L’organisation perd une partie de son financement.

Un groupe de jeunes inuits qui organisent depuis maintenant trois ans le seul défilé de la Fierté du Nunavik à Kuujjuaq déplore avoir perdu une partie de son financement cette année et devoir lancer une collecte de fonds pour maintenir toutes ses activités. Les autorités de santé qui financent le projet disent avoir plutôt voulu répartir le budget dans les 14 communautés du territoire.

La tenue d’un défilé de la Fierté à Kuujjuaq est toute récente. Le premier évènement du genre s’est tenu en 2021. L’an dernier, 80 personnes avaient marché dans les rues de cette petite communauté inuite de la baie d’Ungava ou avaient pris part aux activités qui se tenaient en marge. Le groupe Pride Kuujjuaq, qui organise le défilé, s’attriste de perdre cette année une partie du financement qui aurait permis de faire venir des jeunes d’autres communautés ainsi que des artistes ou intervenants de l’extérieur du Nunavik.

« Ces personnes peuvent venir donner des conférences sur l’acceptation. Pour motiver les jeunes. Dire qu’ils ne sont pas seuls », explique un organisateur qui préfère garder l’anonymat pour ne pas subir de représailles.

Pour récolter des fonds, les organisateurs ont lancé une campagne via le site GoFundMe. Sur le site, ils mentionnent que les frais de transport sont « leur principale préoccupation, considérant que l’avion est le seul moyen possible » pour gagner Kuujjuaq.

Un seul billet d’avion peut coûter facilement plus de 2000 $ par personne.

Pride Kuujjuaq déplore que « le financement des aspects essentiels de la fierté ait été révoqué » cette année par la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik (RRSSSN), principal bailleur de fonds de l’évènement.

Ils laissent aussi entendre que c’est « l’homophobie » de certains membres de la RRSSSN qui est derrière cette décision. L’organisateur joint par La Presse confirme qu’il semble y avoir de l’homophobie chez certains membres de la Régie, mais aussi chez d’autres membres de la communauté. « Mais c’est correct. Nous voulons passer par-dessus ça. Nous sommes très heureux que la Régie nous finance encore cette année », dit-il.

Argent réparti

À la RRSSSN, on rejette ces accusations. Dans un mémo obtenu par La Presse, la directrice générale, Jennifer Munick-Watkins, assure que son organisme « soutient la communauté LGBTQ+ du Nunavik depuis plusieurs années et veut continuer de le faire ».

Par courriel, la Régie mentionne ne pas avoir réduit son soutien financier à la Semaine de la Fierté, qui se tiendra du 2 au 7 juin. « Le financement a plutôt été redirigé vers les 14 communautés du Nunavik, au lieu d’être dirigé uniquement vers Kuujjuaq. » La Régie affirme que les sommes qui étaient réservées à payer le déplacement des jeunes d’autres communautés vers Kuujjuaq dans les dernières années « ont plutôt été redirigées vers l’organisation d’activités au sein de leur communauté d’origine ».

De cette façon, et compte tenu du mandat régional de la RRSSSN, nous nous assurons que toutes les communautés du Nunavik reçoivent des fonds de façon égale et qu’elles ont donc toutes la possibilité d’organiser leurs propres évènements de fierté locale.

Extrait d’un mémo de la RRSSSN

Combien d’autres communautés ont manifesté leur intention de tenir un défilé cette année ? Aucune, reconnaît la Régie. « Mais il reste encore plusieurs semaines d’ici la Semaine de la Fierté », dit-on.

La Régie explique que la Semaine de la Fierté « s’inscrit dans le cadre du programme de santé sexuelle de la Direction de la santé publique qui vise à promouvoir la santé sexuelle chez les jeunes ». La Régie compte couvrir « les frais de déplacement d’experts qui tiendront certaines activités éducationnelles à l’intention des jeunes, ainsi que le coût de matériel de promotion de l’activité ».

La Régie prévoit « une grande variété d’activités de sensibilisation et d’éducation sur des sujets liés à la santé sexuelle, à la prévention et au dépistage des ITSS, ainsi que des ateliers sur les relations interpersonnelles saines et sécuritaires ». Le sujet de l’orientation sexuelle y sera abordé.

Les montants impliqués pour les activités de la Semaine de la Fierté ne sont pas encore déterminés, mais seront globalement plus élevés que l’an dernier, selon la Régie. Les demandes d’entrevue de La Presse avec la direction sont restées lettre morte.

Un sujet tabou

En entrevue au média Nunatsiaq News l’an dernier, une sexologue de la RRSSSN notait qu’il « est encore un peu tabou de parler de tout ce qui touche à la sexualité au Nunavik, surtout les sujets LGBTQ ».

L’organisateur joint par La Presse confirme que c’est le cas. « Cette réalité n’est pas vraiment acceptée. La religion catholique est encore très forte dans plusieurs familles. C’est correct. Nous voulons juste avec notre évènement briser la solitude et amener toutes les communautés du Nunavik à en apprendre plus sur le sujet. On veut juste être accepté et amener notre évènement à grossir », dit-il.