Venant des quatre coins de la province, des dizaines de milliers de travailleuses et de travailleurs du secteur public québécois se sont rassemblés samedi à Montréal pour dénoncer les offres du gouvernement caquiste dans les négociations syndicales. « Réveillez-vous, nos gens sont en colère », avertit l’alliance syndicale du Front commun à l’intention de Québec.

« C’est rendu qu’on va remplacer les profs, mais à 16 $ de l’heure ! », s’insurge Claudine Girard, une éducatrice en service de garde de Saint-Lazare, au Lac-Saint-Jean.

Une véritable marée de drapeaux vert turquoise – couleur du Front commun – a défilé du mont Royal jusqu’au Quartier des spectacles samedi après-midi. Parmi la foule, des dizaines de milliers de travailleurs de la santé et de l’éducation, des enfants, des poussettes, et des membres de la population venus les appuyer.

Arborant un chandail du Front commun, Mme Girard se dit prête à aller jusqu’à la grève générale illimitée pour faire valoir son point de vue. « On fait un travail spécialisé, mais on est payés comme des moins que rien, déclare-t-elle. On a besoin de bonnes conditions ! »

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Claudine Girard, éducatrice en service de garde

Un total de 11 avions en provenance du Nunavik, de la Gaspésie, du Saguenay–Lac-Saint-Jean, de l’Abitibi-Témiscamingue et de la Côte-Nord, notamment, ont été nolisés samedi pour permettre aux travailleurs de prendre part à la manifestation, a indiqué le Front commun à La Presse. « C’est très rare qu’on fait ça », précise François Énault, premier vice-président de la CSN.

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François Énault, premier vice-président de la CSN

C’est sans compter les dizaines d’autobus scolaires, stationnés sur l’avenue du Parc à Montréal, témoignant de la mobilisation. Le Front commun a estimé la participation à 100 000 membres samedi.

Grève à l’horizon

Un peu plus tôt, en conférence de presse, la présidente de la FTQ, Magali Picard, a souligné qu’elle n’a jamais vu un tel engouement des membres.

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Magali Picard, présidente de la FTQ

Des votes en faveur de grèves qui pourraient mener à la grève générale illimitée se tiennent dans la province depuis lundi et se poursuivront jusqu’au 13 octobre, a expliqué François Énault devant les médias.

On n’a pas eu une telle participation depuis longtemps, et à date, on a 93 % des votes en faveur de la grève. Nos membres sont prêts, même si on n’espère pas se rendre jusque-là.

François Énault, premier vice-président de la CSN

Le Front commun rassemble 420 000 travailleurs en éducation, en santé et dans les services sociaux et en enseignement supérieur, issus des syndicats de la CSN, de la CSQ, de la FTQ et de l’APTS.

« Ça ne passe pas »

Les travailleurs revendiquent des améliorations concrètes de leurs conditions de travail, un rattrapage salarial et une protection contre l’inflation. « Le gouvernement n’offre que 9 % sur cinq ans en augmentations salariales », écrit le Front commun en amont de l’évènement.

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Un total de 11 avions en provenance du Nunavik, de la Gaspésie, du Saguenay–Lac-Saint-Jean, de l’Abitibi-Témiscamingue et de la Côte-Nord, notamment, ont été nolisés samedi pour permettre aux travailleurs de prendre part à la manifestation tenue à Montréal.

L’offre gouvernementale est frustrante par rapport à l’augmentation de 30 % de salaire des députés votée par la Coalition Avenir Québec (CAQ) plus tôt cette année. Ou encore par rapport à l’offre de 21 % d’augmentation sur cinq ans proposée aux employés de la Sûreté du Québec (SQ), qui a été refusée par les policiers.

« Ça ne passe pas ! », tranche M. Énault. Son message au gouvernement du Québec : « Réveillez-vous, parce que nos gens sont en colère. »

Une occasion de discuter avec la population

Les leaders syndicaux estiment que la manifestation de samedi donne le ton à un « automne chaud » pour les négociations dans le secteur public. Ils invitent aussi la population à en profiter pour venir discuter avec les travailleurs pour comprendre les revendications.

« Si on se rend jusqu’à la grève illimitée, je pense que la population va être derrière nous », a aussi assuré Éric Gingras, président de la CSQ. Il a rappelé que pendant la pandémie, les remerciements ont plu sur les travailleurs du secteur public, mais que « quand c’est le temps de passer à la caisse pour avoir de bonnes conditions de travail, on ne nous écoute plus ».

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Éric Gingras, président de la CSQ

Pour ajouter à la frustration, le gouvernement caquiste a aussi annoncé récemment mettre fin à certaines primes qui étaient reconduites depuis le début de la pandémie. « Les travailleurs de l’État québécois sont les moins bien payés à travers le Canada », a déploré Magali Picard, rappelant que 78 % des membres du Front commun sont des femmes.

Maude Berthe-Thérien, Ibtissam Yahiaoui El Mohi et Kériane Malette, trois infirmières de Laval, sont sur place pour se faire entendre. « On est là pour nos conditions de travail, qui continuent d’être médiocres », explique Mme Berthe-Thérien. « Et là, on veut enlever nos primes », renchérit Mme Malette. « Il y en a encore du travail supplémentaire obligatoire, le monde s’en va, on est fatiguées », résume-t-elle.

« On veut aussi être bien payées », ajoute Mme Yahiaoui El Mohi.

Avec La Presse Canadienne

Des négociations qui s’étirent

Les négociations entre le gouvernement du Québec et le Front commun durent depuis des mois déjà. Le Front commun avait déposé ses demandes à l’automne 2022 ; Québec avait déposé ses offres en décembre.

Québec offre des augmentations de 9 % sur cinq ans aux employés de l’État, plus un versement forfaitaire de 1000 $ la première année. À cela, il ajoute une somme équivalant à 2,5 % réservée à des « priorités gouvernementales », ce qui fait qu’il présente son offre comme valant 13 % sur cinq ans.

Le Front commun revendique plutôt un contrat de trois ans, avec 100 $ par semaine pour la première année ou bien l’indice des prix à la consommation plus 2 % – selon la formule qui serait la plus avantageuse pour les travailleurs – puis l’IPC plus 3 % la deuxième année et l’IPC plus 4 % la troisième année.