(Ottawa) Le premier ministre Justin Trudeau a présenté les « excuses les plus sincères » du Parlement à tous ceux qui ont été offensés par l’hommage rendu à un ancien soldat nazi qui a assisté vendredi au discours du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, à la Chambre des communes.

Ce qu’il faut savoir

  • Le premier ministre Justin Trudeau a présenté les excuses du Parlement pour l’hommage qui a été rendu à la Chambre des communes à un ancien soldat nazi lors de la visite du président ukrainien la semaine dernière.
  • Les partis de l’opposition réclamaient un tel geste depuis trois jours.
  • D’autres mesures seront nécessaires pour redorer le blason du Canada à l’étranger, selon le Parti conservateur, le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique.

Cette affaire, qui a terni la réputation du Canada, qui a donné des munitions à la machine propagandiste de la Russie et qui a provoqué la démission du président de la Chambre des communes Anthony Rota, continue de faire des vagues.

Dans une déclaration devant les journalistes avant la période des questions – la première à laquelle il allait participer depuis la bavure diplomatique –, le premier ministre a déclaré que ce qui s'était produit vendredi est « une erreur qui a mis le Parlement et le Canada dans un embarras profond ».

« Le président de la Chambre était l’unique responsable de l’invitation lancée à cet homme et de l’hommage qui lui a été rendu. Il en a accepté la responsabilité et a remis sa démission. C’est une erreur qui a mis le Parlement et le Canada dans un embarras profond et nous regrettons tous profondément de nous être levés dans la Chambre et d’avoir applaudi même si nous l’avons fait sans être conscients du contexte », a affirmé M. Trudeau.

« Cette erreur est une horrible violation de la mémoire des millions de personnes qui ont péri dans l’Holocauste et est profondément blessante pour les Juifs. C’est aussi blessant pour les Polonais, les Roms, les personnes 2eLGBTQI+, les personnes handicapées, les personnes racisées et les millions d’autres personnes persécutées par le régime nazi », a-t-il ajouté.

M. Trudeau a aussi tenu à présenter ses excuses au président de l’Ukraine.

« Je tiens également à souligner à quel point le Canada est désolé de la situation dans laquelle le président Zelensky et la délégation ukrainienne ont été placés. C’est extrêmement troublant de penser que cette flagrante erreur soit politisée par la Russie et ses partisans afin de diffuser une propagande mensongère sur les raisons qui poussent l’Ukraine à combattre. »

Il a par la suite indiqué que la visite du président et son discours devant le Parlement devaient illustrer le soutien inébranlable du Canada envers l’Ukraine « dans sa lutte contre la brutalité, les mensonges et la violence de [Vladimir] Poutine ». « C’est un moment qui nous a permis de célébrer et de souligner les sacrifices des Ukrainiens qui luttent pour leur démocratie, pour leur liberté, pour leur langue et leur culture, et pour la paix. »

Anthony Rota s’est retrouvé au cœur d’un scandale après qu’il a été révélé que Yaroslav Hunka, un ancien combattant de 98 ans de sa circonscription qu’il avait invité au discours du président Volodymyr Zelensky, avait fait partie d’une unité nazie pendant la Seconde Guerre mondiale.

« Il est un héros ukrainien, un héros canadien et nous le remercions pour son service », a-t-il lancé en présentant ce citoyen de sa circonscription du nord de l’Ontario. L’ancien soldat s’est levé et il a été applaudi par la salle, y compris par M. Zelensky, qui a levé le poing dans sa direction.

L’hommage rendu à cet homme au passé trouble était passé inaperçu jusqu’à ce que des organisations juives sonnent l’alarme, dimanche, provoquant une levée de boucliers et des appels à la démission de M. Rota.

Lâché par l’ensemble des partis à Ottawa qui exigeaient son départ, le président de la Chambre des communes s’est résigné mardi à quitter son fauteuil. Mais le Parti conservateur et le Bloc québécois ont par la suite insisté pour que le premier ministre présente des excuses officielles aux communautés juives, au président de l’Ukraine et aux pays alliés du Canada.

Aux Communes, mercredi, le chef conservateur Pierre Poilievre a affirmé que toute cette affaire n’aurait jamais eu lieu si le gouvernement Trudeau avait fait son travail correctement en vérifiant les antécédents des invités qui assistaient au discours du président ukrainien.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Pierre Poilievre

M. Trudeau a répondu que le gouvernement n’avait aucun droit de regard concernant les invités du président de la Chambre des communes ou les invités du chef de l’opposition officielle dans les tribunes de la Chambre. Le Service de protection parlementaire est responsable de faire les vérifications d’usage quand un leader étranger vient prononcer un discours au Parlement.

Pour sa part, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a demandé au premier ministre s’il avait exprimé ses excuses de vive voix à M. Zelensky. M. Trudeau a indiqué qu’il avait eu l’occasion de faire part de ses regrets à maintes reprises à la délégation ukrainienne au cours des derniers jours par les canaux diplomatiques.

« C’est totalement inacceptable », a tonné le chef bloquiste après avoir entendu les propos du premier ministre au sujet des regrets transmis par les canaux diplomatiques. Plus tard durant la période des questions, M. Trudeau a affirmé qu’il comptait s’entretenir avec le président ukrainien.

Pour sa part, le chef du NPD, Jagmeet Singh, a soutenu que le premier ministre devait présenter un train de mesures pour réparer les pots cassés au pays et à l’étranger.

« Finalement, après trois jours, le premier ministre a enfin dit quelque chose, a dit M. Singh. Mais il doit maintenant poser des gestes. »