Des commissaires à l'immigration montréalais chargés de juger les dossiers de réfugiés sont furieux d'avoir eu à passer un examen pour conserver leur emploi et demandent que leurs résultats ne soient pas pris en compte, parce que leur taux d'échec de près de 50% mine la crédibilité de leur tribunal.

C'est ce que révèle une lettre envoyée par plusieurs commissaires au président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR). La Presse a obtenu une version partiellement censurée du document.

Le gouvernement Harper a décrété une réforme de la CISR et de sa Section de la protection des réfugiés. À Montréal, une quarantaine de commissaires nommés par le gouvernement travaillent dans cette section. Ce sont eux qui sont juges de première instance dans les dossiers de demandeurs d'asile au Canada.

La réforme, qui sera appliquée à partir du 29 juin prochain, change le titre d'emploi de cette quarantaine de commissaires, mais leur laisse à peu près les mêmes fonctions.

Ceux-ci ont toutefois été obligés de postuler de nouveau à l'emploi qu'ils occupent actuellement et de passer des examens de qualification.

Un premier examen était composé de questions à choix multiples. Les résultats ont été désastreux.

«Il s'avère que les questions de l'examen à choix multiples étaient complexes et ambiguës. Plusieurs questions n'avaient aucune pertinence», écrivent les commissaires dans leur lettre.

«Le taux d'échec de cet examen à choix multiples pour les commissaires de Montréal qui ont choisi d'y participer est de près de 50%», ajoutent-ils.

«En éliminant les commissaires qui ont posé leur candidature dans le but d'être confirmés dans leur propre emploi, et dont la formation aux frais des contribuables a coûté très cher, la CISR envoie le message [...] que ces commissaires sont incompétents et inaptes à siéger», déplorent les signataires, qui continuent de trancher des questions de vie et de mort pour le moment.

Leur lettre laisse entendre qu'on leur avait promis qu'ils conserveraient leur poste. «Vous nous avez assuré qu'il y aurait des postes pour tout le monde. Plusieurs parmi nous avons quitté nos emplois et nos carrières pour venir travailler à la CISR», y lit-on.

Les mécontents exigent donc de pouvoir participer aux étapes subséquentes du concours sans qu'on tienne compte de leur échec au premier examen.

Le Toronto Star a récemment révélé que ceux qui ont échoué bénéficieront d'une deuxième chance, ce que la CISR confirme.

«Ce n'est pas quelque chose d'anormal», assure Robert Gervais, porte-parole du tribunal. La Commission craignait de se retrouver avec des postes non pourvus car trop de candidats avaient été éliminés, explique-t-il.

La situation inquiète les avocats qui représentent des demandeurs d'asile.

«Imaginez si vous craignez la persécution dans votre pays et que le juge qui prend la décision sur votre avenir a échoué au test pour occuper sa fonction. Moi, je ne me gêne même plus, j'ai demandé à plusieurs commissaires de se récuser», affirme Dan Bohbot, président de l'Association québécoise des avocats en droit de l'immigration.

«Soit l'examen était bien fait, et alors on a la confirmation que les commissaires nommés par le gouvernement au cours des dernières années étaient incompétents. Soit l'examen n'était pas bon, et alors on utilise un processus d'examen afin de se débarrasser d'indésirables», explique de son côté Me Stéphane Handfield, ancien commissaire qui représente maintenant plusieurs demandeurs d'asile.