(Ottawa) Le programme d’assurance médicaments du Québec est « mauvais », selon la présidente de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Magali Picard. Le syndicat, qui milite depuis des années pour que soit mis sur pied un programme universel, salue l’intention du gouvernement Trudeau d’aller de l’avant.

« Je n’ai pas envie de me lancer dans une guerre de compétences, lance-t-elle d’emblée en entrevue. Je pense qu’il y ait un programme au niveau fédéral et des ententes entre le fédéral et le provincial, ça appartient à nos gouvernements. »

Reste que le régime hybride d’assurance médicaments au Québec, en partie public et en partie privé, fait des laissés-pour-compte. Selon les plus récentes données de l’Institut canadien d’information sur la santé, 5,4 % des Québécois ont sauté une dose ou n’ont carrément pas fait remplir une ordonnance parce que leurs médicaments coûtaient trop cher. À l’échelle du pays, ce taux grimpe à 8,4 %. Les données ont été recueillies en 2020 dans le cadre de l’enquête annuelle du Fonds du Commonwealth.

« Ça, c’est avant l’inflation, avant ce qu’on connaît depuis tout ce qui s’est passé avec la pandémie », fait-elle remarquer. En s’appuyant sur d’autres sondages, la FTQ estime que ce serait plutôt une personne sur dix au Québec qui ne prendrait pas ses médicaments parce qu’elle ne peut pas se les permettre. « Pas juste des gens qui sont sur des programmes sociaux, des travailleurs qui ne sont pas capables de payer leur médication actuellement, ce qui nous apparaît incroyable », constate-t-elle.

« Ce qui est important pour la FTQ, c’est qu’on reconnaisse que le programme qu’on a au Québec est mauvais, tranche-t-elle. Il y a une grande majorité des Québécois qui ne sont pas dans ce régime-là. Certaines personnes ont des assurances privées, d’autres n’en ont pas. » Le syndicat compte 600 000 membres.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Magali Picard

Ce sont 3,9 millions de personnes qui étaient couvertes par le régime public d’assurance médicaments du Québec au 31 mars sur une population de 8,7 millions. La participation à ce régime est obligatoire lorsque l’on n’a pas accès à un régime privé et la prime déboursée varie en fonction du revenu. À cela s’ajoutent la franchise et le coût à payer en pharmacie. La contribution maximale pour les médicaments couverts atteint 1196 $ par année, selon la Régie de l’assurance maladie.

« Le Québec était en avance sur son temps avec la création de ce programme, mais il apparaît au fil des ans que ce système bouche-trou est l’un des plus dispendieux dans le monde », a affirmé le chef néo-démocrate, Jagmeet Singh, lors de la rentrée parlementaire la semaine dernière.

Le programme en vigueur depuis 1997 a coûté 5,9 milliards à l’État québécois lors de la dernière année financière.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) veut « forcer » le gouvernement fédéral à créer son propre programme d’assurance médicaments. Il s’agit de l’un des points déterminants de l’entente qui lie les néo-démocrates aux libéraux minoritaires. M. Singh a déjà menacé de la déchirer cette entente si le gouvernement n’obtempère pas.

La leader du gouvernement à la Chambre des communes, Karina Gould, a indiqué la semaine dernière que le gouvernement allait déposer un projet de loi pour jeter les bases d’un programme national et universel d’assurance médicaments. « Ce sera une avancée majeure dans l’histoire de ce pays », avait-elle affirmé en appelant tous les partis à collaborer.

Le directeur parlementaire du budget évaluait en 2017 que le coût net d’un tel programme s’élèverait à 19,3 milliards. Or, les économies générées par la négociation des prix atteindraient 5 milliards après cinq ans, selon le rapport du Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance médicaments rendu public en 2019.

« Ce qu’on dit au gouvernement, il n’y a plus de raisons. Les chiffres le démontrent, c’est une économie de dépenses pour les deux gouvernements – québécois et canadien – la population en a besoin et là, bien, il faut se tenir debout devant le lobby pharmaceutique », conclut Magali Picard.

Le Bloc québécois craint un nouvel empiétement dans les compétences du Québec et exige le droit de retrait avec pleine compensation. « Ça veut dire que le gouvernement du Québec pourrait dire, nous, on n’entre pas dans ce jeu-là, a expliqué le leader parlementaire du parti, Alain Therrien. Combien vous auriez donné au Québec ? Nous, on va prendre cette somme-là et on va la gérer comme on veut. On a déjà une assurance médicaments. »

De son côté, le gouvernement du Québec attend de voir le projet de loi avant de réagir.

Sans rejeter cette nouvelle dépense du revers de la main, le chef conservateur Pierre Poilievre dit vouloir connaître les détails avant de trancher. Son parti attaque constamment le gouvernement de Justin Trudeau sur ses budgets déficitaires et préconise une saine gestion des finances publiques.