(Ottawa) Le Canada s’est joint à une écrasante majorité de pays membres des Nations unies en votant pour un « cessez-le-feu humanitaire immédiat » entre Israël et le Hamas.

La résolution, non contraignante, a été adoptée mardi après-midi à l’Assemblée générale des Nations unies, avec 153 voix pour, 10 contre – dont Israël et les États-Unis – et 23 abstentions, sur un total de 193 États membres.

Le résultat témoigne d’une division au sein du G7 : parmi les autres pays du club auquel appartiennent le Canada et les États-Unis, la France et le Japon ont appuyé la résolution, tandis que le Royaume-Uni et l’Allemagne se sont abstenus.

« Nous devons reconnaître que ce qui se déroule sous nos yeux ne fera que renforcer le cycle de la violence. Cela ne conduira pas à la défaite du Hamas, qui est nécessaire, et de la menace qu’il fait peser sur Israël », a exposé en point de presse la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly.

Le Canada avait télégraphié ses intentions quelques heures plus tôt : pour la première fois depuis le début de la guerre, Justin Trudeau employait le terme « cessez-le-feu » dans une déclaration commune avec ses homologues de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande.

À son arrivée à la Chambre des communes pour la période des questions, le premier ministre a dit avoir eu un entretien avec son vis-à-vis israélien, Benyamin Nétanyahou – une « conversation très longue », a-t-il souligné, « sur la position du Canada ».

Il faut dire que le dirigeant de l’État hébreu s’était braqué lorsque le premier ministre du Canada avait lancé un appel à la retenue, il y a environ un mois. « Les forces de la civilisation doivent soutenir Israël pour vaincre la barbarie du Hamas », avait-il tonné sur X à l’intention de Justin Trudeau.

L’ambassade d’Israël à Ottawa n’a pas réagi au verdict onusien. « Un cessez-le-feu ne fera qu’encourager davantage de cycles de violence », a-t-on cependant prévenu sur X quelques heures avant que l’Assemblée générale se prononce.

Israël en perte d’appuis

Le changement de cap d’Ottawa « arrive à point nommé », et il « reflète probablement davantage ce que les Canadiens souhaitent voir », analyse François Audet, directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaires de l’UQAM.

Il survient toutefois « peut-être trop tardivement », nuance-t-il. Selon le spécialiste, un facteur est peut-être, partiellement à tout le moins, à l’origine du « délai » dans le durcissement de ton : le Canada devait extirper ses ressortissants qui étaient pris dans la bande de Gaza.

Si, ultimement, les États-Unis restent les maîtres du jeu, l’État hébreu commence néanmoins à avoir peine à justifier « ses bombardements presque aveugles sur Gaza », car « chaque jour qui passe est une journée de trop pour la population de Gaza, qui se fait massacrer », dit M. Audet.

Le vote du Canada aux Nations unies a été salué par un regroupement d’organisations humanitaires. « Sans un tel cessez-le-feu, il nous est impossible de secourir, soigner et sauver des vies », a déclaré Nadja Pollaert, directrice générale de Médecins du monde Canada.

« Il s’agit désormais de rendre cette résolution tangible au plus vite pour la population de Gaza qui vit l’agonie », a renchéri Béatrice Vaugrante, directrice générale d’Oxfam-Québec.

Réactions divergentes

Le même vote a inspiré du « dégoût » au Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA), où l’on juge que cette posture « conduira sans aucun doute à une recrudescence de la haine à l’égard des Juifs ici au Canada ».

« La communauté juive du Canada n’oubliera pas que, face à un antisémitisme sans précédent, renforcé par le massacre du 7 octobre perpétré par le Hamas, le gouvernement canadien a choisi d’ignorer non seulement le droit d’Israël à se défendre, mais aussi l’obligation d’Israël de se défendre », a-t-on dénoncé.

A contrario, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, s’en est réjoui. « Au-delà des enjeux parfois puérils du Parlement du Canada, ce vote mérite d’être salué, même tardif. Il ne doit être vu ni comme anti-Israël, ni caution du Hamas, mais un appel à la paix », a-t-il écrit sur X.

Le Parti conservateur appelle pour sa part à la « fin immédiate du conflit en demandant au Hamas de rendre les otages et toutes les armes et de se rendre sans condition », a signalé dans un courriel une porte-parole de la formation.

Quant à la députée néo-démocrate Heather McPherson, elle a plaidé qu’il était « grand temps que les libéraux appellent à un cessez-le-feu », et que le vote de mardi aux Nations unies devait être « suivi d’actions significatives ».

Les attentats perpétrés par le Hamas le 7 octobre dernier ont fait plus de 1200 morts du côté israélien. Dans la bande de Gaza, le ministère de la Santé du Hamas chiffre le bilan à plus 18 000 morts palestiniens, selon des chiffres publiés par l’Agence France-Presse.