Des patients souffrant de maladies rares ou de cancer pourraient ne plus avoir accès aussi rapidement aux meilleurs traitements si la nouvelle réforme de Québec va de l’avant, s’inquiètent les médecins spécialistes et le Conseil pour la protection des malades.

Dans une rare sortie commune, ils accusent le ministre de la Santé, Christian Dubé, d’ignorer leurs recommandations dans la construction de sa vaste réforme en santé dont les consultations ont débuté il y a près de six mois.

On s’est aperçu qu’au lieu de rendre le réseau plus efficace, comme le titre même de la loi l’indique, on veut alourdir le réseau.

MPaul G. Brunet, président-directeur général du Conseil pour la protection des malades

Les deux organismes craignent entre autres que des patients perdent leur accès à certains médicaments. Dans l’article 336 du projet de loi, on peut lire que seuls les médicaments reconnus par l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) pourront être prescrits par un professionnel de la santé.

« Pourquoi envoyer ça à l’INESSS ? On ne rendra pas le réseau plus efficace comme ça », dit MBrunet, qui craint une augmentation de la bureaucratie. « Il y a une couche supplémentaire qui vient s’ajouter entre la décision et les soins du patient », ajoute, à ses côtés, le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), le DVincent Oliva.

Actuellement, c’est plutôt le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) de chaque hôpital qui évalue la demande des médecins en ce qui concerne la médication. « Ces comités fonctionnent. Gardons ça comme ça », soutient le DOliva. Il demande au ministre Dubé de retirer du projet de loi le droit de veto de l’INESSS.

Manque d’écoute

Qui plus est, les deux groupes disent être « très insatisfaits » de l’écoute du ministre de la Santé. Dans les derniers mois, la Fédération et le Conseil pour la protection des malades ont proposé au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) de nombreuses bonifications et modifications au projet de loi, en vain.

Quand on parle au ministre Dubé, on a quelqu’un en face de nous qui est à l’écoute, qui se dit en mode collaboration. Mais ce qui est écrit, c’est complètement différent de son discours. Ils nous écoutent de façon très superficielle.

Le DVincent Oliva, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ)

Le projet de loi 15, intitulé Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace, a été déposé au printemps dernier. Cette réforme entraînera la création de Santé Québec, une nouvelle société d’État, dirigée par un PDG qui coordonnera tout le volet opérationnel du réseau de la santé et des services sociaux.

Les deux regroupements déplorent par ailleurs que de nombreux articles du projet de loi écartent davantage le personnel soignant des centres de décision au bénéfice des gestionnaires.

Les parlementaires examinent actuellement le projet de loi, qui comprend 1180 articles. Le ministre Dubé souhaite faire adopter la réforme d’ici décembre, n’excluant pas le recours au bâillon pour y arriver. Cette procédure permet au gouvernement de limiter le temps consacré au débat sur un projet de loi et d’accélérer son adoption.