(Ottawa) Sans surprise, les troupes libérales de Justin Trudeau étaient toujours aussi divisées mercredi à propos de la décision du Canada d’appuyer la veille une résolution des Nations unies qui appelle à « un cessez-le-feu humanitaire immédiat » entre Israël et le Hamas.
« C’est un cadeau de Dieu » qui contribuera à « arrêter la tuerie », a résumé le député lavallois d’origine libanaise Fayçal El-Khoury, à son arrivée à la réunion hebdomadaire du caucus libéral.
La députée torontoise et présidente du Groupe d’amitié parlementaire Canada-Palestine, Salma Zahid, a salué « une première étape » face à une crise humanitaire qui s’aggrave à Gaza. « Près de deux millions de personnes sont déplacées, a-t-elle dit. Nous avons vu plus de 18 000 civils innocents être tués, dont 70 % sont des enfants et des femmes. »
Mais c’était loin d’être l’harmonie entre les élus. Le député montréalais Anthony Housefather, qui est de confession juive, s’est dit « très déçu » du vote, au point où il a refusé de dire s’il envisage de démissionner du caucus libéral. « Je suis député et je vais continuer d’être député de Mont-Royal », a-t-il déclaré, ajoutant plus tard qu’il continuera de se battre pour « les valeurs libérales ».
La leader du gouvernement à la Chambre, Karina Gould, également juive, a affirmé que le vote du Canada à l’ONU est cohérent avec l’idée qu’« un cessez-le-feu ne pourrait être [que] d’un côté » et que cela implique qu’il soit respecté par le Hamas.
Quant à l’ambiance au caucus, elle est « très forte », malgré qu’il y ait « des conversations difficiles », a-t-elle assuré. « Écoutez, nous sommes un caucus diversifié, nous représentons la diversité au Canada, nous sommes le seul caucus qui représente véritablement tous les aspects de la société canadienne. »
À son arrivée à la période des questions, le premier ministre Justin Trudeau a réitéré vouloir un « cessez-le-feu durable », non sans préciser lui aussi qu’il « ne peut pas être juste d’un bord » et que le « Hamas doit déposer ses armes ».
M. Trudeau a aussi indiqué croire « profondément différemment de M. [Benyamin] Netanyahou », le premier ministre israélien, qu’une solution à deux États, c’est la seule façon de garantir la sécurité et la paix dans la région.
Le vote du Canada sur la résolution représente un changement important par rapport à sa position de longue date consistant à voter avec Israël sur des résolutions majeures au sein de l’organisation internationale.
Questionné à savoir si le Canada court des risques en ayant voté différemment des États-Unis à l’ONU, le lieutenant politique de Justin Trudeau pour le Québec, Pablo Rodriguez, a répondu du tac au tac : « Le Canada est un pays souverain. Il peut prendre sa propre décision ».
Et au chapitre des affaires, le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a dit qu’il « ne pense pas que les gens mélangent les positions qui peuvent être prises diplomatiques par rapport aux investissements ».
Poilievre évite les questions
La quasi-totalité des conservateurs a évité les journalistes en arrivant à la réunion de leur caucus. Seul le sénateur québécois Pierre-Hugues Boisvenu s’est arrêté pour véritablement répondre à quelques questions.
« Moi, j’aurais voté contre, a-t-il affirmé. Tant et aussi longtemps qu’ils [le Hamas] vont avoir dans leur programme l’élimination d’Israël, un cessez-le-feu, pour moi, c’est un permis de recommencer. »
Selon lui, le Canada fait erreur en ne s’alignant pas avec les États-Unis. « Mettons que ça “chire” un peu, a-t-il lancé. Je ne pense pas que c’est une bonne carte qu’on a jouée. »
En après-midi, le député de la région de Québec, Joël Godin, s’est borné à répéter trois fois plutôt qu’une qu’« il faut protéger les êtres humains », alors que les journalistes lui demandaient s’il était favorable au cessez-le-feu.
Le chef conservateur Pierre Poilievre évite le sujet comme la peste aux Communes depuis la fin octobre et n’a pas participé à une activité de presse en près de trois semaines. Il concentre ses commentaires sur le coût de la vie. Son équipe a indiqué à La Presse Canadienne qu’aucun point de presse n’est prévu d’ici la fin de la session parlementaire.
Dans une déclaration transmise par courriel, un porte-parole anonyme de son parti ne s’avance pas sur le cessez-le-feu. « Nous appelons à une fin immédiate du conflit en demandant au Hamas de rendre les otages et toutes les armes et de se rendre sans condition », est-il écrit.
Le chef bloquiste Yves-François Blanchet a salué quant à lui le changement de position du gouvernement de Justin Trudeau qui se « rapproche beaucoup » de celle de son parti, « mais beaucoup plus tard, peut-être trop ».
« Il y a des divisions à l’intérieur des autres caucus, peut-être, mais il y en aurait eu encore plus, je pense, si le gouvernement n’avait pas voté en faveur », a dit M. Blanchet en point de presse devant son caucus.
Le Bloc québécois a joint sa voix au Nouveau Parti démocratique (NPD) le 23 octobre pour demander un cessez-le-feu et, comme il l’avait fait à ce moment, M. Blanchet a réitéré mercredi l’importance qu’il accorde à l’établissement d’une force internationale chargée d’assurer le bon déroulement de la suite des choses.
« Sans moyens de mise en œuvre entre des ennemis qui se détestent et ne se feront jamais confiance, s’il n’y a pas de moyens déployés par la communauté internationale pour assurer la mise en œuvre d’un cessez-le-feu à Gaza, malheureusement, ça reste des mots », a-t-il soutenu.
Le journal des débats révèle qu’au cours des deux derniers mois les néo-démocrates se sont levés plus d’une cinquantaine de fois en Chambre pour réclamer un cessez-le-feu.
Leur porte-parole en matière d’affaires étrangères, Heather McPherson, a remercié sur X tous ceux qui ont travaillé sans relâche pour que le gouvernement libéral se positionne « du bon côté du droit humanitaire et international ».
« Cela n’aurait pas dû prendre 66 jours pour ce petit pas et nous devons continuer à travailler pour que ce travail se poursuive », a-t-elle ajouté.
Avec des informations d’Émilie Bergeron, La Presse Canadienne