Les travaux préliminaires de la voie de contournement s’amorcent à Lac-Mégantic, malgré l’opposition de plusieurs élus. Ils seront réalisés par la Ville, mais payés par Ottawa. Une entente intervenue avec le Canadien Pacifique (CP) permettra aussi de lancer un appel d’offres en vue d’embaucher l’entrepreneur qui construira la voie.

« C’est le début de quelque chose de vraiment important. Je pense qu’on se rapproche du jour où les gens de Lac-Mégantic […] vont pouvoir dire que c’est possible d’avoir un peu plus de quiétude, de paix. C’est ce qu’on souhaite tous collectivement », a expliqué le ministre fédéral des Transports, Pablo Rodriguez, en confirmant la nouvelle lors d’une conférence de presse vendredi.

Il a soutenu que les gouvernements « ont la responsabilité à la fois sociale, politique et humaine de mener ce projet à bien, de le faire comme il le faut ».

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Le ministre des Transports du Canada, Pablo Rodriguez

Le tout survient près de deux mois après le triste dixième anniversaire de la tragédie de Lac-Mégantic, qui a été commémorée cet été en présence de nombreux politiciens. Dans la nuit du 5 au 6 juillet 2013, un train transportant du pétrole brut avait déraillé, puis explosé au centre-ville de cette municipalité de quelque 5000 habitants en Estrie, causant la mort de 47 personnes.

« Chaque fois que le train passe en ville, il ravive des souvenirs. C’est un gros train avec un paquet de matières dangereuses qui passe encore ici, au centre-ville », a déploré Pablo Rodriguez.

Ottawa paiera, Lac-Mégantic réalisera

Le gouvernement Trudeau financera les travaux préliminaires sur l’infrastructure municipale. On ignore encore le coût exact du projet dans son ensemble, Ottawa attendant que le processus d’appel d’offres soit conclu, mais il est acquis que c’est la Ville de Lac-Mégantic qui réalisera les travaux préparatoires.

Ceux-ci consisteront essentiellement à déplacer et à protéger des infrastructures municipales.

Un appel d’offres a d’ailleurs été lancé cette semaine par la Ville de Lac-Mégantic pour le déplacement et le gainage d’aqueducs dans deux zones du parc industriel. Le coût des travaux est évalué à environ 1,7 million, a précisé la mairesse de Lac-Mégantic, Julie Morin.

À terme, 40 % du financement viendra de Québec, et 60 % d’Ottawa. M. Rodriguez a aussi annoncé la signature d’« une entente avec le Canadien Pacifique Kansas City (CPKC) qui va permettre de lancer un appel d’offres pour embaucher l’entrepreneur qui va construire éventuellement la voie de contournement, donc la voie ferrée ».

Tout indiquait depuis longtemps que le projet irait de l’avant, mais on ignorait encore quand. En juin, Ottawa avait confirmé que certains résidants de Lac-Mégantic seraient expropriés pour permettre la construction de la voie de contournement ferroviaire.

Une opposition palpable

Ces derniers mois, la mairesse Julie Morin a maintes fois défendu le projet, en se disant convaincue que le scénario retenu était le plus adéquat parmi tous les tracés qui ont été étudiés. « Nous vivons tous au quotidien avec cette cicatrice profonde qui a marqué chacune de nos vies. Et pendant ce temps, tous les jours, on continue d’entendre et de voir circuler le train dans notre centre-ville, réouvrant la plaie à chaque fois. Ça doit cesser », a-t-elle réitéré vendredi.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La mairesse de Lac-Mégantic, Julie Morin

C’est que l’opposition au projet est de plus en plus palpable dans la région. À Frontenac, les citoyens l’ont rejeté à 92,5 % lors d’un référendum en février.

« Si ça passe ici, on parle d’environ 66 hectares de milieux humides qui vont être complètement détruits. Il y a des endroits où ils vont devoir creuser tout près de 100 pieds sous la nappe phréatique. Ça représente 5000 mètres cubes d’eau par jour qui vont être directement tirés dans la rivière Chaudière », avait récemment expliqué le maire de Frontenac, Gaby Gendron, à La Presse.

Joint au téléphone vendredi, M. Gendron a prévenu que « tant et aussi longtemps qu’on ne sera pas rassuré au niveau environnemental, on ne lâchera pas le dossier ». Le maire de Nantes, Daniel Gendron, a aussi réitéré qu’il est défavorable au projet dans sa forme actuelle.

Consciente de cette opposition, la mairesse Julie Morin a plaidé qu’il faudra « s’assurer collectivement que le projet ait tout de même le moins d’impacts possible sur les humains, sur l’environnement et pour la protection et le développement de notre territoire ».

Son intention demeure de mettre sur pied un « programme de suivi des puits privés » d’eau potable, plus à risque que les puits publics. Mme Morin dit également avoir demandé la création d’un fonds financier, qui serait administré par Transports Canada, pour soutenir les résidants dont le puits devra être reconstruit, « afin que jamais personne ne manque d’eau, ni en quantité ni en qualité ».

Le porte-parole de la Coalition des citoyens et organismes engagés pour la sécurité ferroviaire de Lac-Mégantic, Robert Bellefleur, parle quant à lui d’un « mal nécessaire qui se fait malheureusement dans la discorde ». « Il faut que ça se fasse, mais clairement, ce dossier a été très mal géré et le processus, beaucoup trop long, sans réelle acceptabilité sociale », dénonce-t-il.

Avec La Presse Canadienne