(Québec) Deux groupes représentant des usagers du réseau de la santé craignent que la création de Santé Québec « diminue la présence citoyenne » au sein des établissements. Ils remettent aussi en question la mise sur pied d’un comité national des usagers.

Le Conseil pour la protection des malades et le Regroupement provincial des comités des usagers (RPCU) s’inquiètent que la réforme du ministre Christian Dubé se traduise par une diminution importante du nombre de comités d’usagers à travers le réseau. Les deux organisations réclament le maintien de comités des usagers et de résidants dans toutes les installations du réseau où l’on prodigue des soins.

« Les usagers ont besoin de nous pour défendre leurs droits, les accompagner et les suivre. On veut des comités d’usagers et de résidants dans toutes les installations pour toutes les missions », a fait valoir la directrice générale du RPCU, Sylvie Tremblay. Le RPCU et le Conseil pour la protection des malades seront entendus lors des consultations parlementaires du projet de loi du ministre Dubé, qui débutent mercredi.

La commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay, la vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, et l’ex-président de la Commission d’étude sur les services de santé et les services sociaux, Michel Clair, ouvrent le bal mercredi. Les consultations sur le projet de loi 15 – une brique de quelque 300 pages – s’échelonnent jusqu’au 19 mai avec une pause de deux semaines pour l’étude des crédits.

Dans sa réforme, le gouvernement Legault prévoit de créer une toute nouvelle société d’État, Santé Québec, qui viendra centraliser tout le volet opérationnel du ministère de la Santé et des Services sociaux qui, lui, se concentrera sur les orientations et la planification stratégique.

Diminution de la « démocratie »

Il est prévu dans le texte législatif qu’un comité des usagers soit institué pour chaque établissement de Santé Québec. Les établissements sont les CISSS et CIUSSS qui s’appelleront désormais Santé Québec en incluant la désignation territoriale, par exemple Santé Québec-Estrie. « C’est là où on pense qu’on perd », illustre le président-directeur général du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le président-directeur général du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet

M. Brunet souligne que plusieurs hôpitaux et CLSC disposent actuellement de leur propre comité des usagers. Selon lui, il n’y a « aucune garantie » dans le projet de loi que ces comités seront maintenus, ce qui se traduirait par l’abolition de « plusieurs dizaines, voire une centaine » de comités. « On [vient] diminuer la présence des citoyens, et donc de la démocratie », déplore-t-il.

Ce [que le gouvernement a] fait pour les missions transversales, qui sont beaucoup des services sociaux, il n’y aura plus de comités d’usagers. Donc, plus de comités d’usagers en dépendance, en santé mentale…

Sylvie Tremblay, directrice générale du Regroupement provincial des comités des usagers

Mme Tremblay craint notamment que les personnes les plus vulnérables de la société en subissent les effets.

Selon le texte législatif, un comité de résidants reste néanmoins dans chaque installation d’hébergement.

À la veille du début des consultations, le ministre Christian Dubé a rappelé mardi que son projet de loi est « perfectible » et qu’il est ouvert aux propositions des groupes qui défileront devant lui.

« C’est pour ça qu’on a une quarantaine de groupes qui vont venir pendant les prochaines semaines nous présenter leurs mémoires et leurs suggestions, et ça fera un grand plaisir s’ajuster aux besoins pour bien servir les patients du Québec », a-t-il affirmé au Salon bleu, en réponse au député de Rosemont, Vincent Marissal.

En mêlée de presse, le ministre a dit que ce qu’il avait « entendu jusqu’à maintenant, ce sont des gens qui veulent qu’on réussisse » cette refondation du réseau de la santé qui vise à le rendre plus efficace.

Comité national des usagers

Le Conseil pour la protection des malades et le RPCU s’interrogent sur la pertinence de créer un comité national des usagers comme le prévoit le projet de loi 15. Selon le gouvernement, ce comité verra le jour à Santé Québec. Il doit « veiller à la surveillance » des comités des usagers à travers le réseau et ses membres seront nommés par le conseil d’administration de Santé Québec, ce qui fait tiquer M. Brunet.

Selon lui, les membres pourraient alors être tentés de se faire dire ce que Santé Québec souhaite entendre plutôt que de donner un portrait juste de la situation. Il recommande plutôt que le gouvernement nomme le Conseil de protection des malades comme organisme indépendant et conseiller. « Si vous voulez l’heure juste, on va vous la donner », soumet M. Brunet.

Avec la collaboration de Tommy Chouinard, La Presse

Le projet de loi sur les agences adopté

Le ministre Christian Dubé avait par ailleurs de quoi se réjouir mardi. Son projet de loi visant à limiter le recours aux agences privées de placement en santé a été adopté par l’Assemblée nationale. Le texte législatif prévoit d’affranchir le réseau de la main-d’œuvre indépendante d’ici 2026 en imposant notamment des prix plafonds et des pénalités financières aux établissements qui ne respectaient pas les cibles. Pour les grands centres comme Montréal et Québec, les établissements devront se priver des agences dès 2024. « Ça nous donne le temps de faire le lien entre la négociation des conventions collectives qui se fait en parallèle. Ce qu’on veut, c’est de ramener des gens le plus rapidement possible […] dans le réseau public », a expliqué mardi M. Dubé. Le ministre de la Santé et des Services sociaux estime par ailleurs que l’adoption rapide du projet de loi sur les agences, tout comme celui sur les données en santé un peu plus tôt, est de « bon augure » pour le projet de loi 15.