Antoine Dionne Charest ne craint pas le débat, même si confortablement assis sur son fauteuil en cuir, entouré des livres éparpillés aux quatre coins de son appartement, il projette l’image de celui qui préfère réfléchir plutôt que palabrer.

Chez les Charest, la joute oratoire est une caractéristique familiale. Il y a plusieurs années, Jean Charest et sa conjointe, Michèle Dionne, arbitraient les débats orchestrés par leurs trois enfants, soit l’aînée Amélie, Antoine, le cadet, et finalement Alexandra, la benjamine.

Ça nous a appris quelque chose qui est tout simple, mais qui devrait aller de soi : le respect. Ça compte véritablement à l’endroit des gens avec lesquels tu n’es pas d’accord.

Antoine Dionne Charest

Malgré tout, ces derniers mois, il n’a pas hésité à donner la réplique au sociologue indépendantiste Mathieu Bock-Côté. Sur le réseau social X, concluant son échange avec le mot « amitiés », Antoine Dionne Charest lui a conseillé d’éviter de se prendre trop au sérieux, « cela vous donne un air ridicule ». Il a aussi écrit que le chroniqueur vedette du Journal de Montréal tenait des propos « nauséabonds » au sujet du déclin démographique des Québécois francophones face au Canada et à ses seuils d’immigration.

À la recherche du compromis

Pour M. Dionne Charest, respecter ses adversaires, c’est répondre avec autant de passion face à leurs critiques. Il veut aussi les comprendre, ce qui explique pourquoi ses bibliothèques regorgent d’une diversité de points de vue, des classiques de la philosophie au plus récent essai de l’humoriste Guy Nantel, qui voulait devenir chef du Parti québécois (PQ).

« Antoine, c’est quelqu’un qui essaie de trouver le compromis, mais en même temps, ça ne veut pas dire de piler sur ses convictions », analyse Salim Idrissi, stratège en affaires publiques et ancien conseiller politique des gouvernements Charest et Couillard.

Ami proche d’Antoine Dionne Charest, qui était son garçon d’honneur lors de son mariage, il voit en lui une personne « parlable » dans les débats. Un ancien militant qui l’a côtoyé dans la commission jeunesse du Parti libéral du Québec, qui préfère ne pas s’afficher dans les débats actuels du parti, le décrit aussi comme une personne sincère, jamais calculateur, mais qui se retrouve parfois coincé entre l’arbre et l’écorce quand le sujet devient clivant.

« On est souverain au Québec »

Plongé dans l’actualité brûlante, Antoine Dionne Charest affirme n’appartenir à aucune chapelle idéologique. « Je suis un libéral », déclare-t-il, dans le sens où il croit à la primauté des droits et libertés de la personne et qu’il est convaincu que sa posture est compatible avec la défense de la nation québécoise.

Il y a des tendances autoritaires à la [Coalition avenir Québec], ou bien clairement paternalistes. Au fond, on nous dit quoi faire, quoi penser, comment se comporter en matière de langue, en matière de mœurs.

Antoine Dionne Charest

Selon lui, le projet d’indépendance du Parti québécois et de Québec solidaire n’est pas nécessaire puisque le Québec est « déjà souverain » dans des domaines « fondamentaux de l’existence du peuple québécois », comme l’éducation et la santé.

Pour reconnecter avec l’électorat, alors que l’humeur populaire apparaît ces jours-ci moins favorable aux idéaux des libéraux, le jeune philosophe rêve que son parti porte le projet d’un « chantier national » pour améliorer la qualité de la langue française enseignée, parlée et écrite au Québec.

Le passé est-il garant de l’avenir ?

Avec l’arrivée au pouvoir de la Coalition avenir Québec en 2018 et de sa posture autonomiste à l’intérieur du Canada, les libéraux ont perdu le sujet clivant qui les démarquait sur l’échiquier politique : la défense du fédéralisme. Cette première victoire de la « troisième voie » n’est pas une fatalité, croit dur comme fer M. Dionne Charest.

Quand il était chef de l’opposition officielle à Québec, en 2002, Jean Charest avait annulé ses vacances estivales, alors que trois élections partielles sur quatre, dans des circonscriptions en temps normal acquises aux libéraux, avaient été remportées par l’Action démocratique du Québec de Mario Dumont. Michèle Dionne, la conjointe de M. Charest, avait alors dit à son mari qu’il n’avait pas fait « tous ces sacrifices pour rester dans l’opposition », se remémorait le printemps dernier Antoine Dionne Charest à La Presse.

En 2003, Jean Charest remportait son pari et devenait premier ministre. Vingt ans plus tard, son fils veut croire qu’en politique, il n’existe aucune fatalité.

« Si on a des ambitions, si on a des convictions et des idées qu’on veut faire valoir, le travail, la discipline, on n’y échappe pas. Quiconque veut faire de la politique doit être animé de ces choses-là », conclut Antoine Dionne Charest.