les impacts environnementaux de l’usine.

Si plusieurs citoyens rencontrés par La Presse Canadienne semblaient satisfaits des réponses de l’entreprise, d’autres, comme Geneviève Cousineau, une ancienne résidante de McMasterville qui vit aujourd’hui à La Prairie, avaient « l’impression qu’on n’a pas répondu à toutes ses questions ».

Elle fait partie d’un groupe de citoyens qui ont lancé une pétition contre le projet.

Selon les signataires, la zone tampon de 350 mètres entre les résidences et l’usine n’est pas acceptable et ils craignent pour les bruits, l’odeur et les impacts du transport associés à la production de batteries.

« On est inquiet et on s’attendait à pouvoir poser des questions à de hauts dirigeants », a lancé Geneviève Cousineau lors d’un échange avec le porte-parole Laurent Therrien qui lui a proposé en retour de rencontrer le président de l’entreprise.

Louise Boucher, qui écoutait attentivement la conversation entre madame Cousineau et le porte-parole de l’entreprise, a tenu à préciser qu’elle ne « partage pas les craintes de certains citoyens ».

Il va y avoir une compagnie, il n’y a rien qui nous dit que ce n’est pas une bonne compagnie. Au contraire, toutes les références qu’on nous donne sont bonnes. Ce n’est pas une mine, ils ne font pas de l’extraction, ça à l’air propre. Je viens de faire le tour et je suis rassurée.

Louise Boucher, résidente

Près d’elle, Louis Berthiaume, qui est « venu faire son devoir de citoyen » s’est dit rassuré d’apprendre que la plus grande part des émissions émise par l’usine sera constituée de vapeur d’eau.

« Il y a quand même des processus qui ont sauté », a toutefois dénoncé Louis Berthiaume en parlant du BAPE.

« Le plus grand investissement manufacturier de toute l’histoire du Québec », comme l’a qualifié le premier ministre François Legault, pourrait ne pas être soumis à une évaluation du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE).

Un règlement a été modifié en février par Québec permettant au projet Northvolt d’échapper à l’examen du BAPE, selon des informations d’abord relayées par Radio-Canada.

Sa capacité de production serait de 56 000 tonnes métriques, alors que le Règlement relatif à l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement de certains projets ont été modifiés de façon à éviter une évaluation du BAPE aux usines de batteries qui produisent 60 000 tonnes métriques ou moins.

« Qu’on soit assujetti ou non à un BAPE, on va respecter la loi québécoise sur l’environnement » et « on ne va demander aucun passe-droit au niveau de la loi », a tenu à préciser le porte-parole Laurent Therrien en ajoutant que « ce n’est pas notre prérogative de déterminer si le BAPE s’applique ou non, c’est la prérogative du gouvernement du Québec ».

Il a ajouté que « des dizaines, voire une centaine de fonctionnaires scrutent actuellement notre projet à la loupe et se demandent quels seront ses impacts ».

Milieux humides et espèces protégées

Des milieux humides seront détruits lors de la construction de l’usine et une espèce d’oiseau menacé sera affecté par les activités sur le site.

« On va essayer d’éviter autant que possible les milieux humides et éviter la zone qui est habitée par l’espèce protégée qui est le petit blongios, et si on ne réussit pas à les éviter complètement, on a l’obligation de compenser », a indiqué Laurent Therrien.

« On peut compenser en créant de nouveaux milieux humides, ou en compensant financièrement », a-t-il précisé

Impact sur l’eau

Laurent Therrien a également expliqué que « la très grande majorité de l’eau » puisée par l’usine dans la rivière Richelieu servira à refroidir les procédés de fabrication.

« Elle refroidit nos procédés et ensuite on la ramène à la température initiale de la rivière et on la retourne à la rivière dans son état initial ».

Il a ajouté qu’une autre portion de l’eau puisée servira à nettoyer certains minéraux, « mais ensuite elle est filtrée à même notre usine et elle reste en circuit fermé dans l’usine, donc l’eau qui a touché au produit ne sera jamais retournée dans la rivière ».

Northvolt compte « décharger et broyer » complètement les batteries qu’elle fabrique lorsqu’elles arriveront en fin de vie. Le cuivre, l’aluminium et les plastiques seront envoyés à des partenaires pour être recyclés. La poudre restante, appelée « masse noire », sera traitée dans un autre centre appartenant à Norhtvolt afin d’en récupérer les métaux, qui serviront ensuite à la fabrication d’autres batteries.

Laurent Therrien a expliqué avoir visité l’usine suédoise de Norhtvolt il y a quelques semaines.

« En sortant de l’usine, j’ai demandé à ceux qui m’accompagnaient de s’arrêter deux petites secondes, pour que tout le monde soit silencieux. Puis je vous dis, il y avait un silence complet sur site, donc c’est très peu bruyant. Le bruit va être quasi nul », a indiqué le porte-parole.

Circulation de camions

La construction de l’usine devrait occasionner la circulation de 100 à 150 camions par jour, soit « moins de 1 % des déplacements quotidiens enregistrés sur la route 116 » qui passe près des installations, selon le directeur des communications qui a précisé que lors de la phase de production, l’entreprise compte privilégier le transport ferroviaire.

Northvolt compte aussi favoriser l’utilisation de lithium et de minéraux critiques provenant du Québec.

Actuellement, il n’y a aucune mine de lithium en activité au Québec, mais certains projets dans la région de la baie James pourraient entrer en production dans les prochaines années.

Northvolt prévoit préparer le site de l’usine dès cet automne, débuter la construction de certains bâtiments en 2024, « livrer des produits aux clients » en 2026 et elle compte terminer la première phase de construction en 2028.

Ces phases de développement seront suivies de près par plusieurs citoyens, comme Isabelle Plante, qui a été surprise d’entendre le premier ministre dire que le plus grand projet manufacturier de l’histoire de la province allait s’installer dans sa cour.

« En prenant le pouls de cette rencontre ce soir, je vois des gens curieux, je vois des gens qui découvrent des choses, des nouvelles technologies, je vois des gens favorables, mais c’est mitigé, il y aussi des gens qui sont contre, c’est à la fois préoccupant et intéressant », a expliqué celle qui compte s’impliquer dans un comité consultatif de citoyens qui devrait être mis sur pied par la municipalité de McMasterville pour s’assurer que le projet réponde aux attentes de la population.