Des centaines de patients atteints du VIH attendent depuis des années le remboursement de certains traitements coûteux, et ce, même si la Régie de l’assurance maladie du Québec confirme qu’ils devraient être payés par le réseau public. Les discussions à ce sujet s’éternisent au ministère de la Santé et des Services sociaux, selon des intervenants interrogés par La Presse.

« Il faut trouver une solution. Parce que les patients attendent depuis longtemps que ça se règle », dit le DFrançois Laplante, qui suit 150 patients atteints de lipodystrophie à la clinique médicale du Quartier latin à Montréal.

« Ça fait plus de trois ans qu’on discute du dossier […] Ça ne va pas vite, vite », constate le DMichel Desrosiers, directeur des affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ).

La lipodystrophie est l’un des effets secondaires observés chez les patients qui ont reçu les premières générations de trithérapie contre le VIH, à la fin des années 1990. Cette maladie modifie l’apparence de certaines personnes, en provoquant une perte ou une accumulation (ou parfois les deux) de masse graisseuse sur le visage ou sur d’autres parties du corps. Directeur général de la COCQ-SIDA, Ken Monteith explique que la lipodystrophie a des « conséquences psychologiques importantes » pour les personnes qui en sont atteintes.

Après avoir commencé des traitements contre le VIH à la fin des années 1990, Jack* a vu son visage changer de façon draconienne. Il raconte par exemple avoir arrêté de sortir de chez lui pour cacher sa maladie.

Quand je sortais en public, j’étais mal à l’aise parce que je savais que j’étais identifié comme une personne avec le VIH.

Jack, atteint de lipodystrophie

Environ 60 % des patients qui ont été traités avec les premiers antirétroviraux lancés sur le marché dans les années 1990 sont atteints de lipodystrophie. « Les nouveaux traitements n’ont pas cet effet », note M. Monteith.

Obligés d’aller au privé

Pour atténuer les signes de lipodystrophie, deux traitements ont été autorisés au Canada en 2006. Il s’agit d’agents de comblement injectables. Au départ, les produits n’étaient pas couverts par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) qui les considérait comme des soins esthétiques, explique le DLaplante. Rapidement, des patients se sont regroupés pour réclamer une couverture publique pour ces traitements. Mais leur situation n’est toujours pas réglée.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Impliqué dans des démarches judiciaires liées au remboursement de traitements contre la lipodystrophie, le Dr François Laplante a eu la confirmation en 2019 que les traitements étaient couverts par la RAMQ, mais rien n’est encore réglé.

En 2009, Jack a pu bénéficier d’un programme de compassion pour avoir accès à des traitements contre sa lipodystrophie. Il dit s’être senti « moins déprimé ». Il se laissait enfin photographier. À partir de 2012, il a continué de recevoir des traitements chez son médecin du réseau public, qui lui facturait toutefois des coûts. Puis en 2017, les frais accessoires ont été interdits au Québec. Depuis, la seule façon pour Jack d’obtenir ses traitements est d’aller au privé. Un seul traitement coûte environ 1000 $ dans son cas et reste efficace un maximum de deux ans.

Des soins « médicalement requis »

Impliqué dans des démarches judiciaires liées au remboursement de traitements contre la lipodystrophie, le DLaplante a eu la confirmation en 2019 que ceux-ci étaient couverts par la RAMQ. « Comme ça se fait en France, en Allemagne et en Angleterre », dit-il.

La RAMQ confirme en effet à La Presse que « les traitements de la lipodystrophie par agent de comblement chez les patients atteints du VIH sont des services assurés au sens de la Loi sur l’assurance maladie car ce sont des traitements médicalement requis ».

Le DDesrosiers explique que des pourparlers ont été entamés il y a « au moins trois ans » avec le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) pour régler le dossier, sans que le tout ne soit encore réglé. « On se sent impuissants là-dedans », dit le conseiller stratégique et porte-parole de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), Jean-Pierre Dion.

Le principal problème est qu’actuellement, les agents de comblement sont fournis par les compagnies directement aux cliniques et aux médecins du privé qui les administrent. Mais aucun mécanisme n’est en place pour assurer la distribution de ces traitements dans le réseau public. Les médecins du public qui veulent offrir ce traitement n’ont « pas d’issue », explique M. Dion.

Questionné sur le sujet par La Presse, le MSSS a indiqué « ne pas avoir d’indication selon laquelle des discussions ou des travaux sont en cours sur ce sujet ». Le Ministère se dit toutefois « disposé à avoir des échanges à ce sujet avec ses partenaires pour trouver des solutions afin de favoriser l’accès ».

* Prénom fictif. L’homme préfère garder l’anonymat par peur d’être stigmatisé.