(Québec) Le ministre Christian Dubé devra aller plus loin s’il veut offrir dans sa vaste réforme une place de choix aux comités des usagers. C’est le constat de deux regroupements les représentant, qui affirment être restés sur leur faim après le dépôt d’amendements mardi.

« C’est plate parce que je sais que le ministre était bien intentionné », lance le président-directeur général du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet. « Peut-être c’est moi qui suis naïf, mais j’ai l’impression que la machine lui en a passé une bonne au niveau des comités des usagers et de la participation citoyenne », a-t-il ajouté après avoir pris connaissance des amendements proposés par M. Dubé.

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Le ministre québécois de la Santé, Christian Dubé

Christian Dubé a présenté mardi une liasse de 150 amendements, dont plusieurs touchent à la présence des comités des usagers dans le réseau de la santé et des services sociaux après la création de Santé Québec. Au cours des derniers mois, M. Dubé s’est dit plus d’une fois sensible aux demandes des regroupements d’usagers, qui craignent de voir le nombre de comités diminuer avec sa réforme.

« Je vous dirais qu’on n’est pas totalement satisfaits, mais il y a eu des avancées », a nuancé mercredi la directrice générale du Regroupement provincial des comités des usagers (RPCU), Sylvie Tremblay. Selon elle, le ministre ne va pas suffisamment loin. « On est toujours sur une patte dans le contexte où on trouve que sur les missions dans les établissements, on va probablement perdre du monde », déplore-t-elle.

Dans sa mouture initiale, le projet de loi 15 prévoit qu’un seul comité des usagers soit institué pour chaque établissement de Santé Québec. Cela faisait craindre la disparition de dizaines de comités des usagers présents dans les hôpitaux ou les CLSC, par exemple. Or, Québec vient, dans un amendement, préciser que Santé Québec pourra prévoir la composition d’autres comités en installation.

Mais, l’amendement n’est pas accompagné d’une obligation. « Un comité qui est militant, ce n’est pas le meilleur ami d’habitude de l’administration. Et l’administration va avoir le choix d’en former un ou pas », illustre M. Brunet. Au cabinet du ministre, on explique que la façon dont il sera décidé de maintenir ou non un comité des usagers dans une installation viendra dans les règlements de Santé Québec.

Selon Mme Tremblay, l’interprétation de ce dernier amendement sera « la pierre angulaire » des demandes des usagers.

Un accueil en demi-teinte

Tant le Conseil pour la protection des malades que le RPCU ont salué la décision du ministre d’accepter que trois membres du nouveau comité national des usagers (une entité qui sera créée dans la réforme) soient désignés non pas par le conseil d’administration de Santé Québec, mais par et parmi les comités des usagers.

« On a gagné sur le comité national, mais on n’a rien gagné en ce qui a trait à la participation citoyenne sur aucun autre comité ou conseil d’administration », constate M. Brunet, qui demande que des membres issus des comités des usagers soient aussi présents dans les autres instances de Santé Québec.

Un autre élément qui fait tiquer M. Brunet est l’ajout d’un amendement venant permettre à un proche aidant de siéger au sein du comité des usagers d’un établissement. Le hic, selon lui c’est que le texte indique que ce proche aidant peut être élu même si la personne travaille au sein de Santé Québec, par exemple une infirmière. Cela risque de provoquer un malaise si un comité veut aborder des questions touchant les soins, explique-t-il. « C’est le loup dans la bergerie », lance M. Brunet.

Pour sa part, Mme Tremblay se réjouit de la place faite aux proches aidants et n’est pas inquiète puisque la majorité des membres demeure des usagers. Au cabinet, on explique, encore à ce niveau, que des balises pourraient effectivement être ajoutées dans les règlements de Santé Québec. Les amendements du ministre doivent d’ailleurs être étudiés, puis adoptés par la commission parlementaire où la CAQ est majoritaire.

Loin d’un consensus, dit l’opposition

Au premier jour de la reprise de l’étude détaillée de l’imposant projet de loi, le ministre de la Santé a admis qu’il pourrait avoir recours au bâillon pour faire adopter sa réforme d’ici la fin de la session, en décembre. Il a affirmé en revanche qu’il pense « trouver un consensus » avec l’opposition grâce aux amendements qu’il s’apprêtait à déposer. M. Dubé doit en présenter un deuxième lot à la mi-septembre.

Le ministre et ses équipes ont d’ailleurs tenu mercredi une séance de breffage en marge de la commission parlementaire pour expliquer aux députés de l’opposition le détail de ses amendements. Pour l’heure, ce qui a été présenté par M. Dubé ne les rallie pas à sa réforme.

« On avait élaboré quatre priorités : les [conseil des médecins, dentistes et pharmaciens], c’est insuffisant, les usagers, on pourrait en faire beaucoup plus et sur les fondations et les milieux universitaires, on n’a toujours pas de précision […] Est-ce qu’on est plus proche d’un consensus ? Pas vraiment, on a juste plus d’amendements à étudier », a déploré le député libéral, André Fortin.

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Le député libéral André Fortin

Les médecins spécialistes - à qui le ministre vient serrer la vis dans sa réforme - ont dénoncé mardi des modifications qui demeurent « superficielles ».

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Le député de Québec solidaire Vincent Marissal

« Je suis à moitié satisfait », a exprimé pour sa part le député Vincent Marissal. « Si on est capable d’en faire plus pour les comités des usagers, de donner un peu plus de pouvoirs à la [Vérificatrice générale du Québec pour l’accès aux organismes privés en santé] et s’éviter une crise avec les médecins spécialistes… j’en suis à une opération de sauver les meubles », a-t-il ajouté.

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Le député du Parti québécois, Joël Arseneau

« Le ministre, dans bien des cas, a saisi une partie de la demande d’un groupe et y répond partiellement », remarque de son côté le député péquiste, Joël Arseneau. « Ce qu’il faut surtout retenir, c’est que le ministre a dit que [ses amendements] ne changent pas fondamentalement son projet et c’est ce qu’on constate », dit-il.

Les travaux de l’étude détaillée du projet de loi 15, qui vise à rendre plus efficace le réseau de la santé et des services sociaux, reprennent jeudi.

Connaître l'état des listes d'attente

Au lendemain du dépôt de 150 amendements, le ministre Christian Dubé a choisi d’en ajouter un nouveau mercredi : il souhaite que Santé Québec offre aux Québécois un accès à l’état des listes d’attente. C’est-à-dire qu’un usager pourrait savoir où il se trouve dans une liste-que ce soit pour une chirurgie ou un service en santé mentale-et connaître le délai moyen d’attente. Cet aménagement vise à prévoir « une reddition de compte aux personnes en attente d’un service », peut-on lire dans le document expliquant l’amendement. Le mécanisme d’accès sera défini dans les règlements de Santé Québec.