À une semaine de Noël, des résidants de Sutton, en Estrie, se demandent s’ils célébreront dans le noir : depuis le 3 décembre, plusieurs secteurs de la municipalité sont touchés par des pannes électriques une journée sur deux.

Ce qu’il faut savoir

Des résidants de Sutton subissent de nombreuses pannes électriques depuis un mois.

Un peu plus de 1700 clients étaient sans électricité lundi pour la septième fois en 15 jours.

Une rencontre a eu lieu entre Hydro-Québec, le maire de Sutton et la députée provinciale de la région pour trouver des solutions.

Hydro-Québec juge la situation « inacceptable » et promet des correctifs rapides.

« Avoir des pannes aussi souvent, même quand la météo est bonne : il y a quelque chose qui ne fonctionne pas », dénonce Catherine Foisy, qui habite dans le secteur de la montagne.

Devant la récurrence du problème, une rencontre s’est tenue, lundi, entre le maire de Sutton, Robert Benoît, la ministre Isabelle Charest, le Mont Sutton et Hydro-Québec afin de trouver « des solutions palliatives, si elles existent, pour ne pas attendre les travaux de maîtrise de la végétation qui sont effectués généralement durant la belle saison », a indiqué le cabinet du maire. Au même moment, 1761 clients de Sutton étaient touchés par une panne électrique majeure. La septième en 15 jours.

Charles Constantin habite à Sutton depuis 10 ans. Selon lui, la situation des pannes d’électricité est en « lente dégradation » depuis deux ans. Mais depuis le début du mois de décembre, le problème atteint un rythme « inexpliqué ».

On comprend qu’il y a parfois des tempêtes ou du vent. Mais dernièrement, on manque d’électricité même des journées où il fait très beau.

Charles Constantin, résidant de Sutton

Lundi, les clients de Sutton privés d’électricité étaient les seuls de toute la région de Brome-Missisquoi à vivre une panne majeure. « Pourtant, il y en a d’autres, des secteurs boisés dans la région. Mais on est les seuls à vivre ça. Pourquoi ? », demande M. Constantin.

Ce dernier documente chacune des pannes subies à Sutton depuis le 3 décembre.

Les pannes électriques à Sutton

3 au 4 décembre : de 21 h 30 (le 3) à 20 h (le 4)

9 décembre : de 15 h 30 à 3 h 30 le lendemain

11 décembre : de 8 h 13 à 15 h 30

11 décembre : de 19 h à 23 h 25

12 décembre : de 21 h 30 à 23 h 30

17 décembre : une vingtaine d’interruptions successives

18 décembre : de 11 h 30 à 14 h 30

Par manque d’électricité, la station de ski Mont Sutton a dû fermer deux jours et demi depuis le début de la saison, explique son président-directeur général, Jean-Michel Ryan. La montagne a également été privée de deux journées d’enneigement par manque de courant.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Jean-Michel Ryan, PDG de la station de ski Mont Sutton

« La situation est particulièrement difficile cette année », reconnaît M. Ryan, qui a profité de la rencontre de lundi pour faire valoir ses préoccupations « pour la clientèle, les employés, mais aussi pour la communauté ».

Mario Vaillancourt, qui travaille au Mont Sutton, est aussi touché par les pannes à son domicile. Ce dernier dispose d’un foyer et il n’a donc pas froid quand l’électricité manque.

C’est dérangeant. On doit recevoir de la visite dans le temps des Fêtes. On se demande si ça arrivera… On reste dépendants de l’électricité.

Mario Vaillancourt

Mme Foisy souligne que dans certains secteurs qui ne sont pas reliés au réseau de distribution d’eau, une panne d’électricité signifie aussi que les citoyens n’ont pas accès à l’eau. « Les pannes sont tellement fréquentes ces temps-ci qu’on n’ose rien commencer parce qu’on pense ne pas pouvoir finir », dit Mme Foisy. Celle-ci redoute aussi les effets des pannes intermittentes sur ses appareils électriques. « On a eu environ 20 micro-interruptions, hier [dimanche]. C’est embêtant », confirme M. Constantin.

Un sérieux problème

Lors de la dernière séance du conseil municipal de Sutton, le 13 décembre, le maire Robert Benoît a reconnu le « sérieux problème » de sa ville avec l’approvisionnement électrique. « Ça fait un an, un an et demi qu’on discute avec Hydro-Québec pour résoudre ensemble le problème », a dit le maire. Ce dernier a expliqué que le poste électrique du village est désuet. Hydro-Québec prévoit remplacer l’installation, mais en 2032 seulement. Le maire a dit vouloir devancer cet échéancier.

M. Benoît a aussi expliqué qu’avec les changements climatiques, les pannes sont plus fréquentes notamment dans les secteurs boisés et isolés de Sutton. Le maire a souligné qu’Hydro-Québec avait aussi reconnu un déficit d’émondage dans la dernière année « parce qu’ils n’avaient pas les budgets nécessaires ».

Dans un communiqué diffusé lundi, le cabinet du maire ajoute que Sutton « expérimente des arrêts momentanés de l’électricité distribuée dans nos maisons ». « Cela s’appelle papillotement ou scintillement » et « est causé par des variations de tension sur le réseau d’Hydro-Québec ». « Nous sommes desservis par un réseau électrique vieillissant qui est à sa fin de vie utile et doit être remplacé », écrit le cabinet.

Porte-parole d’Hydro-Québec, Maxence Huard-Lefebvre reconnaît que la situation vécue à Sutton est « inacceptable » et « pas à la hauteur du service que l’on souhaite offrir ». Ce dernier souligne que plusieurs évènements climatiques ont touché l’Estrie depuis quatre semaines, dont une neige mouillée et lourde. La panne de lundi a quant à elle été causée par une bourrasque de vent qui a entraîné un bris d’équipement.

M. Huard-Lefebvre affirme que « beaucoup a été fait » dans la dernière année dans la région de Sutton pour améliorer le service, notamment sur le plan de l’émondage.

Nous n’avons toutefois pas pu intervenir partout en raison du refus de certains résidants.

Maxence Huard-Lefebvre, porte-parole d’Hydro-Québec

Une cinquantaine d’interventions en maintenance, soit du remplacement ou de l’entretien d’équipement, sont prévues prochainement dans la région. « On va aussi patrouiller la ligne problématique, qui fait 94 km, pour voir si des travaux sont nécessaires et si oui, on va les faire », dit M. Huard-Lefebvre.

Un enregistreur de données sera également installé au Mont Sutton pour mieux documenter la situation et une façon alternative d’alimenter la montagne en cas de panne sera analysée.

L’année 2023, l’une des pires

L’an dernier, la vérificatrice générale du Québec notait la « baisse marquée » de la fiabilité du service de distribution d’Hydro-Québec.

Lisez l’article « Rapport de la vérificatrice générale : Hydro-Québec est de moins en moins fiable »

Dans son plan d’action présenté le mois dernier, Hydro-Québec a reconnu que « la qualité [de son] service s’est dégradée » et que « l’année 2023 a été parmi les pires des 15 dernières années en ce qui concerne les pannes d’électricité ».

Hydro-Québec ciblait cinq priorités, dont celle d’« investir davantage dans le réseau électrique afin d’offrir à [sa] clientèle un service fiable ». L’organisme vise à « réduire le nombre de pannes de 35 % d’ici 7 à 10 ans » et compte investir entre 45 et 50 milliards en maintenance d’ici 2035.

Géographe spécialiste en aménagement du territoire et environnement et résidant de Sutton, Anthoni Barbe souligne que l’augmentation des températures liée aux changements climatiques favorise la pluie, la présence d’eau dans la neige ainsi que les vents forts. Des conditions propices aux pannes.

« Sutton, étant tout au sud de la province, est particulièrement touché par des conditions météo qui deviendront de plus en plus la norme dans tout le sud du Québec au fil des ans, dit M. Barbe. C’est donc un avant-goût de ce qui attend bien d’autres municipalités au Québec, particulièrement celles où le couvert forestier est important. »